Ils ont vu la face cachée de l’Antarctique : « c’était un peu comme découvrir enfin la face cachée de la Lune »
1 août 2024
1 août 2024
L’Antarctique fond, mais la région reste encore recouverte d’une épaisse couche de glace. Pour en explorer la face cachée, le dessous des glaces, des chercheurs y ont envoyé un véhicule sous-marin autonome. Il a révélé des indices sur la future élévation du niveau de la mer.
Sous l’effet du réchauffement climatique anthropique, l’Antarctique fond. Le phénomène est connu de tous. Toutefois, pour les scientifiques, ce n’est pas suffisant. Ils ont besoin d’en savoir plus sur les mécanismes en jeu. Pour mieux se projeter sur ce qui nous attend à l’avenir. Et pour cela, des chercheurs de l’université de Göteborg (Suède) ont envoyé, pour la première fois, un véhicule sous-marin – baptisé « Ran » – explorer au sonar le dessous de la plateforme de glace de Dotson, à l’ouest de l’Antarctique.
Les glaciologues disposaient déjà de données satellites et de carottes de glace. Mais en 27 jours de mission, l’engin a parcouru plus de 1 000 kilomètres dans l’eau. Il s’est enfoncé jusqu’à 17 kilomètres sous la plateforme de glace et a ainsi renvoyé des données haute résolution inédites aux océanographes. « Il ne reste plus beaucoup de zones inexplorées sur Terre. Voir notre Ran disparaître dans les profondeurs obscures et inconnues sous la glace, exécuter ses tâches pendant plus de 24 heures sans communication, ça a été intimidant. Pour nous, c’était un peu comme découvrir enfin la face cachée de la Lune », raconte Anna Wåhlin, l’auteure principale de l’étude.
Rappelons que la partie ouest de l’Antarctique est considérée comme ayant un impact potentiellement important sur la future élévation du niveau de la mer, en raison de son étendue et sa localisation. Mais les scientifiques savent que de meilleurs modèles seront nécessaires pour prédire la vitesse à laquelle les plateformes de glace de la région vont fondre avec le réchauffement climatique.
Dans la revue Science Advances, les chercheurs de l’université de Göteborg et leurs collègues racontent comment ils ont pu confirmer que le glacier qui alimente la plateforme de Dotson fond plus rapidement là où de forts courants sous-marins érodent sa base, parce que leur véhicule a mesuré ces courants pour la toute première fois. Il a également observé une fonte accélérée dans les fractures verticales présentes sous le glacier.
Surprise, en revanche, du côté de la topologie de la glace. Les chercheurs ont observé d’étonnants motifs à la base du glacier. Des crêtes et des vallées, des plateaux et des formations qui ressemblent à des dunes. Des reliefs que les modèles actuels peinent à expliquer. La seule hypothèse qui vienne à l’esprit des océanographes pour l’heure, c’est que ces formations sont apparues par l’écoulement de l’eau sous l’influence de la rotation de la Terre.
Après de premières mesures recueillies en 2022, les chercheurs ont voulu réitérer l’opération en 2024. Pour documenter les changements sous la plateforme de Dotson. Malheureusement, après la première plongée, leur véhicule sous-marin a disparu. Sans laisser de trace. Leurs travaux sont ainsi désormais mis en sommeil en attendant qu’ils trouvent un remplaçant à leur Ran. Il leur reste bien des données à analyser plus en détail. Mais pour réussir à corriger les hypothèses erronées des modèles actuels et y voir plus clair dans l’avenir de la calotte glaciaire, ils auront encore besoin d’aller explorer les dessous des plateformes de glace. De s’aventurer plus encore sur la face cachée de l’Antarctique…