La sécurité alimentaire au cœur du Pacte pour les océans – par Isabelle Le Callennec

 

La présidence polonaise a inscrit le Pacte sur les Océans à l’agenda du Sommet européen des 20 et 21 mars. En mai, Costas Kadis, Commissaire à la mer et aux Océans qui consulte l’ensemble des parties prenantes depuis sa prise de fonction, en présentera les contours à l’European Maritime Day à Cork du 21 au 23 mai. La 3e conférence des Nations Unis sur l’océan se tient à Nice du 28 mai au 13 juin.

Autant d’échéances à saisir pour rappeler l’absolue nécessité d’une gestion durable des mers et océans, qui concilie le développement économique, la cohésion sociale et la protection de notre environnement. Nul doute que les points de vue seront difficiles à concilier, entre les tenants d’interdictions humaines touzazimut au nom de la préservation de la biodiversité et les partisans du « tout est permis », y compris l’illicite.

Légitimité. Grâce, notamment aux Régions Ultra Périphériques, l’Union européenne dispose de la plus grande Zone économique exclusive du monde : 25 millions de km². Elle a donc toute légitimité pour assumer un leadership maritime et imposer un nouvel ordre mondial ayant pour objectif de soutenir l’économie bleue, préserver la santé des océans et gérer les conflits d’usage. La France, également riche de ses territoires d’Outre-Mer, doit pouvoir jouer un rôle moteur pour faire reconnaitre l’importance stratégique des Océans, vecteurs de sécurité et défense, communication, énergie, commerce, mais aussi… de souveraineté alimentaire.

A cet égard, partie intégrante de l’économie bleue, le secteur de la pêche et de l’aquaculture doit être reconnu comme stratégique. Sa dimension socio-économique ne doit pas être minimisée. Il constitue l’épine dorsale des communautés côtière et participe du mode de vie européen. L’ensemble de la filière (de la pêche à la distribution en passant par la transformation), se caractérise par une forte intensité de main d’œuvre, s’avère essentielle pour de nombreuses communautés régionales et contribue à notre sécurité alimentaire.

 
L’Europe doit surtout imposer à la gouvernance internationale des océans, la culture du respect des règles pour tous. La pêche européenne est la plus vertueuse et la plus réglementée au monde, parfois au détriment de sa propre compétitivité !

Seulement, il faut savoir que nous importons 70% des produits de la mer que nous consommons… Si la révision de la Politique commune de la pêche, de compétence européenne, doit apporter des réponses aux défis que sont le renouvellement des générations et la modernisation de la flotte, il n’en reste pas moins que les professionnels du secteur attendent du Pacte des océans qu’il remédie à la concurrence déloyale de navires de pêche de pays tiers, pratiquant de surcroit la surpêche, quand il ne s’agit pas clairement de pêche illégale.

Tolérance zéro. La tolérance zéro à l’égard de la pêche illégale doit constituer une priorité pour l’Union européenne. Il s’agit d’un fléau mondial à plusieurs égards : d’abord sur le plan environnemental, en termes de sécurité alimentaire pour les générations futures, mais aussi sur le plan social et humanitaire, car nous savons que la pêche illégale est souvent pratiquée au détriment des droits de l’homme les plus élémentaires.

En défense de ses intérêts, l’Union européenne doit par conséquent faire appliquer systématiquement la législation en vigueur, voire exiger qu’elle soit renforcée. Elle doit surtout imposer à la gouvernance internationale des océans, la culture du respect des règles pour tous. La pêche européenne est la plus vertueuse et la plus réglementée au monde, parfois au détriment de sa propre compétitivité !

Les débats sur le Pacte pour les océans doit d’ailleurs être l’occasion de le rappeler. Pas de souveraineté alimentaire européenne, sans soutien à la production. L’accès à des espaces maritimes pour une pêche durable est donc un préalable. Alors attention aux tentatives qu’auront certaines ONG de vouloir restreindre toujours plus ces accès, refusant de considérer l’apport de la science et des nouvelles technologies, enrichie de l’avis des pêcheurs qui savent l’intérêt des mers en bonne santé, dans l’observation des océans et leur préservation. Nous avons eu le Farm to Fork et ses excès. Nous ne voudrions pas subir un Sea to Fork, qui condamnerait toute une filière.

Source : L’opinion