L’exploitation des océans

Avec Bloom, l’association qu’elle dirige et qu’elle a fondé en 2005, la journaliste et cinéaste Claire Nouvian défend les océans contre la surpêche et l’exploitation des fonds marins.

Le combat de Claire Nouvian a été salué par le Prix Goldman pour l’environnement en 2018, la plus haute distinction internationale dans le domaine de l’environnement

En 2001, au cours d’un repérage pour un film sur la faune sous-marine, Claire Nouvian découvre à l’Aquarium de Monterey aux États-Unis des images incroyables de créatures aux formes spectaculaires, aux couleurs sidérantes… Il s’agit d’animaux inconnus, filmés parfois jusqu’à 4 000 mètres de profondeur. Du choc esthétique et intellectuel, elle passe rapidement à la révolte en découvrant que les abysses sont exploités industriellement depuis près de 30 ans dans un silence total et qu’aucun traité ni aucune loi ne protège les eaux internationales, bien qu’elles couvrent les deux tiers de la planète. Emue par les beautés du monde sous-marin, Claire Nouvian se bat depuis 2005 avec sonassociationBloompour les sauvegarder. Alors que les océans couvrent plus de 70 % de la planète et qu’ils sont un de nos plus grands biens communs à toutes et tous. Les activités humaines sont en train de le dévaster dans un silence assez assourdissant.

2019 : interdiction de la pèche électrique

L’association Bloom que Claire Nouvian préside, a obtenu en 2019 suite à une campagne de pétition, et un long travail pédagogique, l’interdiction de la pêche électrique entrée en application en 2021. Elle réagit : « Cela fonctionne, mais il vaut mieux contrôler. Les grands pécheurs néerlandais truandent toujours un peu… » Aujourd’hui, le Prins Bernhard, est à 6000 nautiques, à 11 kilomètres, de nos côtes et racle jusqu’au fond. Or, cette pêche, qui repose sur des subventions publiques, se pratique au détriment des pêcheurs, et de la nature. »

La pêche démersale

Un pécheur normand témoigne : « Si vous passez derrière un bateau de pêche démersale, c’est un carnage ! Il n’y a plus de rougets, plus d’encornets, plus de bars, plus de lieux, ni de cabillauds… C’est un scandale ! » Claire Nouvian milite aujourd’hui pour l’interdiction de cette sorte de pêche : « La senne est un gros câble qui couvre une surface gigantesque de 3 km ! En une journée, il ramasse tout dans un espace de la taille de Paris ! Les Néerlandais sont ceux qui pratiquent le plus ce genre de pêche. Et comme le numéro 2 de la commission est de leur nationalité, ils arrivent à avoir le soutien des autorités européennes. »

Par ailleurs les lobbies de la pêche sont ultra présents à Bruxelles. Or la pêche industrielle : c’est 4 fois l’impact de l’agriculture. Jusque-là, on n’en avait pas conscience. On a longtemps laissé le secteur se débrouiller. Les lobbyistes représentent 1,8% des bateaux, mais ce sont des bateaux énormes. Et ils sont présents dans l’appareil d’Etat. Ils ont un fonctionnement proche des systèmes mafieux. Il faut absolument y mettre fin !

Une honte française

Tous les pêcheurs français sont concernés par les désastres provoqués par la senne démersale. Claire Nouvian poursuit : « 98 % des pécheurs se sont exprimés et ont demandé l’interdiction de cette pratique monstrueuse. Ils ont convaincu des élus, et sont allés à Bruxelles. Mais la France n’a pas soutenu leur texte prétextant un problème juridique, pourtant inexistant. Les Français n’ont pas soutenu leurs propres pécheurs contre ceux des Pays-Bas ! À Dunkerque, par exemple, c’est violent. Il n’y a plus de bateaux, puisqu’il n’y a pas d’interdiction de pêcher dans des eaux françaises. »

Un cas de pantouflage

Claire Nouvian évoque le cas de « Anne-France Mattlet. Le Pantouflage consiste à quitter sa responsabilité publique pour aller travailler dans le privé sur des dossiers dont on s’occupait, alors qu’on dispose d’infos très fines. La, cette dame s’occupait de la pêche, et est partie travailler pour les lobbies thoniers ! Cette négociatrice des accords de pêche pour la France, dans l’océan Indien a rejoint le lobby Europêche (Association des organisations nationales d’entreprises de pêche de l’UE) pour prendre en charge la stratégie thonière. L’état n’arrive plus à voir la cloison entre les intérêts privés et publiques. »

La pêche, un comportement de prédateur

Si les pécheurs tuent tous les poissons quel est leur intérêt ? Ils ne pourront plus pécher demain. Claire Nouvian analyse : « Ces gros bateaux sans foi, ni loi ont un comportement de prédateur mobile. Ils utilisent des outils perfectionnés, comme les sonars ou les GPS… Ils raflent tout à un endroit, puis ensuite, ils se déplacent… Jusqu’à un autre lieu, jusqu’à ce que ça cesse. Vu l’importance des investissements, ils veulent du rendement immédiat ! »

La solution ?

La présidente de Bloom préconise : « Pour changer, il ne faut plus acheter de poissons en grande surface. Mais se tourner vers des petits pécheurs comme Poiscailles. »

Source: Radio France