L’aquaculture, une alternative pas toujours durable à la surpêche

 

Face au déclin des ressources halieutiques, causé par la surpêche et par la pollution, l’aquaculture monte en puissance. Une alternative qui doit gagner en durabilité.

En croissance régulière depuis les années 1950, la production mondiale d’animaux aquatiques (poissons et fruits de mer, mais aussi des algues) s’apprête à franchir un tournant: la prédominance de l’aquaculture sur la pêche, désormais imminente. Un changement majeur quand on sait que l’élevage d’animaux aquatiques ne représentait que 4% de la production dans les années 1950, 20% dans les années 1990 et 44% autour de 2010.

Selon les chiffres de la FAO, la branche de l’ONU dédiée à l’alimentation et à l’agriculture, la production issue de la pêche et de l’aquaculture a atteint, en 2020, le niveau record de 178 millions de tonnes d’animaux aquatiques (214 millions avec les algues), dont 87,5 millions de tonnes issues des élevages aquacoles. Cette production devrait croître de 14% supplémentaires d’ici à 2030. La production totale d’animaux aquatiques devrait alors atteindre 202 millions de tonnes, dont 106 millions proviendront de l’aquaculture, qui sera prépondérante.

Cette inversion de tendance s’explique essentiellement par le déclin des ressources halieutiques. En cause: la pollution et la surpêche, même si une gestion plus efficace de celle-ci a aidé à reconstituer les stocks.

Dans un tel contexte, l’aquaculture est présentée comme une des solutions susceptibles d’enrayer la désertification des océans. Selon la FAO, la reconstitution des stocks de poissons pourrait accroître la production halieutique de 16,5 millions de tonnes, renforçant ainsi la contribution de la pêche maritime à la sécurité alimentaire, à la nutrition et à la croissance économique.

Si l’aquaculture peut constituer une solution, encore faut-il que sa croissance soit durable. Jusqu’ici, elle s’est souvent développée au détriment de l’environnement.

Un quart des poissons pêchés termine dans les bassins d’élevage pour nourrir le cheptel aquacole.

Les élevages de poissons et mollusques, majoritairement localisés en Asie, sont en général des exploitations surpeuplées et ne lésinant pas sur le recours aux antibiotiques et aux pesticides. Sans compter que ces poissons d’élevage sont généralement nourris avec des farines et des granulés de… poissons sauvages. Un quart des poissons pêchés termine dans les bassins d’élevage pour nourrir le cheptel aquacole.

Dans un tel contexte, l’action des labels de durabilité est un travail de longue haleine. Créé en 2010 aux Pays-Bas, le label ASC (Aquaculture Stewardship Council), pendant aquacole du label de pêche MSC (Marine Stewardship Council), couvre aujourd’hui onze espèces de poissons d’élevage comme le saumon, le tilapia, la truite, le pangasius ou les crevettes. Sa mission: garantir que le poisson a été produit dans le respect de l’environnement et dans de bonnes conditions de travail.

 

« L’un est chevaux de bataille du label ASC, c’est de minimiser le plus possible la part des protéines marines dans l’alimentation des poissons d’élevage« , explique Camille Civel, directrice générale d’ASC pour la Belgique et la France. Pour ce faire, l’aile belge du label collabore avec le Cefra, le département aquaculture de l’Université de Liège.

« Il y a de plus en plus d’études sur l’utilisation d’autres farines animales (des insectes notamment), d’huiles oléagineuses et de sous-produits agricoles pour remplacer les huiles et farines de poissons. Nous sommes ainsi déjà parvenus à ramener leur taux d’utilisation de 25% à 21%. Nous travaillons aussi sur une meilleure adaptabilité des systèmes d’élevage à l’environnement et à un cadre plus respectueux de l’animal, notamment pour ce qui concerne la densité des élevages », précise Carole Rougeot, directrice du Cefra.

 

Présence embryonnaire

 

À l’échelle du globe, la présence de ce label est encore embryonnaire. Après avoir essaimé dans les pays scandinaves et germaniques, le label ASC s’est étendu en France (aujourd’hui son 2e marché) et dans le sud de l’Europe, puis en Australie et aux États-Unis. « Nous recevons de plus en plus de demandes venant des pays producteurs », dit Camille Civel.

Au regard du volume de produits labellisés ASC (290.598 tonnes sur près de 90 millions en 2021), il y a encore du pain sur la planche. En Belgique, les volumes vendus en ASC, disponibles dans la plupart des supermarchés, plafonnent à 17.333 tonnes (essentiellement du saumon, des crevettes et du pangasius).

Ils sont très majoritairement importés: la production locale (des truites à 80%), plafonne à 300 tonnes. En Wallonie, on ne dénombre d’ailleurs que 40 pisciculteurs professionnels. Mais la production devrait bénéficier l’an prochain d’un coup de pouce de Colruyt, qui doit mettre en activité sa ferme aquacole installée au large de Nieuport.

Source: L’ECHO