En Tunisie, le crabe bleu est devenu une manne économique pour le pays
9 août 2024
9 août 2024
Le crabe bleu, c’est cette espèce invasive qui s’est répandue depuis 2015, détestée des pêcheurs, car elle cause la destruction des filets et de la faune marine. Mais ce crabe est désormais surnommé « l’or bleu », depuis que certains le pêchent et le vendent à des usines exportatrices, pour être consommé à l’étranger. Si la filière est encore en cours de structuration, et que certains pêcheurs n’y voient pas vraiment leur avantage pour le moment, le potentiel économique, lui, est bien là.
Au port de pêche de Radès, en banlieue sud de Tunis, les pêcheurs séparent les bancs de sardines accrochées à leurs filets. Pour beaucoup, comme Saïd Hassan, le portunus pelagicus, le crabe bleu, est encore considéré comme un fléau : « Ils détruisent nos filets. Parfois, on part en mer et on revient avec un filet qui coûte plus de 2 000 dinars (592 euros) entièrement détruits. Comment fait-on pour travailler après ? »
Il sait que ce crabe est devenu une opportunité économique dans le sud tunisien et à l’est du pays, où il proliférait depuis 2014. Un retournement de situation après que plusieurs entreprises étrangères se sont installées pour l’exporter. Mais à Radès, les investissements tardent. « Il n’y a pas vraiment de solution pour le moment. On n’arrive pas à vendre le kilo à plus de 3 ou 4 dinars, donc même si on en ramène 20 kilos, c’est beaucoup moins rentable que le reste des poissons. »
Au groupement interprofessionnel des produits de la pêche, Karim Hammami est chargé d’assister le secteur et son développement. Il explique comment la Tunisie a pu créer une chaîne d’approvisionnement autour de l’espèce, notamment au sud tunisien : « On a pris l’initiative d’innover et de concevoir des nasses de pêche sélective, des petites cages où le crabe entre par une porte et ne peut plus revenir, avec un appât là-dedans. »
Aujourd’hui, le crabe bleu représente près de 25% des exportations de poisson dans le pays, selon un rapport du Fond mondial pour la nature. Il rapporte à la Tunisie près de 50 millions de dinars (NDLR, près de 15 millions d’euros), mais cette économie doit encore se structurer. « On aimerait bien que les investisseurs internationaux viennent s’installer en Tunisie et aient une vision stratégique sur une dizaine, une vingtaine d’années. »
Autre priorité, valoriser la filière avec une labellisation tunisienne. À la plage de la Goulette, Omar Lasram entrepreneur et producteur de Boutargue a commencé à concevoir un plan pour faire du crabe bleu un produit de terroir : « Pour le mettre sur le marché en bonne et due forme et de bonne qualité, il fallait le labelliser. Un label de pêche artisanale, ça veut dire une traçabilité, une garantie d’hygiène, etc. »
Omar cherche encore à convaincre les autorités de sa démarche qui pourrait aussi éviter aux pêcheurs de devoir revendre aux mareyeurs, à bas prix, les produits de leur pêche, dont le crabe bleu.