Grande consultation sur les littoraux : « C’est le bon moment pour décider de choix structuraux »

Ilaria Casillo, la vice-présidente de la Commission nationale du débat public, souhaite que la concertation sur l’aménagement du littoral français permette d’aborder le plus largement possible les enjeux environnementaux et économiques de la mer.

Ilaria Casillo, la vice-présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP), revient sur les enjeux de la séquence de démocratie participative intitulée « La mer en débat » qui a démarré en novembre pour une durée de cinq mois.

Pourquoi organiser une telle consultation ?

La mer et les littoraux ont toute leur place dans la planification écologique et économique de ce pays. Le débat qui va avoir lieu jusqu’au 26 avril a pour objectif de déterminer la manière dont on va faire cohabiter, sur les côtes de la métropole, tout un ensemble d’activités – le tourisme, la pêche, la production d’énergies renouvelables – et comment on protège la mer.

Les Français y sont très attachés, ils la voient comme une grande « chambre de décompression » du pays, un lieu de vie idéal. Mais on s’aperçoit que cet espace est un peu dépolitisé : il faut maintenant aborder les enjeux environnementaux et économiques de ce bien commun. Les littoraux sont déjà sous pression, c’est le bon moment pour décider de choix structuraux. A nous de faire en sorte que les gens se sentent concernés, qu’ils se disent : c’est mon paysage, ma santé qui est en jeu.

Comment allez-vous vous y prendre ?

C’est la première fois que la CNDP est saisie d’un projet de consultation de cette ampleur. Nous mobilisons quarante personnes sur cette mission, et nous avons rencontré un millier de personnes pour le préparer : des élus, des pêcheurs, des préfets, des associations… De multiples débats vont avoir lieu entre mars et avril dans des centres commerciaux, des marchés, des cinémas, des bars… Il va y avoir des discussions lors de croisières, des ateliers avec des médiateurs scientifiques, des conférences.

Nous avons noué des partenariats avec la presse régionale. Puis il y aura un grand événement en mars : « La mer en 3D ». Un certain nombre de personnes seront invitées à travailler sur les aménagements de la mer, dans plusieurs villes le même jour à la même heure. Cela permettra des comparaisons.

« Chaleur humaine » Comment faire face au défi climatique ? Chaque semaine, nos meilleurs articles sur le sujet S’inscrire D’ici là, nous sommes aussi présents sur les réseaux sociaux, nous avons développé sur notre site un outil numérique pour introduire les discussions. Nous avons enregistré une émission avec le youtubeur Gaspard G sur la chaîne Neo. C’est important de toucher les jeunes quand on parle de planification pour 2050 : ce sont eux qui vont vivre les changements climatiques. Cependant, chacun peut prendre part au débat, peu importent l’opinion, l’expertise, l’expérience… pas seulement ceux qui vivent sur les littoraux. Déterminer où vont être déployés les quarante parcs éoliens voulus par le chef de l’Etat est-il en réalité l’unique objectif de cette consultation ? Non, ce serait fausser la réflexion sur l’aménagement des littoraux et occulter sa complexité que de la cantonner à la production d’énergie. Cependant, cette consultation doit effectivement produire des cartes de zones propices à l’éolien. En mars, la loi a établi qu’il n’y aura plus de débat public spécifique sur chaque projet de parc, mais sur la planification globale. Selon nous, c’est une très bonne nouvelle. Lors de consultations antérieures, les gens ont souvent réclamé une vision d’ensemble. Ils nous demandaient : « Quel est le coup d’après ? »

Emmanuel Macron lance le débat sur l’aménagement du littoral Les participants pourront-ils également interroger le principe même de l’installation de parcs éoliens ? Pourquoi pas ? Il n’y a pas de tabou. Si quelqu’un veut s’exprimer sur ce thème, ses observations figureront dans notre compte rendu final. Il est légitime d’ouvrir à toute la population la question de la transition écologique dans l’économie : aujourd’hui, elle relève du choix partagé, mais demain, si l’on traîne trop, elle relèvera peut-être de la contrainte. Une décision commune est quand même toujours de meilleure qualité. Notre rôle est de créer les conditions du dialogue : on ne résout pas les problèmes, on les pose. Ce débat risque de faire naître beaucoup d’attentes… Oui, nous l’espérons. Cela signifiera que nous avons réussi notre mission de mobilisation. Cela conduira les pouvoirs publics à devoir écouter et à prendre tout cela en compte. La CNDP a deux mois pour rédiger un compte rendu de toute cette opération, et le gouvernement en a trois pour répondre. Avec son système de participation du public dans le domaine de l’environnement, la France est en avance par rapport à d’autres pays. En tant que géographe, chercheuse venant d’un autre pays, je l’observe avec beaucoup d’intérêt. C’est quand même un moment de respiration démocratique fort, dont on peut se réjouir. Martine Valo

Source: Le Monde