« L’océan a besoin de nous. Tout se joue d’ici les 20 prochaines années » selon l’activiste Romain Troublé
27 juin 2025
27 juin 2025
Le sommet des Nations Unies sur les océans s’est achevée le 13 juin dernier à Nice. Surpêche, exploitation minière des fonds marins, pollution des bateaux et du plastique, acidification : les maux de nos océans sont nombreux. Les avancées obtenues lors de ce sommet sont-elles significatives ? Nos actions à titre individuelles et collectives sont-elles utiles ? Dans Tendances Première, Romain Troublé, le directeur général de la Fondation Tara Océan, activiste pour l’environnement et auteur de « Aujourd’hui l’Océan, vingt ans d’exploration et d’observation » (Ed. Stock) retrace l’itinéraire de son engagement. Il raconte aussi comment il est devenu l’une des voix qui comptent pour la cause océanique.
Tara Océan, la première fondation consacrée à l’océan mène depuis 2003 des expéditions scientifiques pour étudier la biodiversité marine, observer et anticiper les impacts du changement climatique et des pollutions. D’une part, il y a Tara, le bateau, et d’autre part, le Tara Pollard Station pour étudier les océans. Programmées jusqu’en 2046, dix missions consécutives vont partir étudier l’Arctique, « qui est un peu une sentinelle du changement climatique » relève Romain Troublé. À son bord climatologues, biologistes, physiciens, glaciers, océanographes, artistes, médecins, journalistes, marins, tous venus du monde entier et qui formeront des équipes de 18, nombre maximum sur ce bateau. « Il y a aussi beaucoup d’équipes à terre et beaucoup de partenaires, beaucoup de grands donateurs et des familles qui soutiennent ces projets qui sont indispensables« .
Il s’agira de mesurer l’impact du changement climatique « et de comprendre comment cette vie fonctionne. Je pense qu’il y a un vrai sujet. Comment va-t-elle résister si la glace n’est plus là l’été ? […] Cet environnement extrême regorge d’innovations en lien avec l’évolution de la vie, de molécules et d’espèces de gênes intéressants pour nous toutes et tous. C’est quand même une exploration qui est majeure« .
En regard de ce qui est investi financièrement pour l’espace, seulement 0,1% l’est pour la mer… qui est pourtant directement liée au maintien de la vie sur terre, rappelle Romain Troublé : « La conférence de l’ONU à Nice l’a rappelé. On a besoin d’investir bien plus que ce qu’on a investi dans cet océan pour comprendre ce qui s’y passe. Et puis pour anticiper les changements parce que ça va coûter beaucoup d’argent et si l’on n’anticipe pas, ça coûtera encore plus d’argent« .
Plus se préoccuper de l’océan et lui donner une voix, est pour lui essentiel. « On est en train de le faire avec ce traité sur la haute mer qui va être ratifié bientôt. C’est un des succès de Nice d’ailleurs. Il faut que cet océan ait des droits, car tant qu’il n’aura pas d’existence juridique, il n’apparaîtra jamais nulle part, dans aucun contrat, dans aucun deal de business, dans rien. Pour moi, c’est ça aussi l’enjeu« .
Cette devise, ‘Le pire n’est jamais certain’, Romain Troublé l’a adopté de son grand-père. Alors que l’océan a été le berceau de l’émergence de la vie il y a 3,8 milliards d’années, il est aussi aujourd’hui le moteur de sa préservation : sans ce climatiseur, la température moyenne à la surface de la planète ne serait pas de quinze degrés, mais grimperait autour des 32 degrés, explique-t-il.
« En fait, à notre échelle, l’océan est immense et profond. On peut tout y jeter, tout y prendre sans que ça aucun sens, que c’est aucun impact en fait. Et puis on s’en rend bien compte depuis maintenant quelque 30 ans qu’en fait, ce n’est pas si grand, ce n’est pas si profond et on voit que l’océan souffre beaucoup […] Toute notre consommation, tout ce qui coule de nos toilettes, de tout ça, une grande partie va vers la mer. En fait, c’est un peu le grand, le grand récipient qui prend tout » déplore l’activiste.
Par ailleurs, pour lui, chaque citoyen a un rôle à jouer pour la préservation des mers de notre planète. De tout petits gestes comme des gouttes d’eau qui sont aussi nécessaires : « Est-ce qu’on a vraiment un impact ? Et puis on se dit que si on n’avait pas été là, ce serait bien pire en fait. Donc il ne faut pas baisser les bras. Au lieu de prendre votre voiture pour faire un trajet, vous le faites à vélo. Vous pouvez vous dire aussi j’ai très peu d’impact. Mais en fait, tous ensemble, on finit par avoir un gros impact« . C’est en devenant père de Fleur et Nemo que Romain Troublé a senti l’urgence d’agir pour protéger les océans. « Si on lâche la pression, si on pollue moins et très vite, en l’espace de trois, quatre, cinq ans, en l’espace d’un mandat politique, on voit l’effet de la décision de le protéger. Donc c’est ça qui est aussi gratifiant« .
Ce qui pousse Romain Troublé à rappeler l’urgence citoyenne dans la lutte contre le réchauffement climatique :
Tout se joue entre maintenant et les 20 prochaines années. Plus que jamais, l’océan a besoin de nous.
La fondation Tara Océans, reconnue du grand public, des scientifiques, est devenue l’observateur spécial de l’ONU et à ce titre, participe donc aux décisions importantes concernant l’océan.
Lors de la troisième Conférence des Nations Unies sur l’océan, le bilan se révèle en demi-teinte. « Il y a un bilan quand même diplomatique qui est majeur, c’est que l’on n’est qu’à la troisième conférence sur l’océan, il y en a eu 30 sur le climat. Donc on est quand même un peu à la traîne pour cet écosystème […] Il y a eu plus de 50 chefs d’État et de gouvernement, beaucoup de ministres, beaucoup d’ONG, beaucoup de scientifiques, beaucoup de banques et d’assureurs sur l’aspect financement de cette économie bleue de demain. Donc quand même, il y a une mobilisation très forte et jamais vue dans l’histoire de l’ONU » se satisfait d’abord Romain Troublé.
Les sujets des plastiques, des minerais, des grands fonds marins, du travail en mer où sévit un esclavage moderne, ont été discutés. Mais il y a aussi eu des déceptions. Par exemple, « on n’a eu que 4% de la zone métropolitaine française où on a interdit le chalut de fond autorisé« .
Pour en savoir plus sur les données récoltées par la Fondation Tara, on peut les retrouver dans le podcast Un hublot sur l’océan qui comporte trois saisons et une quatrième lancée depuis peu qui tire le bilan de ce qu’il s’est passé au sommet de Nice.