Le mystère des anneaux du Cap Corse, l’énigme résolue à 120 mètres de profondeur

:Trois années d’enquête, au large du Cap Corse, menée par l’équipe de Laurent Ballesta, ont permis de résoudre l’énigme de ces anneaux. Des formes circulaires, régulières, à 120 m de profondeur, vestiges sur un désert de sable, mais abritant de la vie, que cache le mystère de ces anneaux ?

Au large du Cap Corse, à 20 kilomètres des côtes là où la mer devient un continent d’eau profonde et silencieuse, il existe une vallée dont personne ne soupçonnait l’existence.

C’est une plaine sous-marine, balayée par les courants, recouverte de sable et d’ombres, et pourtant marquée d’un étrange mystère. Ce secret, elle l’a révélé par hasard, en 2011. Ce jour-là, l’œil froid d’un sonar scrute les fonds dans le cadre d’une simple mission cartographique. Mais ce qu’il a renvoyé sur les écrans ne ressemble à rien de connu. Un motif. Puis un autre. Puis des centaines. Des cercles. Parfaits. Inexplicables. Alignés, disposés comme sur une partition, ces 1 417 anneaux forment un paysage géométrique à perte de vue. Chacun mesure près de vingt mètres de diamètre, tous posés là, à plus de cent mètres de profondeur.

Chaque cercle semble avoir été dessiné à la main, creusé dans le sable comme une empreinte rituelle. Certains abritent la vie, poissons, coraux, créatures adaptées à l’obscurité. Cette vallée est un refuge et un sanctuaire. D’autres paraissent figés depuis des siècles. Mais tous racontent quelque chose. Quelque chose d’ancien. Quelque chose d’oublié. C’est le début d’une grande enquête. Les scientifiques observent et s’interrogent. Est-ce l’œuvre d’un animal ? D’un courant ? Une cicatrice de la guerre ? Alors, un jour, des scientifiques décident de plonger plus loin dans l’énigme. Une expédition s’organise pour aller dans l’inconnu. Ceux qui s’y aventurent vont découvrir un monde à part. Ce que révélèrent les prélèvements est totalement inattendu…

C’est cette histoire que La Terre au carré raconte dans cette émission en compagnie de l’invité Laurent Ballesta, biologiste et photographe sous-marin. Il est l’auteur du documentaire Cap Corse – Le mystère des anneaux est disponible sur la plateforme arte.fr jusqu’au 2 août 2027, diffusé sur Arte le samedi 3 mai 2025.

À quoi ressemblent ces anneaux ?

Le biologiste décrit la chose, lui les a vu : « on parle de cercles sombres diffusés sur une plage de sable clair ». Son premier sentiment lorsque la première plongée humaine a été faite, 10 ans après leur découvert par sonar, était que ce n’était pas naturel. Posté à 20 mères au-dessus de ceux-ci, pour. lieu les observer, il lui a fallu reprendre ses esprits pour analyser la chose de manière scientifique.

Cette découverte avait été faite lors d’une cartographique, avec sans doute un indice, « dans une thèse en géologie d’un étudiant de Corte, le gars avait fait aussi du sonar avec des caméras depuis son bateau et avait parlé ‘d’étranges îlots de vie, qui mériteraient bien qu’on s’y attarde un peu plus ‘ « . Il y a 1600 anneaux, le nombre augmente, car le travail d’observation continue, dont 1300 qui correspondent vraiment à la première description, puis d’autres catégories avec de légères nuances. Il est très impressionnant de se dire que cela n’a été découvert qu’en 2011, sur des côtes françaises bien connues, à seulement 100 mètres de profondeur. C’est la magie des fonds marins, et aussi du fiat que les expéditions sous-marines coûte cher.

Une station bathyale pour rester plus longtemps au fond

On se dit que 100 mètres, ce n’est pas grand-chose, certains courent cela en moins de 10 seconde, mais en profondeur d’eau, il faut six heures aux plongeurs pour remonter. La première plongée en juillet 2020 a duré 27 minutes, « il m’a fallu plus de cinq heures pour remonter » témoigne le biologiste ; afin de laisse le gaz des bouteilles sortir de l’organisme. « Il faut juste être patient, parfois endurant, car c’est parfois pénible quand il fait un peu froid.« 

Alors quitte à rester longtemps dans ces eaux, autant en profiter ; l’idée a donc été de construire une base sur le fond marin. Quatres personne sont ainsi restées dans 25 mètres carrés, pendant 21 jours de vie, dans une capsule pressurisée à 120 mètres de profondeur. Petit inconvénient, la voix y est totalement déformée, « entre nous, on ne peut pas se parler sauf à mettre un casque avec un ordinateur qui retimbre« . Donc très vite l’équipe arrête de parler, car « c’est pénible« , la communication se fait alors par des signes, par des sourires. « On a beaucoup souri. » On entend dans cette émission une version où la voix n’est pas refaite, une espèce de canard qui émettrait des onomatopées, étonnant.

