Le satellite Swot va aider à mieux comprendre les océans et leur impact sur le climat
16 décembre 2022
16 décembre 2022
Pendant « au moins trois ans, et peut-être beaucoup plus longtemps en fonction de ses capacités », il sondera inlassablement les eaux des mers et des océans, mais aussi celles des lacs et des rivières. Prévu pour être lancé dans une fusée SpaceX, ce vendredi (avec un jour de retard sur le programme initial) depuis la base de Vandenberg, en Californie, le satellite franco-américain Swot va poursuivre une « mission emblématique » et « cruciale pour le futur », assure Thierry Lafon, au Cnes. Pour ce projet à un milliard de dollars, le Centre national d’études spatiales est associé à la Nasa.
Dans la lignée de ses prédécesseurs, Swot (pour « Surface water and ocean topography » ou « Topographie des eaux de surface et des océans ») aura pour vocation d’améliorer la compréhension du cycle de l’eau et son impact sur le climat. Il prend la suite du satellite Topex-Poseidon, qui avait notamment mis en évidence le phénomène El Niño il y a trente ans, et plus récemment des missions Jason-1-2-3.
« Dans les années 1970, des scientifiques installés de chaque côté de l’Atlantique ont eu l’idée de surveiller les océans pour voir comment ils marchaient. Swot va proposer des données encore plus précises », expliquait en septembre, dans les locaux cannois de Thales Alenia Space, où le satellite a été assemblé, Bertrand Denis, le responsable du service Observation de la Terre et sciences de l’entreprise.
Ce géant de 2,2 t et 16 m d’envergure, qui a dû nécessiter un transport dans un Lockheed C-5 Galaxy, un avion militaire de l’US Air force, depuis l’aéroport de Nice, pourra compter sur un instrument inédit pour en offrir davantage aux scientifiques. KaRIn (« Ka-band Radar INterferometer » ou « radar interféromètre en bande Ka »), fabriqué par le Jet Propulsion Laboratory, et ses deux antennes éloignées de 10 mètres l’une de l’autre vont permettre une observation bidimensionnelle de 120 km de large à chaque passe. Elles permettront « une couverture des lacs, des rivières, réservoirs et océans de la Terre à raison de deux fois tous les 21 jours », vante Thales Alenia Space.
Une précision dix fois supérieure que celle permise par les derniers instruments.
C’est comme observer une plaque d’immatriculation de l’espace quand on ne pouvait auparavant distinguer qu’une rue », explique Thierry Lafon.
Selon le chef du projet Swot au Cnes, la mission fournira notamment « des informations nécessaires à la gestion de la ressource en mesurant la quantité et la variabilité de l’eau douce stockée sur terre ». Des indications seront également très utiles pour la prévention des inondations comme des sécheresses. En orbite à 890 km d’altitude, le satellite permettra également une analyse inédite et à haute résolution de l’érosion côtière et surtout de la hauteur de la surface des mers et des océans. Des données indispensables « pour mieux comprendre le transport de la chaleur, du carbone et des nutriments dans l’océan », détaille-t-il.
En plus des grands courants océaniques déjà largement étudiés, comme le Gulf Stream, les courants et les tourbillons à plus petite échelle, sur une dizaine de kilomètres, pourront également être analysés grâce à Swot. Et l’importance est grande car eux aussi peuvent chambouler le climat mondial en modulant la température de surface de la mer mais aussi l’absorption du CO2 présent dans l’atmosphère.
« Jusque-là, les seules informations qu’on avait c’était soit la couleur de l’eau, soit sa température. Là, on aura une information plus dynamique et plus régulière », a expliqué à l’AFP Guillaume Charria, chercheur en océanographie physique à l’Ifremer. « En Méditerranée, clairement, on va pouvoir obtenir des avancées sur ce qui se passe en matière de tourbillons, mieux comprendre les zones où il y a des accumulations de plancton, plus favorables à la vie marine et à la production biologique », dit-il.
Swot devrait donc être une révolution pour les chercheurs. Mais aussi pour l’exploitation de l’espace, en y limitant la prolifération de débris. A la fin de sa mission, d’ici trois ans ou plus donc, le satellite sera le premier à effectuer une rentrée contrôlée dans l’atmosphère comme le préconise la loi française sur les opérations spatiales de 2008.