IPOS : la réponse scientifique à l’urgence des océans
20 juin 2025
20 juin 2025
Pollution, acidification, surexploitation… et désormais, l’assombrissement des zones photiques. L’océan est à un point de bascule. Les signaux d’alerte s’accumulent, mais les réponses politiques restent trop lentes. À Nice, un nouveau dispositif a vu le jour : l’IPOS, une plateforme internationale conçue pour aider les États à agir vite et efficacement en s’appuyant sur les données scientifiques et les savoirs locaux.
L’océan va mal. Pollutions plastique, chimique, sonore, acidification, surpêche… Pour couronner le tout, une étude récente menée par Thomas Davies, chercheur à l’université de Plymouth au Royaume-Uni, montre que les zones photiques des océans, là où pénètre la lumière du soleil et de la Lune ce qui en fait l’un des habitats les plus productifs de la planète, se sont assombries au cours des 20 dernières années : cela entraîne une réduction de la profondeur des zones photiques de plus de 50 mètres !
« Mais les Etats ont des capacités d’action« , martèle Françoise Gaill. Pour les aider à agir rapidement, l’océanographe française et Bruno David (ancien président du Muséum national d’histoire naturelle) sont à l’initiative d’un nouvel outil d’aide à la gouvernance des océans, lancé officiellement à l’occasion de l’Unoc, qui s’est déroulé à Nice du 9 au 13 juin. Baptisé IPOS (International Platform for Ocean Sustainability), ce dispositif s’appuie sur 60 institutions scientifiques et organisations internationales de manière à aider les instances nationales à implémenter les engagements pris en matière de climat ou de biodiversité, ou les collectivités locales qui souhaitent avoir des systèmes plus vertueux.
Le système est simple : un Etat soumet une problématique ciblée à la plateforme IPOS, qui agrège un groupe de travail composé d’experts multidisciplinaires. Celui-ci propose des pistes d’actions concrètes dans un délai de quelques semaines à quelques mois – moins d’un an – selon l’ampleur du projet, en s’appuyant sur des études scientifiques mais aussi sur les savoirs des populations autochtones. Ce système devrait permettre d’accélérer la prise de mesures par comparaison avec l’agenda lent des grandes institutions multilatérales. De plus, « cela permet d’aider les pays les plus pauvres à mettre en œuvre les engagements pris à l’horizon 2030 et notamment 30% d’aires marines protégées à cette date« , souligne Françoise Gaill.
Un premier grand projet sur l’exploitation minière des fonds marins a été livré le 31 mars 2025, en réponse à une demande effectuée par Emmanuel Macron en 2023. Trois types de gisements attirent les convoitises : les nodules polymétalliques des plaines abyssales, les sulfures métalliques près des sources hydrothermales et les croûtes riches en cobalt sur les monts sous-marins.
Un comité international réunissant 18 scientifiques issus des cinq continents, a émis un avis sans ambiguïté : l’exploitation minière des grands fonds marins comporte des risques majeurs, mal évalués et potentiellement irréversibles pour la biodiversité, les cycles océaniques et les équilibres géopolitiques. Car s’ils recèlent des métaux critiques pour la transition énergétique (cobalt, nickel, terres rares), leur extraction nécessiterait des engins lourds, produisant du bruit et des perturbations physiques massives. De plus, les nuages de sédiments soulevés par cette activité pourraient dériver à long terme et sur de grandes distances, portés par les courants, avant de se déposer sur les fonds marins de pays distants, détruisant éventuellement leur biodiversité. Selon Bruno David, « ce serait une industrie à très haut risque, sans retour en arrière. Nous devons avoir l’humilité de reconnaître que nous n’en savons pas encore assez« .
Deux autres projets pilotes sont en cours : au Costa Rica, où une aire marine protégée engendre un conflit avec la pêche artisanale, et aux Seychelles qui souhaitent mettre en place une stratégie d’économie circulaire des plastiques. Pour appuyer ces travaux, IPOS développe une intelligence artificielle dédiée, baptisée « Ocean-GPT » : elle servira à agréger des données issues de la science académique – avec déjà une base de connaissances de 800.000 articles et rapports -, des savoirs autochtones et des observations citoyennes.
Grâce à des financements publics et privés, l’IPOS sera opérationnelle dès septembre 2025. « Nous pensons atteindre notre vitesse de croisière en 2027, avec déjà des demandes de sept Etats« , conclut Françoise Gaill.