Haute mer : les députés se mobilisent pour un accord « le plus ambitieux possible »

 

A l’Assemblée nationale, les élus voudraient voir le pouvoir politique relancer le futur traité sur la haute mer, dont les discussions préparatoires ont débuté en 2006.

Un accord pour la haute mer « le plus ambitieux possible » : voilà ce que souhaitent les quelque 200 députés qui demandent au gouvernement français de peser de tout son poids politique pour y parvenir. Une résolution en ce sens a été adoptée à l’unanimité par 82 voix, à l’Assemblée nationale, jeudi 25 novembre au matin. La proposition était portée par le député Jimmy Pahun (MoDem, Morbihan), avec Maina Sage (Polynésie française) et Olivier Becht (Haut-Rhin) du groupe Agir ensemble, de la majorité présidentielle.

Leur initiative s’inscrit dans un processus diplomatique qui reste mal connu, alors qu’il concerne 45 % de la superficie de la planète. Depuis 2017, les Etats négocient sous l’égide de l’Organisation des nations unies un futur traité sur la haute mer (« Biodiversity of Areas Beyond National Jurisdiction », BBNJ) – après des discussions préparatoires qui ont débuté en… 2006.

Cet instrument juridique international doit fournir un cadre contraignant aux nouvelles activités maritimes qui pourraient se développer dans l’océan, au-delà des eaux côtières. Il vise, autrement dit, « la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale » respective de chaque Etat. Même si de gros chapitres qui fâchent n’y figurent pas, en particulier la pêche ou l’exploitation des grands fonds marins, les négociations sont laborieuses. Elles étaient censées aboutir en 2020, avant que le Covid-19 ne bouscule le calendrier.

« Responsabilité particulière » de la France

A l’Assemblée nationale, les partisans d’un accord consistant voudraient voir le pouvoir politique prendre le relais et dynamiser ce processus, certes juridique, mais qui contribuera « grandement à la préservation et à la valorisation des services écosystémiques rendus par l’océan (régulation du climat, nourriture, matériaux, loisir, etc.) dans une perspective de développement durable », affirme la résolution. A la tête de l’Etat, Emmanuel Macron a annoncé, pour sa part, l’organisation d’un « One Ocean Summit », en février 2022, à Brest. L’idée est notamment de fédérer à cette occasion les acteurs internationaux impliqués dans la protection de la haute mer. La France exercera à ce moment-là la présidence de l’Union européenne.

Dans les faits, c’est au demeurant cette dernière et non Paris qui participe en première ligne aux discussions à New York. Qu’importe : la zone économique exclusive de la France – avec les outre-mer, elle dispose de la deuxième zone la plus vaste du monde – lui confère « une responsabilité particulière » et doit l’engager, toujours selon le texte de la résolution, « à l’avant-garde de la lutte contre le changement climatique » et de son corollaire, la sauvegarde des écosystèmes marins. Sa voix doit porter.

« Cette idée de soutenir l’adoption d’un traité sur la haute mer est née d’une discussion avec Greenpeace et Surfrider », rapporte Jimmy Pahun. Navigateur lui-même, ce défenseur de l’univers marin, qui a aussi œuvré à l’Assemblée nationale pour décrocher des financements destinés à la recherche scientifique en Antarctique, s’inquiète du retrait du trait de côte, du plancton qui diminue, des courants qui se modifient… Il souhaite qu’un ministre aille en personne défendre le sujet aux Nations unies. « Dans les océans, il y a moins de monde que sur terre, ce devrait être plus facile d’y conclure des accords, non ? », veut croire le député du Morbihan.

Pollutions au plastique

Son initiative a en tout cas nourri un enthousiasme transpartisan, au-delà de La République en marche et du MoDem qui composent le gros des troupes signataires de la proposition. Des parlementaires notamment UDI, France insoumise, socialistes ou écologistes ont aussi apposé leur nom au bas de ce texte qui, rédigé avec l’aide de la Plateforme Océan et climat, se réfère aux récentes grandes évaluations de l’état de santé de l’océan. Que ce soit sous l’angle du climat ou de la biodiversité, les diagnostics des scientifiques sont systématiquement alarmants à ce propos. Alors, à l’hôtel de Lassay, où le document était présenté le 17 novembre en présence de scientifiques, navigateurs, professionnels du secteur maritime, plus quelques sénateurs et députés européens, l’heure était à l’enthousiasme. La secrétaire d’Etat à la biodiversité, Bérangère Abba, a promis à cette occasion que cette affaire de haute mer bénéficierait d’un portage ambitieux et a évoqué une autre initiative déterminante pour l’océan : l’éventuel accord international destiné à réduire les pollutions au plastique qui doit être examiné en février à Nairobi, au Kenya. Maina Sage, émue, a rappelé qu’un milliard de personnes autour du globe dépendent des ressources fournies par l’océan. « Dans ma circonscription, aux Tuamotu et jusqu’aux Marquises, des déchets de bois, de plastique, de poissons s’échouent en amas sur les côtes : ce sont les restes des dispositifs de concentration de poissons balancés en haute mer par les bateaux de pêche qui nous entourent, a affirmé la députée. La protection du monde marin est depuis trop longtemps un défi sous-estimé pour la stabilité, la sécurité du monde. » 

Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur pour les pôles et les enjeux maritimes, a de son côté plaidé pour que le concept de bien commun s’applique un jour à la haute mer et à l’Antarctique. « L’océan est maltraité par les hommes et par les responsables politiques. Ils en parlent toujours dans le cadre de dossiers plus larges sur le climat, la biodiversité… J’espère que l’on va prochainement lancer une COP spécifique », a-t-il déclaré. Martine Valo

Source: Le Monde