Le détroit de Messine sépare depuis des millénaires la Sicile du continent italien. Cette bande de mer, longue de 3,3 kilomètres à son point le plus étroit, oblige actuellement les voyageurs à emprunter des ferries. Ces navettes maritimes assurent la traversée en 30 minutes environ, au rythme de la houle et des conditions météorologiques.

Le projet de liaison fixe entre la Sicile et la Calabre prend forme au milieu du XXe siècle et, après 70 ans de multiples péripéties, relances et abandons, semble devoir finir par se concrétiser à moyen terme.

La construction du Pont de Messine modifiera profondément la mobilité dans cette région. Les trains et les véhicules circuleront sans interruption entre l’île et le continent. Vous gagnerez désormais la Sicile depuis Rome ou Naples sans quitter la terre ferme. Cette connexion s’inscrit dans le développement du corridor scandinave-méditerranéen, un axe majeur reliant l’Europe du Nord à la Méditerranée.

Une construction qui repousse les limites de l’ingénierie

Les dimensions du futur pont de Messine correspondent à une réalisation unique en son genre. La structure s’étendra sur 3 666 mètres, dont une travée centrale de 3 300 mètres entre les deux pylônes principaux. Le tablier, large de 60 mètres, se situera à 70 mètres au-dessus du niveau de la mer. Les deux pylônes atteindront 382,6 mètres de hauteur.

La conception intègre des innovations techniques adaptées aux contraintes locales. Les ingénieurs ont développé un système de suspension capable d’absorber les mouvements du tablier face aux vents violents qui balaient régulièrement le détroit. Les câbles porteurs, d’un diamètre de 1,26 mètre, utiliseront un acier haute résistance pour supporter le poids de l’ouvrage.

L’infrastructure accueillera six voies routières et deux voies ferroviaires. La capacité prévue atteint 6 000 véhicules par heure et 200 trains quotidiens. Le temps de traversée se réduira à quelques minutes.

Le calendrier et le financement du projet

Après une décennie de mise en pause du projet, le gouvernement italien a relancé les études 2024. Le ministère de l’Environnement a validé le projet en octobre 2024, sous réserve d’une cinquantaine de modifications. Ces ajustements concernent la gestion des matériaux de construction et la protection de l’environnement local. Les associations écologistes suivent particulièrement l’impact sur les routes migratoires des oiseaux et les écosystèmes marins. Le chantier devrait s’étendre sur une période de six ans, pour une mise en service envisagée vers 2030.

Le coût total du projet s’élève à 13,5 milliards d’euros.

Les défis techniques et environnementaux : le pont pourra-t-il réellement être construit ?

Le détroit de Messine présente des conditions naturelles exigeantes. La zone connaît une activité sismique régulière. Les ingénieurs ont conçu la structure pour résister à des séismes de magnitude 7,1 sur l’échelle de Richter. Le pont doit également supporter des vents atteignant 216 kilomètres par heure.

Les associations environnementales alertent sur l’impact du chantier dans le détroit. Les eaux entre la Sicile et la Calabre abritent des espèces protégées comme le grand dauphin et le rorqual commun. Les fondations du pont perturberont les fonds marins où se développent des herbiers de posidonie, essentiels à l’équilibre marin. Le détroit constitue également un couloir de migration pour des milliers d’oiseaux entre l’Europe et l’Afrique. Les pylônes de 382 mètres, équivalents à la hauteur de la tour Eiffel, se dresseront sur leur route. La pollution sonore et lumineuse du chantier risque de bouleverser ces déplacements saisonniers.

Les impacts sur les habitants pourraient également être importants : à Torre Faro, les habitants s’inquiètent ainsi pour leurs jardins où nichent des espèces locales. La construction nécessitera le déplacement de 250 familles et la destruction de leurs espaces verts, modifiant durablement l’écosystème urbain de ce quartier sicilien.

Source: Quand partir