Dakhla, un modèle d’économie bleue à dupliquer en Afrique (Kabiné Komara)

 

En marge de la 7ᵉ édition du Salon Halieutis à Agadir, Kabiné Komara, ancien Premier ministre de Guinée et expert en développement international, met en avant le modèle de Dakhla comme une référence en matière d’économie bleue en Afrique. Dans cet entretien, il revient sur les avancées technologiques du secteur halieutique marocain, les défis liés à la résilience du secteur face au changement climatique et l’importance de la coopération régionale pour exporter le succès de Dakhla aux autres pays africains.

Dakhla génère 3 milliards de dirhams de valeur ajoutée par an grâce à l’industrie de la pêche

Dakhla génère 3 milliards de dirhams de valeur ajoutée par an grâce à l’industrie de la pêche

La région de Dakhla s’impose comme un acteur fort de l’industrie halieutique marocaine, générant une valeur ajoutée annuelle de 3 milliards de dirhams. Selon le rapport «Afrique-Atlantique à Dakhla : Une “success-story” venue du Sud face à de nouveaux défis», réalisé par l’Institut marocain d’intelligence stratégique, cette réussite repose sur une stratégie intégrée allant de la capture à la transformation des ressources marines. Cependant, le Maroc doit mobiliser des leviers en matière de la diplomatie, de la recherche scientifique et de la législation afin de surmonter les défis qui menacent la poursuite de cette dynamique.

La 7ᵉ édition du Salon Halieutis met l’accent sur la recherche et l’innovation. Quelles sont, selon vous, les avancées les plus prometteuses qui pourraient inspirer d’autres régions africaines ?

Le Matin : Ce Salon a permis de découvrir les avancées technologiques du Maroc et de son système de pêche. Il y a d’abord le système de surveillance des stocks, avec l’utilisation de capteurs acoustiques et de sonars qui localisent les bancs de poissons et permettent d’éviter les captures accidentelles. Ensuite, les drones et satellites jouent un rôle clé dans la surveillance des zones de pêche et la lutte contre la pêche illégale. La modernisation de la flotte est également un point essentiel, avec des bateaux équipés de GPS avancés et de systèmes de communication maritime qui optimisent la chaîne de traitement et réduisent les pertes. Par ailleurs, les infrastructures de transformation sont désormais automatisées, ce qui permet une meilleure valorisation des produits de la mer. Enfin, l’intégration des énergies renouvelables est une avancée majeure : la pêche étant très consommatrice d’énergie, l’équipement des bateaux et des installations avec des systèmes solaires et bas carbone représente une véritable révolution dans le secteur.

Parmi les recommandations de votre rapport pour renforcer la résilience de l’économie bleue marocaine, quelle est la plus urgente à mettre en œuvre face aux défis du changement climatique et de la pêche illégale ?

L’un des enjeux majeurs est d’abord l’aspect juridique. L’Union européenne a récemment exigé que tous les produits issus du Sahara soient étiquetés séparément du reste du Maroc. Cette situation est préoccupante et impose au Maroc d’explorer des alternatives, soit en négociant des amendements à cette décision, soit en développant de nouveaux marchés. Ensuite, le changement climatique constitue une menace grandissante. Il est crucial de renforcer la surveillance et d’identifier les zones où les stocks de poissons se déplacent afin d’adapter les pratiques de pêche. Le Maroc doit également investir davantage dans la recherche pour anticiper ces évolutions et garantir une exploitation durable des ressources marines.

L’économie bleue à Dakhla est citée comme un modèle à répliquer en Afrique. Quelles sont les premières étapes pour exporter ce succès et mobiliser les partenaires africains ?

Dakhla est un exemple impressionnant de développement en un temps record. La ville est devenue un hub halieutique et écologique, avec des infrastructures modernes, une forte intégration technologique et un accent mis sur la recherche et l’innovation. Le Maroc pourrait partager cette expérience avec d’autres pays africains via la Commission des pêches de l’Afrique de l’Ouest (CSRP), une organisation qui réunit plusieurs États côtiers. Mon souhait serait que le Maroc rejoigne cette commission et joue un rôle moteur en y intégrant son expertise. Cela permettrait de former les acteurs du secteur, d’équiper les pays membres avec des outils de surveillance et d’améliorer la lutte contre la pêche illégale. L’expérience capitalisée à Dakhla peut ainsi devenir un levier pour renforcer l’économie bleue sur tout le continent.