L’homme doit revoir son lien avec l’océan en profondeur
1 juillet 2022
1 juillet 2022
Les Nations unies sont une fois de plus au chevet de l’océan pour une conférence qui se tient à Lisbonne du 27 juin au 1er juillet.
Le sommet de Lisbonne est placé sous le signe de l’exigence : les Nations unies ont pour objectif de trouver des solutions pour réaliser dix-sept objectifs de développement durable à l’horizon 2030. Albert II de Monaco y participera, animé par sa passion pour l’océan, digne héritier de son trisaïeul, Albert Ier, père de l’océanographie moderne.
Dans un essai qui vient de paraître chez Flammarion, L’Homme et l’Océan, il montre le cap d’une écologie constructive qui réconcilie les activités humaines avec la nature. Une philosophie qui est aussi le fruit de la longue expérience de l’Institut océanographique de Monaco, dont le directeur général, Robert Calcagno, a accepté de nous parler.
Albert II de Monaco a fait de la protection des océans son cap. Est-ce la suite logique de l’histoire d’une famille de navigateurs ?« C’est une histoire propre à la principauté, nichée entre le bord de la mer Méditerranée et les Alpes. L’histoire de la famille Grimaldi est celle de marins et quand on remonte encore plus loin dans l’histoire de Monaco, on retrouve l’histoire du prince Rainier 1er (né vers 1285, mort en 1314) un grand amiral qui a combattu pour les rois de France en pilotant des armadas maritimes. C’est à partir du prince Albert Ier, à la fin du 19e siècle, que l’océan est considéré comme un objet d’étude, de compréhension et de protection. Albert II a fait de ces préoccupations un des axes forts de son règne alors qu’en 2005, c’était quelque chose qui paraissait moins naturel qu’aujourd’hui. L’océan n’intéressait alors pas beaucoup les politiques. »
La science et les nouvelles technologies au service du développement durable, l’objectif 14 de la conférence de Lisbonne, c’est une reconnaissance de son combat ?« C’était un de ses engagements. À l’origine, au tournant du millénaire, quand les objectifs de développement durable des Nations unies ont été créés, il n’y en avait qu’une dizaine et l’océan n’apparaissait pas en tant que tel alors qu’il représente 60 % de la surface de la planète. Albert II s’est attelé à la tâche de la promotion de ce quatorzième objectif. Il a été un fervent défenseur et financeur des études qui ont mené au rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental (Giec) sur les océans et la cryosphère en 2019. »
Vous êtes de ceux qui accompagnent le prince à Lisbonne pour cette conférence des Nations unies. Quelle est votre action phare à cette occasion ?« Les mondes polaires. C’est une priorité de notre programme. Les identifier, mieux les comprendre et mieux les protéger. »
Parce qu’ils sont la preuve absolue de ce réchauffement climatique qui nous menace de submersion ?« Absolument. Pendant très longtemps – et c’est encore le cas de beaucoup de gens aujourd’hui –, on a considéré que les pôles, c’était très loin, très froid, protégé par la distance et que ces mondes polaires et l’humanité n’avaient aucune interaction. Ces dernières décennies nous ont montré tout le contraire. Ils sont le témoin des activités humaines dont les conséquences sont beaucoup plus grandes et impactantes que dans nos régions tempérées. »
Pour autant, faut-il sanctionner les humains, surtout quand ils sont à des lieues du confort occidental, parce qu’ils ignorent ou comprennent mal la planète sur laquelle ils vivent ?« Nous ne prônons pas une écologie punitive, mais de réconciliation entre l’homme et la nature, dont il fait partie.
On ne peut pas envisager de défendre la nature contre l’homme. C’est totalement irréaliste. Quand des populations de pays en guerre ou en voie de développement ont faim, le message de la protection de l’environnement devient inaudible. La seule alternative est une écologie de l’action, de la solution qui profite à l’humanité et notamment à ceux qui en ont le plus besoin dans les pays en situation de pauvreté. Comme l’écrit le prince dans son livre : “ La défense de notre planète demande une révolution […] Nous devons éduquer nos enfants à ce défi. Nous devons produire et consommer mieux, plus durablement et de façon plus responsable. ” Cette phrase donne bien l’état d’esprit de l’action de Monaco. »
Les peuples anciens étaient-ils plus sages que nous ?« Oui, et nous devons avoir à cœur de comprendre ces civilisations premières et leur relation si respectueuse de la nature. »