Le bassin de la Méditerranée, une région encore plus exposée aux conséquences du dérèglement climatique

 

Certaines régions du monde sont encore plus exposées que d’autres au changement climatique et peuvent s’attendre à un avenir d’autant plus inquiétant. Le bassin méditerranéen est dans ce cas : il se réchauffe 20 % plus vite que le reste du monde. A l’occasion de la COP29, en Azerbaïdjan, Piero Lionello, de l’université de Salento, et Mohamed Abdel Monem, consultant en climat et développement rural, l’ont rappelé, lundi 18 novembre. A l’invitation de l’Union pour la Méditerranée (qui réunit l’Union européenne et seize pays du pourtour de la Méditerranée), ils ont présenté deux rapports pour lesquels ils ont coordonné les contributions de cinquante-cinq scientifiques de dix-sept pays, au sein du réseau d’experts MedECC (Euro-Mediterranean Climate and Environmental Scientists Network).

L’un décrit les impacts de l’évolution du climat dans cette région de plus de 540 millions d’habitants, l’autre se penche sur le nexus eau-énergie-alimentation-écosystèmes, autrement dit les implications en cascade qui lient ces secteurs. « Toutes les conséquences du changement climatique sont clairement visibles : le réchauffement, moins d’eau douce disponible… Et nos problèmes sont mineurs par rapport à ceux qui nous attendent si l’on continue à émettre autant de gaz à effet de serre », alerte Piero Lionello.

Alors que les images de l’agglomération de Valence, en Espagne, dévastée par des pluies apocalyptiques fin octobre, sont dans toutes les mémoires, les experts soulignent que la concentration des populations sur ses littoraux croît plus vite que dans l’arrière-pays. Un tiers réside à proximité immédiate des côtes. Certes le nombre d’habitants pourrait baisser au Nord, mais une forte augmentation est prévue au Moyen-Orient et dans les pays du Maghreb. Jusqu’à 20 millions de personnes pourraient donc être amenées à se déplacer de façon permanente d’ici à 2100, estiment les auteurs.

En cause : la multiplication des événements extrêmes (sécheresses et pluies diluviennes), la montée du niveau de la mer et, globalement, la dégradation de l’environnement. Le drainage de plus de 160 cours d’eau côtiers, la disparition d’environ la moitié des zones humides sur le littoral durant le XXe siècle, affecte directement l’état des zones côtières, car ces écosystèmes ont un rôle d’éponge et d’apport de sédiments.

Détérioration générale

Dans la région, la fréquence et l’intensité des événements extrêmes centennaux (qui ont une chance sur cent de se produire chaque année) pourraient augmenter de 10 % à 30 % d’ici le milieu du XXIe siècle, si nous réduisons nos émissions de gaz à effet de serre pour rester sous la barre de 1,5 °C de réchauffement. Sites remarquables et infrastructures sont menacés. Ainsi trois grands aéroports comptent parmi les vingt les plus exposés au risque d’inondation côtière dans le monde : Corfou, en Grèce, Pise et Venise, en Italie.

Tout le pourtour méditerranéen se trouve confronté à une détérioration générale, qui s’accélère. Le recul de ses rivages en raison de l’érosion pourrait atteindre entre 17,5 et 23 mètres d’ici à 2050 par rapport à 2010. L’eau salée s’introduit dans une large part de ses aquifères, menaçant la ressource hydrique, mais aussi les sols. En surface, la température de l’air dans la zone méditerranéenne devrait augmenter par rapport à la période 1850-1900, de 2,1 °C en moyenne aux alentours de 2041-2060, puis de 2,2 °C supplémentaire en 2081-2100 avec le scénario de gaz à effet de serre le plus optimiste, et bien davantage en cas d’émissions soutenues.

L’état de la Méditerranée elle-même est également inquiétant. Dans leur résumé adressé aux décideurs, les scientifiques détaillent une longue liste des maux. Non seulement son niveau monte, mais son eau s’acidifie rapidement tandis que ses poissons sont surexploités. Elle est frappée par des vagues de chaleur déjà devenues 40 % plus fréquentes et 15 % plus longues au cours des deux dernières décennies. Ces phénomènes sont responsables de mortalités massives de coraux, éponges, mollusques, échinodermes… Les coups de chaud favorisent les infections de pathogènes et probablement les proliférations de méduses, d’autant plus qu’ils surviennent dans une eau particulièrement polluée.

Car la Grande Bleue est désormais largement contaminée par le plastique. Ce dérivé de pétrole représente pratiquement 100 % des déchets flottants et plus de 50 % de ceux qui tombent sur ces fonds. Les deux tiers proviennent des rivières et des activités humaines. La Méditerranée souffre d’autres pollutions : nitrates agricoles ou dus au défaut de traitement des eaux usées, métaux lourds et mercure dans les grands poissons prédateurs, particules et gaz émis par le trafic maritime, etc.

Cette palette de polluants couplée au réchauffement menace la santé humaine, la quantité et la qualité de l’eau, la production d’énergie, ainsi que les rendements agricoles, l’aquaculture, la pêche. Les rapporteurs observent que les récoltes d’olives, raisin, céréales, légumes sont d’ores et déjà affectées, ce qui pèse sur la sécurité alimentaire des Méditerranéens.

Source : Le Monde