La Symphonie de l’Ancien Monde à l’écoute des géants des mers arctiques

 

Dans les eaux glacées du Grand Nord norvégien, une équipe de scientifiques français mène actuellement une mission extraordinaire. À bord du navire Persévérance, le célèbre médecin-explorateur Jean-Louis Étienne et une dizaine d’experts scrutent les profondeurs des fjords pour percer les mystères des communications entre les géants des mers.

 

200 kg d’instruments

 

L’expédition baptisée « Symphonie de l’Ancien Monde » (SAM), initiée par Hervé Glotin, professeur en informatique et bioacoustique à l’Université de Toulon (laboratoire LIS), a quitté le port de Tromsø pour une aventure scientifique sans précédent. Les chercheurs étudient les interactions vocales entre les quatre super-prédateurs des mers arctiques : orques, cachalots, baleines à bosse et rorquals. Le retour de ces cétacés dans les fjords marque un tournant historique. Après un siècle d’absence due à l’industrie baleinière, ces mammifères marins, dont certains sont très âgés, retrouvent leurs zones de chasse ancestrales. Le navire, transformé en véritable laboratoire flottant, embarque 200 kg d’instruments d’intelligence artificielle acoustique, développés par l’Université de Toulon et le Smiot.

 

L’équipe de scientifiques à bord de Persévérance.
L’équipe de scientifiques à bord de Persévérance. Lucas Zamecnik

 

Dans les eaux du fjord de Skervøy, les scientifiques observent un ballet aquatique captivant. « Depuis hier [mardi 19 novembre], les orques nous entourent et chantent, les baleines à bosses volent les boules de harengs que les orques ont patiemment rassemblées. Jeux de chasses sous-marines sous pression du changement climatique. Elles s’accélèrent et se concentrent, les habitats se rétrécissent. Les chants des orques se superposent aux chants des autres cétacés. Nous qualifions les propagations acoustiques de leurs communications, comment chaque espèce pourrait cacher aux autres espèces ses communications et stratégies de chasse, en se plaçant et parlant dans différentes strates, canaux acoustiques. Il y a en effet 2 ou 3 mondes différents, à des étages différents, au-dessus et en dessous de la langue d’eau chaude du GulfStream qui rentre de plus en plus loin dans ce fjord arctique de Skervoy… », expliquent les scientifiques de l’expédition.

 

200 kg d’instruments de mesure.
200 kg d’instruments de mesure. JL Etienne

 

Le Persévérance, navire choisi pour cette mission, n’est pas un bateau ordinaire. Cette goélette de 47 mètres construite au Vietnam fait partie du projet plus vaste PolarPod, une initiative ambitieuse de Jean-Louis Étienne.

 

En attendant PolarPod

 

Le PolarPod, actuellement en construction, sera une station océanographique verticale de 100 mètres de haut, destinée à étudier l’océan Austral. La station est conçue pour dériver dans le courant circumpolaire antarctique, portée par les « cinquantièmes hurlants », ces vents violents qui soufflent entre 50° et 55° de latitude Sud. Le Persévérance servira de navire support à cette future station scientifique, tout en menant ses propres missions de recherche comme celle-ci ou des croisières pour financer ce vaste projet scientifique.

 

Persévérance entourée d’orques et de baleines
Persévérance entourée d’orques et de baleines JL Etienne

 

Cette expédition marque une étape cruciale dans notre compréhension des écosystèmes marins arctiques et leur adaptation au changement climatique. Elle nous rappelle que sous la surface des océans se joue une partition complexe, où chaque espèce doit trouver sa place dans un environnement en mutation rapide.

Source: la depeche