Des algues miraculeuses pour les coquillages

Et si les algues venaient au secours de nos huîtres ? Des scientifiques ont découvert certains pouvoirs magiques des algues rouges ou brunes. Elles protègent les coquillages des maladies et réduisent l’acidification de l’océan. En Bretagne, des producteurs de coquillages l’ont bien compris.

La Pointe du Château, à Logonna-Daoulas, dans la rade de Brest. La marée est basse. Avec ses bottes et son ciré, Fabrice Pernet, chercheur à l’Ifremer, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, nous emmène au bord de l’eau vers des tables à huîtres, à moitié immergées et recouvertes d’algues. Ce chercheur au laboratoire d’écophysiologie étudie justement les effets des algues sur les huîtres quand elles sont attaquées par un virus ou une bactérie.

 
Fabrice Pernet chargé de recherches à l'Ifremer réalise ici à la pointe du Château une expérience de co-culture d'algues et d'huîtres
Fabrice Pernet chargé de recherches à l’Ifremer réalise ici à la pointe du Château une expérience de co-culture d’algues et d’huîtres 
© Radio France – Célia Quilleret

Le résultat est très clair : les algues rouges ont un secret, elles protègent le système digestif des huîtres et améliorent leur immunité, c’est un rempart contre les maladies« Quand le virus arrive dans l’huître, détaille Fabrice Pernet, il déstabilise le microbiote, et cette déstabilisation, on ne l’a pas vue avec les algues rouges ! », se réjouit-il. Ces algues procurent donc un bénéfice aux bivalves, ce qui n’est pas le cas des algues vertes.

 

Une autre vertu essentielle, face au changement climatique

 

Autre pouvoir magique de ces algues. Vivant près des côtes dans une eau peu profonde, elles captent le soleil pour la photosynthèse. « Elles utilisent le soleil et le dioxyde de carbone présent dans l’eau pour constituer leur biomasse, des sucres, elles créent un refuge local et temporaire contre l’acidification des océans », ajoute Fabrice Pernet.

 

Cet éleveur d'ormeaux à Plouguerneau cultive aussi des algues pour nourrir ses coquillages
Cet éleveur d’ormeaux à Plouguerneau cultive aussi des algues pour nourrir ses coquillages 
© Radio France – Célia Quilleret

Ces pouvoirs des algues, Sylvain Huchette, producteur de coquillages à Plouguerneau pour l’entreprise France Halieutis, les connaît bien. Face à la mer d’Iroise, il élève des ormeaux. Or ces coquillages se nourrissent d’algues. Il en récolte à pied sur l’estran, mais il en cultive également dans de grands bassins extérieurs, pour doper sa production d’ormeaux. « On a de meilleurs taux de croissance et de survie de nos ormeaux, constate Sylvain Huchette, et grâce à cette culture d’algues, notre production de coquillages va doubler cette année« .

 

Des producteurs de coquillages deviennent « algoculteurs » pour se diversifier

 

Les ormeaux restent un produit de luxe. Ils sont parfois vendus 80 euros le kilo. Mais pour ce producteur de coquillages, les professionnels ont intérêt à cultiver des algues pour les vendre car les restaurateurs en sont très friands.

D’ailleurs, cette diversification est vue d’un très bon œil par certains scientifiques comme Philippe Potin, directeur de recherches au CNRS à la station biologique marine de Roscoff pour Sorbonne Universités. Il suit de près l’aventure de Sylvain Huchette à Plouguerneau. Mais il y a une condition : que les algues cultivées soient bien originaires de Bretagne et pas importées d’une autre région du monde. Il est farouchement opposé au transfert génétique de certaines souches. « Nous ne voulons pas que des algues de Norvège servent de semence pour des algues ici en Bretagne, s’inquiète-t-il,  » on n’a pas besoin de cela« . Et pourtant, des industriels le demandent, ce qui risquerait de créer une nouvelle invasion biologique.

En effet, l’arrivée d’espèces invasives peut avoir des conséquences désastreuses pour la biodiversité. En attendant, dans la rade de Brest, les chercheurs doivent encore convaincre les ostréiculteurs de ces pouvoirs magiques des algues. Ces derniers restent plutôt effrayés par les ravages des algues vertes.

Source: radiofrance