La Méditerranée brûle et nous regardons ailleurs
1 août 2025
1 août 2025
En juin 2025, une canicule marine a encore frappé la mer Méditerranée et les records de température se sont multipliés à sa surface. Un mois plus tard, le thermomètre a baissé, mais les dégâts causés par ce type d’événement se font encore sentir, avec plusieurs espèces victimes d’hécatombes.
Après un mois de juin record qui s’est achevé sur les rives de la Méditerranée, la mer est-elle en train de devenir une mer tropicale ? Avec une température moyenne près de 26 degrés en surface, grimpant à 31 degrés le 1ᵉʳ juillet dernier au large de l’Espagne, ces épisodes sont de plus en plus fréquents. Retour sur les mécanismes qui expliquent les canicules marines, dans le contexte du réchauffement climatique, et du nouvel écosystème qui se dessine dans ce bassin où la richesse des espèces plonge dangereusement. Quelles sont les conséquences de ces canicules marines ?
Ces canicules marines, similaires aux canicules terrestres, décrivent le dépassement des températures dans l’eau aux moyennes saisonnières. Marina Lévy, océanographe au CNRS et à l’IRD, compare les canicules marines aux symptômes de la fièvre : « Le réchauffement climatique réchauffe progressivement les eaux de surface, qui se sont réchauffées de près d’un degré depuis qu’on les mesure de manière précise. Ce sont des poussées de fièvre qui vont conduire à des événements de mortalité des espèces qui vivent dans l’océan qui sont assez intenses. » Elle compare également la mer Méditerranée à un laboratoire du réchauffement climatique : » La Méditerranée, c’est un hot spot de réchauffement : il est encore plus prononcé qu’ailleurs. C’est tout petit et ça abrite une énorme biodiversité de l’océan par rapport à cette petite surface. C’est presque environ 7% de la biodiversité marine mondiale. Tout ce qui affecte la Méditerranée, toutes ces transformations qu’on va observer en Méditerranée, de manière plus rapide que dans l’océan, ça va pouvoir nous servir pour comprendre ce qui se passe aussi dans l’océan global.«
Thibault Guinaldo, chercheur au Centre national de recherches météo-ro-logiques de Météo-France, explique que ces canicules marines ont également un impact sur l’air : « Ce qu’on voit, c’est que l’océan a une certaine inertie, il y a un délai entre le signal qui est reçu par l’océan et sa réponse. Les océans sont des régulateurs, ils absorbent de l’énergie et ils en restituent une partie, soit par transfert de chaleur, soit par humidité. Les villes côtières sont généralement un peu plus chaudes que les villes à l’intérieur des continents, et inversement l’été. En période extrême de chaleur, ce chauffage qui va être très fort dans la journée, du fait de l’atmosphère qui va être très chaud, on va avoir un décalage de la réponse de l’océan au cours de la nuit, où l’océan va restituer une partie de la chaleur, il va finalement limiter le refroidissement nocturne de l’air. Ça conduit à ce qu’on appelle des nuits tropicales avec des températures dans l’atmosphère qui ne descendent pas en dessous de 20 degrés, donc des températures assez élevées avec un apport d’humidité conséquent. »
Ces changements ne seront pas sans impacts. Joaquim Garrabou, biologiste, spécialiste en conservation marine et chercheur au CNRS à l’Institut méditerranéen d’océanologie à Marseille, alerte sur la situation : « On doit signaler deux principaux impacts. Le premier, c’est le changement de distribution des espèces. Ça affecte des espèces natives de la Méditerrané, qui étaient toujours là, et des espèces qui ont été introduites par les activités humaines, par exemple à travers le canal de Suez, les espèces lesseptiennes, qui sont en train de décoloniser la Méditerranée. Le deuxième grand impact, ce sont les événements de mortalité massive, c’est-à-dire des espèces qui, comme la température monte en Méditerranée, arrivent à des seuils que les espèces ne supportent plus. Il y a plusieurs espèces, des dizaines d’espèces qui sont affectées sur des centaines, voire des milliers de kilomètres de côte. Et c’est une chose qu’on a commencé à voir depuis une vingtaine d’années et qu’en ce moment, c’est un processus qui se répète presque chaque année.«