COP28 – les enjeux pour l’Afrique en cinq questions
6 décembre 2023
6 décembre 2023
Faut-il y voir un tournant ? Largement déçus par les conclusions de la COP27 en Égypte, les 54 États africains réunis pour le tout premier Sommet africain sur le climat, en septembre dernier ont adopté la « déclaration de Nairobi », destinée à favoriser la croissance verte sur le continent. Un rendez-vous qui a sonné l’alerte sur la nécessité pour l’Afrique de parler d’une seule voix dans les négociations climatiques mondiales. « L’Afrique possède à la fois le potentiel et l’ambition d’être un élément essentiel de la solution mondiale au changement climatique », ont clamé les dirigeants dans ce texte, qui est loin de faire conscensus. Cependant, l’ambition d’avancer « uni » semble intacte à la veille de l’ouverture de la conférence de l’ONU sur le climat (COP28) aux Émirats arabes unis, alors que les questions et défis restent immenses. Que ce soit sur le volet financement des énergies renouvelables, des engagements pris par les pays pollueurs, des réformes du système financier international ou la question des taxes carbone, la liste des demandes de l’Afrique s’allonge, mais les moyens alloués ne sont toujours pas à la hauteur. C’est pourquoi le continent africain, qui ne contribue qu’à 2 % à 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, a martelé, ces derniers mois, son besoin de voir des réformes aboutir sur le plan international afin d’alléger le poids financier de la lutte contre le réchauffement climatique. Voici les 5 points chauds qui seront abordés par les différents responsables africains, parmi lesquels de nombreux chefs d’États, à Dubai.
Les États africains ont rappelé à Nairobi les riches pays pollueurs à honorer leur engagement, pris en 2009, à fournir 100 milliards de dollars par an en financement climatique d’ici à 2020.
Ainsi qu’à aider les pays les plus vulnérables à faire face aux impacts immédiats du changement climatique au travers d’un fonds adopté à la COP27 en Égypte, visant pour les nations riches à compenser les « pertes et dommages » de celles du Sud.
Outre un potentiel naturel pour générer directement des énergies propres (solaire, éolien, géothermie, etc.), l’Afrique abrite 40 % des réserves mondiales de cobalt, de manganèse et de platine, essentiels pour les batteries et les piles à hydrogène. Paradoxe : ce continent n’a attiré que 2 % des investissements mondiaux de la transition énergétique pendant la décennie écoulée.
Le Sommet de Nairobi a appelé à un investissement de 600 milliards de dollars pour augmenter la capacité de production d’énergies renouvelables de l’Afrique de 56 gigawatts en 2022 à au moins 300 gigawatts d’ici à 2030.
Un impératif pour un continent de 1,4 milliard d’habitants, dont 600 millions n’ont pas accès à l’électricité. Pour répondre aux objectifs climatiques en Afrique, l’Agence internationale de l’énergie estime que l’investissement dans l’énergie doit « plus que doubler » d’ici à 2030.
Pour permettre de lever les fonds nécessaires à ces investissements, la déclaration de Nairobi appelle les dirigeants de la planète à « se ranger derrière la proposition d’un régime de taxation du carbone incluant une taxe sur le commerce des combustibles fossiles et sur le transport maritime et aérien ».
Ces sources de financements, ajoute la déclaration, pourraient être complétées par une taxe mondiale sur les transactions financières.
Au cours d’un sommet à Paris en juin, le président français Emmanuel Macron s’est prononcé en faveur d’une taxe sur le commerce maritime tout en soulignant la nécessaire adhésion de la Chine, des États-Unis et d’autres pays européens pour qu’elle devienne réalité.
À Nairobi, l’émissaire américain sur le climat John Kerry s’est borné à expliquer que ces différentes propositions étaient à l’étude à Washington.
Les participants au Sommet de Nairobi ont joint leurs voix aux appels à réformer l’architecture du système financier international, que le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a qualifié de « dépassé, injuste et dysfonctionnel ».
Les dirigeants ont également appelé à une restructuration et à un allègement de la dette de leurs pays. La charge de la dette dans la région a grimpé en flèche avec la pandémie de Covid-19, l’invasion russe de l’Ukraine et les impacts climatiques, selon la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique. Parmi les pistes de solutions certains avancent la possibilité de prolonger la durée des prêts souverains, ou suspendre la dette en cas de catastrophe naturelle ou encore accorder un délai de paiement de dix ans sur les intérêts. « Nous exigeons des conditions équitables pour que nos pays puissent accéder aux investissements nécessaires pour libérer leur potentiel et le traduire en opportunités », a insisté William Ruto, à Nairobi.
Or l’accès aux financements du FMI et de la Banque mondiale est jugé difficile par les pays en développement, confrontés au défi de sortir une grande partie de leur population de la pauvreté tout en s’affranchissant des énergies fossiles. La réforme des deux institutions était au cœur de leur réunion annuelle en octobre à Marrakech.
Les pays africains ont plaidé pour une croissance économique moins dépendante des énergies fossiles, au-delà du modèle « traditionnel » de développement industriel.
Au cœur de cette stratégie : faire en sorte que les matières premières dont regorge le continent, y compris les minerais utilisés pour les technologies vertes, soient transformées sur place et non simplement exportées.
Une autre piste consisterait à mieux monétiser sur le marché des crédits carbone les vastes écosystèmes du continent – forêts, mangroves, zones humides – qui absorbent le CO2. Mais ce marché, peu régulé, fait l’objet de critiques, certains projets – notamment forestiers – ayant selon leurs détracteurs peu d’impact sur la préservation de l’environnement ou la protection des communautés locales.