« J’ai brisé le plafond de verre ». Enora est devenue la première femme commandante d’un navire de l’Ifremer

 

À bord des navires de la marine marchande, les femmes marins sont encore peu nombreuses, surtout dans les fonctions d’officier. À Genavir, la compagnie maritime de l’IFREMER, Enora fait figure d’exception : elle est la première femme commandante. Mère de deux enfants, elle continue de naviguer alors que la plupart des femmes arrêtent lorsqu’elles deviennent mamans. Rencontre.

Le parcours de la bretonne Enora Person fait encore exception. Entrée à l’école de la marine marchande à Saint-Malo à l’âge de 20 ans, Enora ressortira avec un diplôme d’officier polyvalent pont et machine cinq ans plus tard. Nous sommes en 2005, les femmes lieutenant sont alors peu nombreuses dans les effectifs de personnels navigants, aussi bien dans la marine marchande, à la pêche ou même dans la Marine nationale. Enora se souvient ainsi de son premier embarquement durant sa formation comme ouvrier mécanicien sur un chalutier hauturier :

« L’équipage ne me connaissait pas. En passant les écluse de Saint-Malo au moment du départ, les familles ont l’habitude de faire un dernier salut aux marins qui partent pour plusieurs semaines. L’un des matelots est alors venu me voir en me disant que c’était le moment pour moi de débarquer, car le bateau partait. Il a semblé très surpris quand je lui ai annoncé que j’allais passer plusieurs semaines à leur côté. »

C’est l’une des anecdotes livrées par Enora dans le documentaire Littoral qui lui est consacré Enora, Cap’tain maman à retrouver dans son intégralité sur la plateforme france.tv   

 

« Je ne l’ai pas volée cette place »

 

Vingt ans plus tard, Enora se retrouve à la passerelle de l’Atalante, l’un des plus gros navires de Genavir, la flotte océanographique de l’IFREMER. 

La caméra se faufile dans la cabine d’Enora. Sur la porte, on voit distinctement une plaque argentée : « Commandant ». La compagnie n’a sans doute pas encore eu le temps de féminiser le mot, mais c’est bien le poste qu’occupe désormais la jeune femme.

Avec une certaine émotion, Enora raconte la place que peut occuper ce bureau dans ses souvenirs, les officiers qu’elle a connus à ce poste avant elle… Et puis elle ajoute : « Je ne l’ai pas volée cette place« 

En 2022, alors âgée de 42 ans, Enora Person a brisé le plafond de verre. Elle a été nommée commandante. C’est la première et la seule pour l’instant à accéder à ce poste dans la compagnie Genavir. La majorité des autres armements dans la marine marchande ne font guère mieux avec une seule femme commandante également à la Brittany Ferries. 

Car le constat est là. Si les femmes sont de plus en plus nombreuses dans les promotions d’élèves officiers, elles jettent bien souvent l’éponge quelques années plus tard à la suite de leur premier enfant. 

Enora mène de front sa carrière d’officier dans la marine marchande et sa vie de maman. Elle embarque en moyenne cinq mois dans l’année. • © Aligal production

 

Le casse-tête pour ne pas perdre ses diplômes 

 

Il est vrai que le chemin peut être laborieux pour atteindre les postes de responsabilité les plus élevés en mer. Maman de deux enfants, Enora a eu des périodes d’interruptions avec ses congés maternité et un temps de travail à mi-temps lorsque les enfants étaient petits. Toute une période de vie que l’Enim, l’organisme responsable du régime social des marins, ne semble pas considérer. Enora et son compagnon, lui aussi marin, racontent ainsi la complexité et le casse-tête pour ne pas perdre ses diplômes : « L’Enim demande à un marin de naviguer 12 mois complet sur une période de cinq ans pour garder ses brevets valides. Cela pénalise fortement les femmes comme moi qui ont diminué leur temps de travail sur un temps donné. J’ai ainsi dû renoncer à l’une de mes compétences, en machine, pour cumuler suffisamment de temps de navigation » raconte Enora. 

Un métier passion et le sentiment d’être en partie entendu. Voilà ce qui a fait tenir Enora.

Source : France 3