Déclaration de Moroni pour une action en faveur de l’océan et du climat en Afrique
21 juin 2023
21 juin 2023
Reconnaissant l’importance cruciale de la préservation des océans, de l’action climatique et du développement durable des communautés côtières, Nous, ministres et représentants de haut niveau de l’Union des Comores, de la République d’Afrique du Sud, de la République du Cap Vert, de la République du Kenya, de la République de Madagascar, de la République de Maurice, de la République du Mozambique, de la République des Seychelles, de la République de Sao Tomé e Principe, de la République fédérale de Somalie, de la République unie de Tanzanie, réunis à Moroni, en Union des Comores du 12 au 14 juin 2023, à l’occasion de la « Conférence ministérielle Blue Future sur l’économie bleue et l’action climatique en Afrique : les États insulaires et côtiers à l’avant-garde », déclarons par la présente, notre reconnaissance collective des spécificités des États insulaires africains et de la nécessité de les intégrer dans les politiques, stratégies et cadres continentaux et régionaux, ainsi que notre soutien à l’initiative de la Grande Muraille bleue en tant qu’approche phare, transformatrice et collective encourageant la résilience et visant l’atténuation et l’adaptation aux effets du changement climatique et en tant que levier pour une économie bleue durable en Afrique. Nous nous engageons donc à travailler ensemble pour plaider en faveur d’un traitement spécifique des questions relatives aux îles et littoraux d’Afrique et pour atteindre les buts et objectifs de l’initiative de la Grande Muraille bleue en vue de réaliser les aspirations continentales et mondiales dans l’Agenda 2063 de l’Union africaine et l’Agenda 2030 des Nations unies.
En ce qui concerne les spécificités des États insulaires africains :
a) Nous reconnaissons que les nations insulaires et côtières du continent africain affrontent de manière extrême l’impact des crises interconnectées de la perte de biodiversité, du changement climatique et de la dégradation des zones côtières, y compris les impacts sur l’océan et la vulnérabilité socioéconomique, qui requiert un plaidoyer politique continu, réhaussé, systématique et fort ainsi qu’une action urgente et coordonnée.
b) Dans ce contexte, nous reconnaissons que les pays insulaires africains sont particulièrement vulnérables et déjà lourdement touchés par ces crises interconnectées et qu’ils ont donc besoin d’une attention et d’une réponse spécifique et ciblée pour soutenir leurs efforts en vue de répondre aux défis et aux opportunités actuels et futurs.
c) Nous affirmons la nécessité de préserver les écosystèmes marins et côtiers sensibles et interconnectés du continent, y compris les forêts côtières, les mangroves, les herbiers marins et les récifs coralliens, qui fournissent des services et biens écosystémiques essentiels et contribuent à la résilience climatique ainsi qu’à la croissance économique et aux moyens de subsistance des États insulaires et côtiers africains.
d) Nous reconnaissons les caractéristiques uniques des États insulaires africains et l’impératif de tirer parti des avantages considérables du développement de l’économie bleue pour la production durable, la valeur ajoutée, les investissements et le commerce vers les marchés intra-africains et mondiaux.
e) Nous reconnaissons la nécessité de renforcer les systèmes d’alerte précoce multirisques dans les États insulaires africains, sur la base de solides réseaux d’observation, qui ont un potentiel essentiel pour sauver des vies.
f) Nous reconnaissons également l’opportunité unique que représente la Zone de libreéchange continentale africaine (ZLECAf) pour le développement de chaînes de valeur régionales durables et intégrées de l’économie bleue et nous nous engageons à travailler en collaboration pour atteindre cet objectif.
g) Nous soulignons la nécessité de mettre en place des processus de développement de l’économie bleue inclusifs et durables qui favorisent le développement des PME, l’innovation et l’esprit d’entreprise et qui visent à créer des opportunités de développement économique pour les femmes, les jeunes et les autres groupes vulnérables d’Afrique.
h) Nous appelons à un dialogue coordonné entre les États insulaires et côtiers africains concernant la mise en œuvre de la ZLECAf et les opportunités offertes par le développement d’économies bleues durables et par la promotion d’approches circulaires de l’économie en tant que leviers pour l’intégration économique des États insulaires africains sur le continent.
i) Nous nous engageons à approfondir les relations commerciales entre les États insulaires et les autres États de la ZLECAf.
j) Nous plaidons pour le renforcement, la consolidation et l’élargissement de l’architecture régionale de sécurité maritime de l’océan Indien occidental en tant que dispositif clé pour le développement de l’économie et la mise en œuvre de la ZLECAf ainsi que pour la prévention, la réduction et les interventions coordonnées face aux risques et crimes en mer, notamment vis-à-vis des écosystèmes marins et côtiers et de la pollution plastique.
k) Nous prenons note de la proposition d’évaluer l’opportunité d’organiser un forum annuel des garde-côtes d’Afrique en collaboration avec les communautés économiques régionales et organisations intergouvernementales afin d’initier une dynamique renforcée de sécurité et sûreté maritimes en Afrique.
l) Nous réaffirmons l’importance de renforcer l’architecture institutionnelle qui vise l’appui aux intérêts des îles africaines, notamment la Commission climat des îles d’Afrique, l’une des trois commissions climatiques reconnues par l’Union africaine.
