Dans le Canal du Mozambique, comment mieux anticiper la distribution des espèces marines grâce à la modélisation physico-biogéochimique?

 

Le Canal du Mozambique est un corridor océanique stratégique, reliant les écosystèmes côtiers de Madagascar et du Mozambique. Sa dynamique océanique influence directement la biogéochimie (transport et transformation d’éléments chimiques comme les nutriments ou la chlorophylle) de la région et donc les écosystèmes marins.

L’avatar du site régional devra ainsi intégrer une modélisation des processus océaniques pour anticiper les variations écologiques des grands pélagiques comme le thon.

 

Des processus complexes et mal connus

 

Le Canal du Mozambique est une zone océanique complexe, dominée par des grands anneaux anticycloniques. Ces structures tourbillonnaires, pouvant atteindre 200 km de diamètre et 2 km de profondeur, génèrent des courants puissants (1 à 2 m/s). Elles influencent fortement la biogéochimie de la région, notamment en modulant la distribution des nutriments. Elles impactent donc les écosystèmes marins (Malauene et al, 2024 ; Penven et al, 2025). Les processus en jeu sont :

  • Des mouvements verticaux (upwellings) des masses d’eau localement, dans les tourbillons ou à leur périphérie : ils permettent la remontée de nutriments des profondeurs vers la surface, favorisant ainsi la production primaire (phytoplancton). Ceci stimule la chaîne alimentaire jusqu’aux prédateurs supérieurs comme les thons (Ternon et al, 2014). Ces-derniers exploitent ces habitats transitoires pour se nourrir, profitant des conditions créées au cœur et en périphérie des tourbillons (Tew Kai & Marsac, 2010).
  • Le transport horizontal de matière organique et/ou de nutriments (comme les nitrates), depuis les côtes (où se jettent les fleuves Zambèze, Pungue ou Limpopo), vers le large, piégé dans le coeur des tourbillons ou transporté par les filaments ; ce transport de matière favorise la création d’habitats plus riches en nutriments.
  • Par ailleurs, la dynamique des tourbillons favoriserait la connectivité écologique entre Madagascar et le continent africain (Hancke et al., 2013) via ce transport horizontal.  

Figure extraite de Penven et al, 2025: Concentration en chlorophylle (mg.m-3) et hauteur de surface de la mer (1 contour rouge/10 cm) pour le 16 avril 2022. Un filament (F1) de chlorophylle renforcée et d’eaux côtières est balayé vers le large par les interactions de R1 avec le banc de Sofala. Un autre filament a été capturé précédemment par C1 et s’enroule en spirale dans le cœur du tourbillon.Figures extraites de Hancke et al., 2013 : Trajectoire du flotteur dérivant 71201 superposée aux anomalies du niveau de la mer (cm)Figures extraites de Hancke et al., 2013 : Trajectoires de flotteurs dérivants entre le courant Est de Madagascar et les côtes mozambicaines.Figure extraite de Drouet, 2020 : Schéma de la pompe biologique du carbone dans les océans (d’après Herndl and Reinthaler, 2013)

 

Zoom sur : la thèse d’Aline Arens

 

Ce 25 mars, Aline Arens présente le sujet de sa thèse qu’elle a démarré en novembre 2024 au sein de BRIDGES AVATAR (cofinancement de l’UBO). Cette thèse vise à mieux comprendre les flux biogéochimiques dans le Canal du Mozambique.

Elle développe des simulations numériques à haute résolution utilisant le modèle  CROCO-PISCES, qui permet de coupler dynamique océanique et processus biogéochimiques. Ces simulations sont calibrées à l’aide de données in situ et satellitaires. Sa recherche porte sur plusieurs aspects :

  • La modélisation des flux de nutriments côtiers et leur dispersion dans le Canal du Mozambique.
  • L’impact des tourbillons sur la distribution des éléments biogéochimiques.
  • La comparaison des apports de nutriments entre différents mécanismes (transport turbulent, effet de masse des îles, remontées d’eau). 

Ces travaux fourniront des informations clés pour l’avatar numérique régional développé dans BRIDGES AVATAR.

Directeurs de thèse : P. Penven (HDR), F. Chenillat, S. Pous, F. Nehama, B. Malauene 

Source : bridges-wio