Économie bleue : En Polynésie, le plan du gouvernement pour devenir « un phare de la transition énergétique »
13 décembre 2024
13 décembre 2024
C’est une « vision » qu’a partagée le gouvernement avec ses partenaires, jeudi matin, lors de la toute première réunion du Comité stratégique maritime et portuaire de Polynésie française. Une vision « claire », assure Moetai Brotherson en préambule du document : celle de « faire de la Polynésie un phare de la transition éco-énergétique dans les secteurs liés à l’Océan ».
Ce document, c’est la feuille de route de l’économie bleue durable, un livret d’une vingtaine de pages de signé par le ministère de l’Agriculture, des Ressources marines et de l’Environnement de Taivini Teai, mais qui est le fruit d’un « processus participatif » incluant les services de l’État et les professionnels du cluster maritimes, autres membres du comité stratégique.
Orientée vers « l’horizon 2030 », la feuille de route ne liste pas moins de 176 actions et objectifs à mettre en œuvre pour réaliser le plein potentiel du Pays en matière maritime. Entre les ambitions du gouvernement en matière d’autonomie alimentaire ou de développement économique, les envies d’exemplarité dans la préservation de l’environnement, les contraintes budgétaires ou la nécessaire adaptation aux risques des changements climatiques, l’équation est difficile à équilibrer.
Et le document, tout juste finalisé et qui doit être présenté la semaine prochaine en Conseil des ministres, évite à ce stade de hiérarchiser, dater ou chiffrer les actions listées. Il donne tout de même un aperçu des efforts à fournir pour poursuivre le développement de cette « économie bleue » qui représente déjà 65 milliards de francs de chiffre d’affaire cumulé et 13% des emplois de Polynésie.
L’approfondissement de la passe de Papeete toujours au programme
Comme l’a précisé le gouvernement jeudi, une bonne partie des actions de cette feuille de route, ont déjà été lancées, sous cette mandature ou la précédente, et doivent être poursuivies, finalisées ou concrétisées.
Ainsi le document liste d’importants chantiers en matière administrative et règlementaire : le développement et la réglementation des mouillages, la gestion numérique et tarifaire des escales, l’harmonisation des registres d’immatriculation des navires, l’amélioration de la signalisation maritime, ou encore le zonage, toujours en débat, de la ZEE comme des zones côtières, pour créer davantage d’aires de protection de l’environnement.
La feuille de route reprend aussi les grands projets du schéma d’aménagement du port autonome, donc le creusement de la passe de Papeete -pourtant un temps débattu par Moetai Brotherson-, l’extension du terminal de commerce international, la mise aux normes de la cale de halage, réflexion sur une filière de déconstruction des navires ou l’électrification des postes à quai des navires pour leur éviter l’utilisation de leurs moteurs.
On y précise aussi que la collectivité devra « acquérir du foncier pour les relocalisations » d’entreprises dégagées de la zone portuaire pour l’extension du port de pêche, dont le schéma de réaménagement est en cours de finalisation. Des infrastructures sont aussi attendues hors de Tahiti : le gouvernement réaffirme sa volonté de développer des centres de construction et de carénage dans les archipels, comme cela avait été évoqué à Hao.
Des bases de pêche secondaires dans les archipels
Hormis ces sujets « cadres », la feuille de route balaie les secteurs-clés de l’économie bleue, et décrit les grands axes de leur développement forcément « durable ». À commencer par la pêche, pour laquelle le gouvernement Brotherson a déjà affiché ses grandes ambitions.
Pour les réaliser, il convient, entre autres, de « développer des bases secondaires dans les archipels », de « concevoir des navires plus polyvalents et plus économes », de renforcer les contrôles et les techniques de pêche « raisonnées », d’obtenir des avancées régionales sur les DCP dérivants ou sur la « création d’une zone de protection en haute mer, limitrophe à la ZEE ». De créer, aussi, davantage de « synergie circulaire », notamment avec les projets agricoles, en valorisant mieux les déchets de poissons. Et d’encourager la création de zones de pêche réglementées gérées par des comités spéciaux.
Le développement de la perliculture passe lui aussi par une meilleure surveillance environnementale de l’activité, par une « dépollution » des lagons et des anciens sites de production, et par un effort de formation. La formation, justement, fait l’objet de nombreuses actions dans cette liste : le Pays veut créer une filière « pérenne » de recrutement des formateurs spécialisés, « réinventer » les enseignements maritimes pour les faire coller aux besoins du secteur et attirer des stagiaires de la région.
Et surtout finaliser, avec l’État, la création d’un campus des métiers et qualifications de la mer, à l’image de ce qui existe déjà dans l’hôtellerie et la restauration, qui permettrait de revoir et d’enrichir la carte de formation, de mutualiser les plateaux techniques entre le public et le privé, et rendre les métiers de la mer « plus attractifs au grand public ».
Des « démonstrateurs » en matière d’énergie thermique et d’énergie de la houle
Mais la vraie spécificité de cette feuille de route, c’est son insistance sur l’innovation en matière maritime. Le gouvernement veut se positionner comme un « territoire démonstrateur » en aquaculture, dont il s’agit diversifier la production et les filières de transformation. En matière de « biotechnologie bleue », aussi, où le travail repose en grande partie sur les passerelles à renforcer entre la recherche et les entreprises. En matière de transition énergétique marine, surtout.
De ce côté-là, l’idée est d’améliorer et de promouvoir la technologie des Swac, et d’en développer de nouveaux en Polynésie sans qu’on sache à ce stade quels sites pourraient être concernés, même si l’idée d’un Swac pour la cité administrative du centre-ville avait par le passé été évoqué. Il s’agit surtout de passer enfin au concret sur l’énergie thermique des mers, présentée comme une technologie d’avenir depuis de longues années, avec une étude de faisabilité sur la production d’électricité, et un soutien aux projets de « démonstrateurs » privés. Une autre technologie pourrait se doter de genre d’unité d’étude et de preuve de concept : la technologie houlomotrice, qui consiste à produire de l’énergie grâce aux mouvements de houle.
Impossible d’être un « phare » sans exemplarité : le Pays montre dans cette feuille de route, beaucoup de volonté en matière environnementale et climatique. Soutien à l’acquisition de connaissance sur le blanchiment du corail, développement de la sensibilisation à tout âge et dans toutes les fonctions, renforcement des moyens de la biosécurité et des contrôles réguliers de la qualité de l’eau, étude sur la compensation financière des surcoûts liés aux investissements dans des navires moins polluants et création en Polynésie d’un « Centre d’expertise sur les grands fonds marins », qui fait l’objet d’un chapitre à part entière dans la feuille de route.
Il s’agit même développement d’une « police de l’environnement » côté lagon, pour surveiller les « zones sensibles » et limiter l’impact des activités touristiques. Car le tourisme nautique n’est pas oublié, avec l’idée de « positionner le va’a comme un marqueur touristique polynésien », de développer davantage de services de proximité à la plaisance dans les îles, et de créer des « schémas d’aménagement des activités nautiques et subaquatiques » dans les lagons les plus fréquentés.
Bref, beaucoup d’idées, nouvelles ou évoquées depuis de longues années, mais aussi beaucoup de chantiers à lancer dans les ministères et de fonds à débloquer au budget. Après sa présentation en Conseil des ministres, la feuille de route de l’Économie bleue durable doit être discutée à l’Assemblée territoriale dans les semaines à venir.