L’abattage de 1400 dauphins aux îles Féroé soulève la controverse

La diffusion des images de centaines de dauphins tués par des chasseurs des îles Féroé, dans l’Atlantique Nord, vient de relancer la controverse sur cette chasse dite « traditionnelle » dans l’archipel. Si les autorités prennent la défense de cette pratique, les groupes animalistes réclament la fin de la chasse, qui n’est pas régie par les règles internationales sur la gestion des cétacés.

Les images d’abord diffusées par l’organisation Sea Shepherd ont rapidement circulé sur les réseaux sociaux. On peut y voir des centaines de dauphins à flancs blancs morts et baignant dans une mer rouge de sang. Ces cétacés, qui appartiennent à une espèce qu’on observe régulièrement dans le Saint-Laurent, ont été tués un à un par des chasseurs des îles Féroé, un archipel rattaché au Danemark, mais situé en plein Atlantique, au nord de l’Écosse.

« C’est choquant et cruel de voir de telles images », a résumé au Devoir John Hourston, porte-parole de l’organisation Blue Planet Society, qui milite notamment contre la pollution des océans et la surpêche.

Selon un décompte confirmé au Devoir par les autorités locales, pas moins de 1428 dauphins ont été abattus au cours d’une seule journée de chasse en début de semaine. Comme cela est le cas pour les opérations de chasse au globicéphale noir (une autre espèce chassée aux îles Féroé), les animaux ont été rabattus vers la côte avant d’être tués. Cette opération aurait duré plusieurs heures, selon des témoignages recueillis par le quotidien britannique The Guardian, les dauphins agonisant sur le rivage.

« Tout indique qu’il s’agit de la plus importante chasse en une seule journée de toute l’histoire des îles Féroé », a fait valoir par courriel un porte-parole de la branche britannique de Sea Shepherd, Robert Read. « Qu’une telle chasse survienne en 2021, alors que les besoins des populations locales ne le justifient absolument pas et que cette viande est de toute façon contaminée, cela est tout simplement scandaleux. »

Un ancien représentant des chasseurs locaux, Hans Jacob Hermansen, a d’ailleurs déclaré au Guardian que cette capture de centaines de dauphins, avec les images qui ont par la suite été diffusées, a « détruit » tous les efforts pour redorer l’image des îles Féroé, qui tentent depuis plusieurs années de convaincre les opposants que cette chasse traditionnelle fait partie du mode de vie des insulaires. « C’est un cadeau à tous ceux qui rêvent de la fin du Grind », le nom donné à la chasse aux cétacés dans l’archipel.

Les habitants des îles Féroé chassent en effet les cétacés qui vivent autour de l’archipel depuis des centaines d’années. Ils abattent ainsi chaque année environ 1000 petits cétacés, principalement des globicéphales noirs, des bêtes qui atteignent une taille similaire à un béluga adulte, soit environ cinq mètres.

Dans une réponse écrite aux questions du Devoir, le responsable des communications du ministère des Affaires étrangères et du Commerce des îles Féroé, Páll Nolsøe, a d’ailleurs souligné le caractère essentiel de cette chasse pour les habitants. « Il n’y a pas de doute que cette chasse à la baleine offre une vision dramatique pour les gens qui ne connaissent pas bien l’abattage des mammifères, mais cette chasse est bien organisée et pleinement réglementée », a-t-il expliqué.

Selon lui, le dauphin à flancs blancs est une espèce « abondante » autour de l’archipel et les chasseurs des îles Féroé en tuent chaque année environ 250. L’abattage de 1428 de ces dauphins cette semaine représente donc une chasse « exceptionnellement » importante. M. Nolsøe assure toutefois que la viande sera distribuée parmi la population, comme cela est le cas pour les autres campagnes de chasse qui se tiennent tout au long de l’année.

Fait à noter : la chasse aux petits cétacés, comme les dauphins, n’est pas encadrée par les règles de la Commission baleinière internationale, une organisation mise sur pied en 1946 pour veiller à la gestion des populations de cétacés dans le monde — et dont le Canada n’est pas membre.

Une viande toxique

La consommation de cette viande soulève par ailleurs des questions quant à la santé des habitants de l’archipel.

Des études portant sur les globicéphales capturés dans l’archipel ont déjà démontré une forte contamination au mercure de leur viande.

Une analyse publiée en 2012 dans la Revue internationale de la santé circumpolaire lançait même un avertissement sans appel : « D’un point de vue de santé humaine, il est recommandé que la viande de globicéphale ne soit plus utilisée pour la consommation humaine. »

Malgré les constats de la science, Páll Nolsøe vante les mérites de la viande de baleine dans l’alimentation des Féroïens. Il n’en reconnaît pas moins que leur « nourriture locale » est aujourd’hui menacée par la pollution des milieux marins, qui s’accumule dans la viande des baleines, des animaux qui peuvent vivre plusieurs années. Des « limites » ont d’ailleurs été établies, notamment pour les femmes enceintes, qui sont incitées à « réduire leur consommation ».

Source Le Devoir