Fêter Noël au pôle Sud
22 décembre 2023
22 décembre 2023
La période de fin d’année est particulièrement propice aux recherches scientifiques en Antarctique. Pour l’occasion, plusieurs équipes d’experts des glaces marchent sur les pas du glaciologue Claude Lorius et tentent de remonter le temps grâce à la collecte de calottes polaires.
Oui, ce ne sont pas les vacances au pôle Sud, bien au contraire, la période d’expéditions scientifiques bat son plein. Il faut dire que c’est l’été sur le continent blanc, il fait jour vingt-quatre heures sur vingt-quatre donc les conditions sont parfaites pour récolter un maximum de données scientifiques.
Ces prochaines semaines et ces prochains mois vont être particulièrement excitants. Plusieurs expéditions sont parties avec le même objectif : remonter le plus loin possible dans le temps grâce à la glace de l’Antarctique.
Le premier à avoir compris que les glaces polaires ont beaucoup de choses à nous raconter c’était est un Français, l’extraordinaire Claude Lorius malheureusement disparu en ce début d’année. En 1957, à tout juste vingt-cinq ans, il part hiverner en Antarctique. Très rapidement il découvre une technique qui permet de reconstituer la température de l’air passé en étudiant la structure des molécules d’eau de la glace. Une découverte majeure, mais il ne s’est pas arrêté là.
La légende raconte que c’est lors de son deuxième hivernage en Antarctique qu’il a une intuition géniale : alors qu’il observe les bulles d’air qui s’échappent d’un glaçon dans son verre de whisky, glaçon foré à quelques centaines de mètres de profondeur, il se demande d’où viennent ces bulles. Prises au piège de la neige qui tombait il y a quelques centaines de milliers d’années sur l’Antarctique, il comprend que ces bulles d’air sont les seuls échantillons d’atmosphère passé et qu’elles pourraient nous permettre de reconstruire les changements climatiques très anciens.
Toutes les expéditions en Antarctique en cette fin d’année sont ainsi les dignes héritières de Claude Lorius.
La première équipe est celle du projet européen Beyond EPICA (au-delà de EPICA). L’objectif est de forer 2700 m d’épaisseur de glace pour remonter jusqu’à 1,5 million d’années. Pour la deuxième année consécutive le forage avance bien, les 1 000 m de profondeur viennent d’être atteints ! Le projet a reçu la visite et les encouragements de notre ambassadeur des Pôles, Olivier Poivre d’Arvor et de Thomas Pesquet qui étaient de passage il y a quelques jours.
L’autre projet majeur est américain, et il se trouve toujours dans l’est de l’Antarctique. Contrairement au projet européen qui vise à remonter le temps avec une carotte de glace continue sur 1,5 million d’années, le projet américain fore un site où la glace ancienne s’est contorsionnée ; et des morceaux de glace encore plus anciens pourraient avoir été poussés vers la surface. En 2017, l’équipe avait trouvé de la glace de 2,7 millions d’années, et cette année les américains ont l’espoir de trouver de la glace encore plus ancienne jusqu’à 5 millions d’années !
Oui exactement ! En fondant, nos glaciers et nos calottes polaires emportent avec eux ces précieuses archives du climat. La connaissance du passé est la clé pour comprendre le présent et pour mieux anticiper notre futur. Quand on sait que près d’un milliard de personnes habitent aujourd’hui sur les littoraux de notre planète entre 0 et 10 d’altitude, et qu’avec la hausse rapide du niveau des océans, il va falloir anticiper d’immenses migrations de populations dans les années à venir, la coopération entre les peuples sera absolument vitale.
Alors, on peut remercier ces équipes internationales de scientifiques qui ont décidé de sacrifier leurs fêtes de familles pour mieux comprendre notre climat, et aussi pour l’exemple qu’ils nous montrent. C’est bien par la coopération internationale qu’on arrive à surmonter les plus grands défis de l’histoire de l’humanité.