Percer le mystère des ronds du Cap Corse

Seraient-ce des trous de bombe ? Impossible, car il ne s’agit pas de trous, mais de buttes, et puis, recouvertes de 21 000 ans de sédiments, ces bombes auraient été jetées par Cro-Magnon. Impossible.
Seraient-ce des sorties de gaz ou d’eau douce, qui auraient donné ces constructions géologiques ? La chose doit être vérifiée…

Le biologiste Laurent Ballesta explique que « c’est un formidable concours de circonstances, il a fallu toute une série d’événements qui se passent au même endroit pour qu’on arrive à ces vestiges-là aujourd’hui. » Il y a même sur zone des espèces que le biologiste n’avait jamais vu, comme des coraux, des gorgones, des limaces de mer, ou encore des étoiles de mer. « Heureusement qu’il y avait ces récompenses naturalistes, car les plongées étaient assez ingrates à ces profondeurs-là.« 

Pour l’anecdote, un lien a été établi entre les fonds marins et l’espace lorsque Thomas Pesquet se trouvait dans la station spatiale. Laurent Ballesta s’étonne encore de la curiosité de l’astronaute pour la vie des plongeurs dans leur capsule. Il viendra plusieurs mois après voir ces anneaux avec le biologiste grâce à un sous-marin, tout ne s’est pas déroulé comme prévu… Le biologiste raconte cette autre aventure dans l’émission.

Une expédition pluri disciplinaire pour trouver la solution

Laurent Ballesta : « Au début on croyait qu’avec les seuls biologistes marins d’Andromède Océanologie, ma société, on allait s’en sortir quoi, on allait faire le job. Et en fait très vite, on a compris que ça nous dépassait Que c’était de la géologie, c’était de la géophysique, c’était de la paléoclimatologie, qu’il fallait tellement, tellement de domaines. Et on a eu la chance d’éveiller la curiosité des plus grands spécialistes en France pour venir nous aider.« 

Édouard Barre, professeur au Collège de France, accompagne l’expédition, avec un intérêt personnel pour ces cercles. Il se trouve que cette découverte recoupe ses propres études : ces cercles seront datés de moins 21 000 ans, « une date mythique, parce que 21 000 ans, tous les climatologues vous le disent, c’est la période la plus froide de la dernière ère glaciaire. C’est une période qui a duré à peu près 6 000 ans, de froid intense, jusqu’à moins de 18 000 ans. Et ensuite, ça s’est réchauffé. Et donc, cette dernière période très froide de la planète, forcément, période très froide, dit des calottes glaciaires énormes, et donc un niveau marin mondial beaucoup plus bas. environ 120 mètres plus bas, sachant qu’il n’était pas pareil partout sur Terre. Aujourd’hui non plus, on ne s’en rend pas compte, mais le zéro mètre de la mer n’est pas à la même altitude partout sur Terre.« 

Le travail s’est fait petit-à-petit, pour remonter dans le passé. Des petites algues cailloux avaient deux millénaires, « 2000 ans pour atteindre une taille de quelques centimètres, rendez-vous compte de la lenteur du phénomène« .

Finalement, l’équipe découvre, notamment sur l’intuition d’Édouard Barre, que ces anneaux proviennent d’émissions de gaz, il y a des dizaines de milliers d’années, impossible à dater exactement. La preuve a été apportée par une observation du magnétisme au-dessus de ces ronds, qui y était effectivement différent.

Quarante ans que le professeur Barre étudiait ce phénomène et la première fois qu’il l’avait sous les yeux. Et tout cela est parti de l’observation d’une bizarrerie locale, s’étonne encore le biologiste. Et suite à cette découverte, la zone des anneaux va être interdite au mouillage des grands navires et à la pêche professionnelle. « Ça, c’est au final une très grande fierté, au-delà de la découverte des anneaux » pour Laurent Ballesta.« 

Source : Radio France