L’Inde mise sur l’« économie bleue » pour assouvir ses besoins considérables de métaux rares
13 janvier 2023
13 janvier 2023
New Delhi a lancé une mission de plus de 460 millions d’euros pour développer l’exploitation minière en eaux profondes.
Une façade maritime de 7 517 kilomètres de long, 1 382 îles, l’Inde a de l’or sous les pieds, ou plutôt un gisement potentiel de minerais exceptionnel dans ses abysses, que le gouvernement est bien décidé à exploiter, malgré les risques écologiques inhérents. En juin 2021, New Delhi a lancé une mission baptisée Deep Ocean, dotée d’un budget de plus de 460 millions d’euros sur cinq ans, pour le développement des technologies d’exploitation minière en eaux profondes, l’exploration des ressources, l’étude de la biodiversité marine, l’achat d’un navire de recherche pour l’exploration des océans, les recherches sur le changement climatique des océans.Article réservé à nos abonnés
Le sous-continent a rejoint en 2016 le carré des pays autorisés à explorer les abysses, en obtenant le 25e permis accordé par l’Autorité internationale des fonds marins des Nations unies. Il s’est vu attribuer un site de 75 000 kilomètres carrés dans le bassin central de l’océan Indien, correspondant à sa zone économique exclusive élargie. L’Inde va pouvoir explorer ses ressources marines telles que les sulfures et nodules polymétalliques, les hydrates de gaz, les cheminées hydrothermales.
Le gouvernement ne cache pas ses intentions. « Les études d’exploration des minéraux ouvriront la voie à l’exploitation commerciale dans un avenir proche, dès que le code d’exploitation commerciale sera élaboré par l’Autorité internationale des fonds marins. Cette composante contribuera au domaine prioritaire de l’“économie bleue”, à savoir l’exploration et l’exploitation des minéraux et de l’énergie des grands fonds marins », avait-il affirmé, dans un communiqué, au lancement de la mission.
Le ministère des sciences de la Terre assure qu’en utilisant seulement 10 % de la réserve de ces nodules polymétalliques disponible dans la région, l’Inde pourra satisfaire tous ses besoins à venir pour produire des batteries. Les chiffres avancés par le gouvernement semblent mirobolants : d’après ses estimations préliminaires, le pays disposerait, dans ce périmètre, de 380 millions de tonnes de nodules polymétalliques, comprenant du cuivre, du nickel, du cobalt et du manganèse, pour une valeur d’environ 110 milliards de dollars.
Pour aller explorer ces grands fonds, la mission Deep Ocean doit mettre au point un submersible habité et autopropulsé, capable de transporter au moins trois membres d’équipage et des équipements scientifiques jusqu’à une profondeur de 6 000 mètres dans l’océan Indien. Il faudra quatre heures pour descendre et autant pour remonter à la surface. L’Inde fait partie des pays qui ont sévèrement critiqué la position française d’interdire toute exploitation des fonds marins Le véhicule devra avoir une autonomie de douze heures en fonctionnement normal et de quatre-vingt-seize heures en cas d’urgence pour assurer la sécurité de l’équipage et fournir de l’oxygène. Les premiers tests en eaux peu profondes devraient commencer en 2024.
L’Inde va rejoindre dans la course aux abysses les Etats-Unis, la Russie, la Chine, le Japon et l’Australie. La conception et le développement de cet engin, le Matsya 6000 – du nom du premier avatar du dieu Vishnou –, ont été confiés à l’Institut national de technologies océaniques, basé à Madras (Chennai), une agence publique relevant du ministère des sciences de la Terre qui travaillera en collaboration avec l’agence spatiale indienne. Le projet doit être finalisé pour 2026, selon le ministre des sciences de la Terre. Devant le Parlement, le 21 décembre, Jitendra Singh a assuré que la « conception préliminaire du véhicule [était] terminée et la réalisation des différents composants du véhicule en cours ». Par ailleurs, l’université maritime indienne a été chargée de la construction d’un drone de sondage fluvial à faible consommation d’énergie.
Fourre-tout L’Inde fait partie des pays qui ont sévèrement critiqué la position française d’interdire toute exploitation des fonds marins et demande des discussions pour garantir une exploitation responsable et durable des fonds marins. Le projet d’exploitation minière en eaux profondes entre dans son programme pour développer l’« économie bleue », un concept fourre-tout, mais dont Narendra Modi espère faire l’un des moteurs de la croissance d’ici à 2030. Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le Groenland, une des rares régions encore inexploitées de la planète, regorge de fer, de nickel, d’or et, surtout, de métaux rares Surtout, l’Inde, avec son 1,4 milliard d’habitants, a des besoins considérables de métaux rares, pour les produits électroniques, les batteries de voitures électriques… Le gouvernement s’est fixé pour objectif d’avoir un parc automobile tout-électrique d’ici à 2030. Sachant que, dans la seule capitale, plus de 13 millions de véhicules thermiques sont actuellement en service. Pour réduire sa dépendance à l’égard de la Chine, New Delhi mise sur ses océans.