Soutenir l’initiative de la Grande Muraille bleue pour une économie bleue durable et régénératrice :
a) Nous reconnaissons la Grande muraille bleue comme une initiative emblématique africaine et félicitons l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) pour son opérationnalisation.
b) Nous soutenons la nécessité et l’opportunité d’établir un réseau connecté de paysages marins et côtiers régénérateurs et inclusifs sur le continent, en tant que voie d’action concrète pour un océan africain afin de répondre de manière concomitante et collaborative à la crise de la biodiversité et du climat tout en libérant les potentiels socio-économiques inhérents au développement d’une économie bleue régénératrice pour la résilience.
c) Nous reconnaissons le potentiel du concept de la Grande Muraille bleue pour impulser le développement d’une économie bleue régénératrice et durable qui bénéficie directement aux communautés insulaires et côtières d’Afrique.
d) Nous saluons cette initiative transformatrice et nous plaidons pour évaluer les opportunités et les partenariats pour sa mise à l’échelle au niveau continental et en la présentant comme une initiative concrète et transformatrice menée et mise en œuvre par l’Afrique pour l’Afrique avec la collaboration des partenaires internationaux et des autres Etats insulaires et côtiers dans le cadre du deuxième plan décennal de mise en œuvre de l’Agenda 2063 de l’UA et de la Décennie des Nations Unies pour l’océanographie au service du développement durable. Cette approche inclusive devra permettre d’étendre cette initiative au-delà de l’Afrique en tant que contribution aux efforts mondiaux pour un avenir durable.
e) Nous invitons le Fonds vert pour le climat, en partenariat avec l’UICN, à mettre en place un programme d’appui à l’initiative de la Grande Muraille bleue.
f) Nous nous engageons à encourager la création d’un environnement favorable, y compris les politiques et mécanismes de mise en œuvre effective nécessaires, pour accélérer une croissance économique océanique inclusive pour le climat, la nature et les populations des Etats insulaires et côtiers, qui a le potentiel de générer au moins deux millions d’emplois bleus et de bénéficier à un minimum de 70 millions de personnes dans les communautés insulaires et côtières d’ici 2030 dans la région de l’océan Indien occidental.
g) Nous encourageons toutes les parties prenantes régionales et internationales à s’aligner avec les cadres, institutions, réseaux, programmes et projets régionaux déjà existants dans l’océan Indien occidental afin de créer des synergies et de contribuer à la réalisation des objectifs de l’initiative de la Grande Muraille bleue.
h) Nous plaidons pour des investissements publics et privés et des financements accrus dans chaines de valeur côtières et marines durables, en promouvant notamment la pêche responsable et durable, les infrastructures vertes, l’écotourisme, les énergies renouvelables et l’innovation bleue.
i) Nous reconnaissons également l’opportunité unique que représente la mise en œuvre de la ZLECAf pour le développement de chaînes de valeur bleues régionales intégrées et nous nous engageons à travailler en collaboration pour développer ces chaînes, à travers des partenariats coordonnés qui contribuent davantage à ce programme critique pour le continent.
j) Nous soutenons les institutions, cadres et initiatives du continent et de la région et appelons à des synergies qui promeuvent l’océanographie et facilitent l’investissement dans la Recherche & Développement, la science et la technologie, l’éducation et la formation, avec la nécessité de renforcer les expertises institutionnelles régionales dans les sciences climato-océaniques et la possibilité de créer des instituts régionaux d’excellence dédiés rassemblant des acteurs publics, privés et non étatiques.
Promouvoir un nouveau partenariat dans l’économie bleue en renforçant la coopération, les partenariats et les collaborations :
a) Nous soulignons l’importance de la coopération internationale entre toutes les parties prenantes et tous les partenaires concernés, ainsi que du partage des connaissances et le renforcement de capacités et de technologies pour soutenir la mise en œuvre accélérée et impactante de l’initiative de la Grande Muraille bleue en conformité avec le droit international.
b) Nous reconnaissons le mandat et le rôle important de l’UA (y compris la CUA, l’AUDANEPAD, le secrétariat de la ZLECAf et les Communautés économiques régionales, entre autres) dans la gouvernance, la mise en œuvre, la coordination et le suivi de l’économie bleue de l’Afrique pour des initiatives phares prioritaires telles que la Grande muraille bleue et nous soutenons une visibilité accrue de celle-ci dans les processus décisionnels de l’UA
c) Nous nous engageons à établir des plateformes favorables au co-investissement, à l’échange d’expériences et au B2B facilitant la mise en place d’un mécanisme durable de financement et de mobilisation des ressources pour la mise en œuvre réussie de l’initiative de la Grande Muraille bleue ainsi que pour la promotion de l’économie bleue et circulaire en Afrique.
