La France «totalement opposée» à l’interdiction de la pêche de fonds dans les aires marines protégées décidée par Bruxelles

 
Le secrétaire d’Etat français chargé de la Mer, Hervé Berville, a justifié jeudi le refus d’interdire les chalutiers de fonds dans les zones marines françaises censées protéger la biodiversité. Une position qui fait bondir ONG et scientifiques.
La position semble inflexible. «La France et le gouvernement sont totalement opposés à la mise en œuvre de l’interdiction des engins de fonds dans les aires marines protégées», a confirmé jeudi au Sénat le secrétaire d’Etat français chargé de la Mer, Hervé Berville. «Totalement, clairement et fermement», a-t-il insisté. Les chaluts, méthode de pêche destructrice des fonds marins, pourront donc continuer à engloutir des tonnes de poissons dans des zones dites «protégées». Et ce au grand dam des associations environnementales et des scientifiques qui alertent sur le sujet depuis plusieurs années.
 
Lors des questions au gouvernement à la Chambre haute, Hervé Berville a été interrogé sur le plan d’action de la Commission européenne pour «verdir» le secteur de la pêche. Le 21 février, celle-ci avait dévoilé plusieurs propositions , dont l’élimination progressive d’ici 2030 du chalutage de fond dans les zones marines protégées et ce, quelle que soit leur profondeur. L’Union européenne interdit depuis 2016 le chalutage au-dessous de 800 mètres, pour aider à la restauration de ces écosystèmes vulnérables, riches en biodiversité. Bruxelles dénonce une pratique très gourmande en carburant et émettrice de CO2, qui, en raclant les fonds, détruit des écosystèmes constituant des puits de carbone, fragilise les populations de poissons qui s’y reproduisent et favorise des prises accidentelles «disproportionnées» . «Le gouvernement joue avec le feu» Hervé Berville a justifié de son côté son opposition par trois arguments : «Ça méconnaît les efforts faits depuis des années par les pêcheurs» qui «ont permis la reconstitution de nombreux stocks» dont ceux de coquilles Saint-Jacques. Il estime aussi que la proposition de la Commission est «une prime au mauvais élève» car «tous les pays qui ont mis des aires marines protégées se retrouvent sanctionnées et obligées d’interdire ces engins de fonds».
 
Enfin, il invoque «la souveraineté alimentaire» : «Nous dépendons déjà à 80 % des importations pour les produits de la pêche.» Et de rappeler que «la priorité du gouvernement» est «de faire en sorte qu’on continue à avoir des capacités de *» tout en menant la décarbonation de la filière de la pêche. Des arguments qui ont fait bondir. «C’est sans doute la déclaration la plus anti-écologique que j’ai entendue en 2023», a réagi sur Twitter Claire Nouvian, de l’association Bloom, qui demande de longue date l’arrêt du chalutage dans les eaux censées être protégées. «Le gouvernement joue avec le feu, a-t-elle ajouté. L’océan agit comme le principal régulateur du climat de notre planète. On ne peut pas faire sans lui.» Claire Nouvian dénonce «l’hypocrisie» de l’exécutif.
 
Car sur la scène internationale, la France se présente en leader de la protection de la nature. Paris a notamment poussé, lors de la COP15 biodiversité, en décembre, pour l’objectif 30×30, qui vise à protéger 30 % des terres et 30 % des mers à l’échelle mondiale d’ici 2030. Le pays se targue d’avoir déjà dépassé ce chiffre sur son territoire : 33 % de ses eaux sont classées «aires protégées». Mais dans la réalité, «l’écrasante majorité des aires marines protégées n’en ont que le nom… Très peu d’activités néfastes pour les écosystèmes et les habitats y sont réellement réglementées, et encore moins interdites», expliquait récemment à Libération le directeur de recherche au CNRS Joachim Claudet.
 
Ce dernier a calculé que seulement 1,7 % des zones étaient vraiment protégées en France. Insuffisant pour permettre à la biodiversité marine de se reconstituer et pour garantir une pêche durable sur le long terme. «Malheureusement, la situation est inquiétante dans beaucoup trop d’endroits. L’Europe est historiquement un des espaces les plus surexploités du monde», déplorait-il. Selon les derniers chiffres de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), près d’un quart des poissons débarqués en France provient encore de populations surpêchées. Une position allant «contre tout avis scientifique» Les propos d’Hervé Berville font écho à la récente prise de position d’Emmanuel Macron en soutien aux pêcheurs lors du Salon de l’agriculture. Il leur avait alors réservé sa première annonce, à savoir la prolongation jusqu’en octobre de l’aide financière qui leur est accordée pour faire face à la hausse des prix du carburant. Et s’était dit décidé à «protéger la filière pêche», très affecté par une triple crise – Brexit, Covid, flambée du prix du gazole -, «au nom de la souveraineté al.