« La population de cétacés reste stable en Méditerranée »

Après l’échouage, ce mardi, d’une baleine à bec de Cuvier sur une plage de Sainte-Lucie de Porto-Vecchio, la cétologue et présidente de l’association Cari (Cétacés association recherche insulaire) évoque la situation des différentes espèces, toutes protégées.

Mardi dernier, une baleine à bec de Cuvier de six mètres de long et d’une tonne a été retrouvée, échouée, sur une plage de Sainte-Lucie de Porto-Vecchio. L’information a rapidement été relayée dans plusieurs médias nationaux tandis que la cétologue et présidente de l’association Cari (Cétacés association recherche insulaire), Cathy Cesarini, s’est rendue dès le lendemain matin sur les lieux pour effectuer des prélèvements sur le spécimen mâle adulte. « L’autopsie ne vise pas forcément à identifier la cause de la mort, car après que l’animal ait dérivé des jours voire des semaines en mer, cela n’est tout simplement plus possible, précise la référente corse du Réseau national échouage (RNE), fondé il y a quarante ans et placé sous la tutelle du ministère de l’Environnement. Lors de chaque échouage, il s’agit de collecter des données afin de rechercher les teneurs en métaux lourds, déterminer le régime alimentaire et en savoir davantage, de manière générale, sur la biologie des espèces et la qualité du milieu marin. »

Si l’animal – en réalité un dauphin, comme son nom ne l’indique pas – présentait une anomalie au niveau des poumons, son échouage n’est toutefois pas inhabituel aux yeux des scientifiques. « Cette espèce de cétacé, qui plonge jusqu’à 1 500 mètres de profondeur, est parmi les moins fréquemment observée, souligne Cathy Cesarini. Il s’agit du quatrième échouage sur le littoral insulaire depuis le début de l’année. Pour autant, l’échouage n’est pas un phénomène rare ni anormal. Il s’en produit entre quinze et vingt par an sur les mille kilomètres de côtes corses, tous cétacés confondus, sachant que la grande majorité des individus morts en mer disparaissent au large. »

À la tête de l’association Cari qu’elle a créée en 2005, la cétologue, qui assure une « veille constante », n’a pas constaté d’évolution alarmante de ces données au cours des trente dernières années. Tout comme elle observe une « stabilité » de la population de cétacés dans le secteur maritime environnant la Corse, appartenant au Sanctuaire Pelagos (espace pour la protection des mammifères marins).

En Méditerranée, sept espèces de cétacés, toutes protégées, sont recensées : le dauphin bleu et blanc (les plus nombreux, que l’on peut observer lors des traversées en ferry), le dauphin commun, le grand dauphin, le dauphin de Risso, le Globicéphale noir, le cachalot et le rorqual commun. Selon la scientifique, « entre 200 et 250 individus » évoluent autour de l’île.

Travail d’identification

Un recensement toutefois peu aisé à réaliser, en raison de plusieurs facteurs. « Ce travail d’identification, qui passe par la photographie des nageoires dorsales (qui permettent de distinguer les individus, un peu comme des empreintes digitales), est bénévole, dépendant des conditions météorologiques et des moyens financiers dont nous disposons pour les sorties en mer, précise Cathy Cesarini. Les programmes de recherche menés dans ce cadre restent ponctuels. »

Par nature grégaires, les différentes espèces de cétacés ont par ailleurs chacune une évolution propre. « Les groupes passent une partie de leur vie ensemble puis, au bout d’une dizaine d’années, ils se séparent et changent d’endroit afin d’assurer un brassage, souligne la scientifique. Les dauphins bleus peuvent par exemple constituer des groupes de 80 à 200 individus, mais il n’y a rien de figé. Nous étudions essentiellement le grand dauphin, présent parfois très près des côtes, plongeant jusqu’à 80 mètres de profondeur et supportant plutôt bien les interactions avec l’homme. Nous ne sommes pas forcément obligés d’aller très au large car les observations sont davantage liées aux reliefs sous-marins. Le cachalot ou la baleine peuvent par exemple évoluer à 800 mètres de profondeur, sachant que certains golfes de l’île abritent des grands canyons pouvant aller jusqu’à 1 000 mètres de profondeur. »

Pour l’heure, en dépit des menaces pesant sur l’environnement et des rejets en mer qui affectent la biodiversité, la situation des cétacés demeure malgré tout relativement « équilibrée ». « La ressource stabilise les populations mais, à long terme, sa raréfaction pourra effectivement avoir un impact sur les effectifs, note Cathy Cesarini. En lien avec le réchauffement climatique, la diminution du bloom phytoplanctonique, nourriture des baleines, aura aussi des effets sur les espèces sauvages. »

La pollution sonore provenant des activités humaines peut également avoir d’importantes répercussions sur les cétacés. « Le bruit va beaucoup plus vite sous l’eau que dans l’air et les animaux marins qui y sont confrontés s’adaptent en s’éloignant, poursuit la cétologue. Cela se remarque notamment durant la saison estivale, avec la hausse des activités nautiques. Des sons propagés par des sous-marins ou des sonars peuvent aussi être responsables de lésions au niveau de l’oreille interne, dans la mesure où ils perturbent les animaux et les obligent à remonter très vite de grandes profondeurs. »

Au-delà des métaux lourds et des épidémies qui se multiplient ces dernières années, le plastique représente par ailleurs une pollution particulièrement nuisible aux tortues marines, qui font également l’objet d’attention de la part de l’association Cari. Laquelle porte le projet de création d’un centre de soin dédié à ces espèces menacées et fragilisées par la pêche et la plaisance.

Source: CorseMatin