D’anciens détenus prennent un nouveau départ dans l’économie bleue européenne
27 mars 2025
27 mars 2025
Un projet pionnier met en relation de jeunes détenus avec des emplois dans l’industrie maritime européenne en pleine croissance, offrant ainsi une solution gagnant-gagnant à deux défis urgents : la pénurie de main-d’œuvre dans l’économie bleue et les obstacles à l’emploi pour les anciens délinquants
Dans l’estuaire du Sado, au Portugal, l’ostréiculteur António Correia est confronté à un problème courant. Sa ferme ostréicole florissante a du mal à trouver de la main-d’œuvre, en particulier des jeunes. « Malheureusement pour notre secteur, les jeunes ont de moins en moins de liens avec la nature et le travail en plein air », explique-t-il. « Pour ma part, je trouve cela extrêmement gratifiant, mais cette attitude se perd peu à peu chez les jeunes. »
Ce défi touche tout le secteur de l’économie bleue en Europe, qui emploie 3,5 millions de personnes, mais qui a besoin de plus de travailleurs pour poursuivre sa croissance. De la pisciculture au tourisme côtier, de nombreuses entreprises maritimes sont confrontées à des pénuries d’emploi persistantes.
Pour combler ce fossé, l’Union européenne a lancé l’initiative « Turning Blue », qui se déroulera jusqu’en août 2026 dans cinq pays : le Portugal, les Pays-Bas, la Roumanie, Chypre et l’Italie. Le projet met en relation de jeunes détenus avec des opportunités dans les industries marines.
« Pour nous, Turning Blue est un projet où tout le monde est gagnant », déclare Rita Lourenço, qui dirige l’initiative à la coopérative d’innovation sociale Aproximar. « C’est une réussite pour le système judiciaire, car le travail est essentiel pour lutter contre la récidive. Et c’est une aubaine pour l’économie bleue, qui a besoin de main-d’œuvre et qui est en pleine croissance. »
Dans la seule prison pour jeunes du Portugal, à Leiria, où les jeunes hommes âgés de 16 à 25 ans purgent leur peine, le projet apporte un peu d’espoir. À travers des expériences de réalité virtuelle, des présentations et des rencontres avec des professionnels de l’industrie, les détenus découvrent différentes carrières du secteur maritime.
« À notre sortie, il est difficile de trouver un emploi du fait de notre passé carcéral. Les gens nous jugent pour ce que nous avons fait, et non pour ce que nous sommes », explique l’un des participants. Turning Blue vise à surmonter cette stigmatisation en proposant un mentorat, une formation et des contacts directs avec les employeurs.
Certaines entreprises du secteur coopèrent avec le projet et adhèrent à son approche.
SEAentia, une start-up innovante spécialisée dans l’élevage de poissons à Peniche, au Portugal, s’apprête à multiplier ses effectifs par six, pour passer de 6 à 30 personnes, au cours des deux prochaines années. L’entreprise, qui élève des maigres en recirculant l’eau de mer dans des bassins intérieurs, prévoit de passer d’un système pilote à une installation à l’échelle commerciale, avec pour objectif de produire 5 000 tonnes de poissons par an d’ici à 2030. Si leur exploitation nécessite quelques techniciens qualifiés, le secteur en pleine expansion de l’aquaculture continentale crée également des opportunités pour des postes de débutants dans les domaines de la transformation, du conditionnement et de la vente du poisson, des emplois qui pourraient être ouverts à de jeunes ex-détenus.
De retour à l’estuaire du Sado, António Correia a déjà embauché plusieurs anciens détenus et reste ouvert à l’idée d’en embaucher d’autres. « Tout le monde a le droit à une seconde chance », déclare-t-il. « Les personnes qui veulent changer de vie et qui ont traversé des épreuves difficiles apprécieront peut-être davantage cette opportunité. »
L’économie bleue est particulièrement prometteuse en matière de réadaptation grâce à la diversité des emplois qu’elle propose. « Le secteur offre de nombreux emplois manuels dans les domaines de la pêche, de l’aquaculture et du tourisme qui ne demandent pas de hautes qualifications », explique Rita Lourenço. « Voilà pourquoi nous pensons que ce type d’emploi pourrait convenir à ces jeunes ».
Avec près de 1,5 million de personnes actuellement incarcérées en Europe, des initiatives telles que « Turning Blue » pourraient aider à remédier à la pénurie de main-d’œuvre et à la réinsertion sociale. Les innovations en matière de recrutement et de formation peuvent soutenir la croissance durable des industries marines européennes tout en créant des opportunités pour ceux qui en ont le plus besoin, en leur offrant non seulement des emplois, mais aussi la possibilité de prendre un véritable nouveau départ.