d) Nous appelons les organisations internationales, les institutions financières et le secteur privé à travailler avec les gouvernements et les partenaires engagés pour apporter l’appui technique et financier nécessaire à la réussite de la mise en œuvre de l’initiative.
e) Nous reconnaissons l’importance d’engager les jeunes et les femmes dans des initiatives nationales et régionales sur l’économie bleue et la résilience climatique, tenant compte de leur rôle dans la transformation de nos sociétés vers un avenir durable.
f) Nous nous engageons à évaluer régulièrement les progrès réalisés, à établir des rapports et à mettre en place des mécanismes d’examen afin de garantir la transparence et la responsabilité dans la réalisation des objectifs de la Grande Muraille bleue, par le biais du secrétariat de l’initiative.
g) Nous reconnaissons le rôle des organisations et institutions régionales pour rassembler les États insulaires et côtiers africains dans des actions collectives telle que la Commission de l’océan Indien qui met en œuvre des projets liés à la sécurité et à la sûreté maritimes comme condition préalable au développement de l’économie bleue, à l’adaptation et
l’atténuation des effets du changement climatique et à la résilience côtière afin de préserver et de restaurer les services écosystémiques tout en maintenant et améliorant le niveau d’intégrité des écosystèmes marins pour les moyens de subsistance, ainsi que la promotion de l’économie circulaire pour la création de richesses au bénéfice des communautés insulaires et côtières.
h) Nous préconisons l’analyse de tous les instruments et mécanismes de financements innovants en assurant la prise en compte de la multiplicité des vulnérabilités dans le processus de refonte de l’architecture financière internationale et, ce faisant, de considérer le mécanisme le plus adapté aux spécificités et aux vulnérabilités des Etats insulaires et
côtiers d’Afrique dans les prochains agendas globaux dont le Sommet sur le nouveau pacte financier mondial à Paris, le 23 juin prochain.
i) Nous encourageons un plaidoyer renforcé pour une économie bleue durable, impactante pour l’action climatique et pour la mise en œuvre de la Grande muraille bleue dans tous les foras internationaux, notamment le Sommet africain pour le climat 2023, la COP28 de la CCNUCC, entre autres.
Se félicitant de l’organisation de la première « Conférence ministérielle Blue Future sur l’économie bleue et l’action climatique en Afrique : les États insulaires et côtiers à l’avant-garde » :
a) Nous félicitons S.E.M. Azali Assoumani, président de l’Union des Comores et président en exercice de l’Union africaine, et le gouvernement de l’Union des Comores pour l’organisation de cette conférence ministérielle et pour leur accueil chaleureux et l’hospitalité réservées aux délégations.
b) Nous soutenons le plaidoyer de S.E. M. Azali Assoumani, président de l’Union des Comores et président en exercice de l’Union africaine, qui souligne les vulnérabilités et les besoins spécifiques des États insulaires africains tout en appelant à des investissements dans l’économie bleue pour affirmer l’émergence d’États océaniques africains.
c) Nous félicitons l’Union africaine d’avoir reconnu les aspirations de ses États membres à développer l’économie bleue de l’Afrique en vue de la réalisation de l’Agenda 2063 et nous soutenons l’engagement de l’UA en faveur de réformes institutionnelles efficaces visant à favoriser le développement de l’économie bleue pour l’Afrique, par l’Afrique, grâce à un soutien renforcé à ses États membres et à ses organes régionaux.
d) Nous remercions la Commission de l’Union africaine, la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), le Programme des Nations unies pour le développement et la Commission de l’océan Indien pour leurs contributions, leur soutien et leurs apports à cette conférence ministérielle.
e) Nous saluons la présence et la participation de l’ensemble des délégations de tous les États insulaires et côtiers africains de l’océan Indien occidental, ainsi que des représentants des États insulaires africains de l’Atlantique, à cette conférence.
f) Nous exprimons notre gratitude aux partenaires au développement pour leur engagement continu en faveur de l’économie bleue, l’action climatique dans les Etats insulaires et côtiers d’Afrique et l’opérationnalisation de la ZLECAf.
En adoptant cette déclaration :
a) Nous affirmons notre engagement à initier un processus, qui sera connu sous le nom de «Processus de Moroni pour l’action sur les océans et le climat en Afrique et les spécificités des Etats insulaires d’Afrique», portant systématiquement l’agenda des États insulaires et côtiers africains.
b) Nous réaffirmons notre volonté à promouvoir l’économie bleue aux niveaux continental et régional et à accélérer l’initiative de la Grande Muraille bleue pour conduire des efforts de récupération bleue basés sur la nature, renforcer la résilience socio-écologique, et favoriser une économie bleue régénératrice sur le continent africain et en soutien aux États insulaires et côtiers africains.
Adoptée par acclamation le 14 juin 2023 au Palais du Peuple de Moroni, Union des
Comores, sous le haut-patronage de S.E.M. Azali Assoumani, président de l’Union des
Comores et président en exercice de l’Union africain