COP16 SUR LA BIODIVERSITÉ EN COLOMBIE : LE VOCABULAIRE À CONNAÎTRE POUR TOUT COMPRENDRE DES NÉGOCIATIONS
25 octobre 2024
25 octobre 2024
De la forêt aux abysses, en passant par les grandes plaines et les zones humides, comment mieux défendre la nature et ses précieux écosystèmes ? Pour s’atteler à ce défi planétaire, la 16e conférence des parties à la convention des Nations unies (COP16) sur la biodiversité s’est ouverte lundi 21 octobre, à Cali, en Colombie. Pendant dix jours, les 196 pays membres de la convention vont tenter protéger ce qui peut encore l’être lors de ce sommet crucial pour l’avenir des humains, qui tirent de la nature tout ce qu’ils mangent, boivent et consomment. D’où l’intérêt, à défaut de pouvoir discuter avec les orangs-outangs et le zooplancton, de comprendre ce qu’il se dit dans ces discussions. Franceinfo liste les termes qui vont être au cœur des négociations jusqu’au 1er novembre.
A travers le monde, certains pays sont plus riches en biodiversité que d’autres. Développée en 1988 par le primatologue américain Russell Alan Mittermeier, la notion de pays mégadivers qualifie les quelques Etats qui abritent à eux seuls les deux tiers de la vie sur Terre (faune, flore et micro-organismes), grâce à leurs riches écosystèmes (forêts, rivières, montagnes, récifs coralliens, estuaires, etc.) et à un grand nombre d’espèces endémiques. La Colombie, qui accueille la COP16, abrite par exemple près de 10% de la biodiversité mondiale, rapporte la fiche du pays sur le site de la convention pour la diversité biologique(Nouvelle fenêtre) (CBD), institution qui chapeaute les COP sur la biodiversité. A ce titre, le pays hôte illustre parfaitement les enjeux de la protection de ces richesses.
Dans un livre publié en 1997, le spécialiste en liste 17 : sept se trouvent sur le continent américain (Brésil, Colombie, Equateur, Mexique, Pérou, Venezuela et Etats-Unis), trois en Afrique (Afrique du Sud, Madagascar, et République démocratique du Congo), cinq en Asie (Chine, Inde, Philippines, Malaisie et Indonésie) et deux en Océanie (Australie et Papouasie-Nouvelle-Guinée). Une poignée d’autres pays, comme la France (grâce à ses territoires d’outre-mer), sont parfois eux aussi cités comme des pays mégadivers.
Cette COP16 est le premier rendez-vous de la communauté internationale depuis l’adoption en 2022 d’une feuille de route commune pour sauvegarder la nature : le cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal(Nouvelle fenêtre) (connu aussi sous son acronyme en anglais, GBF ou KMGBF), en référence aux deux villes coorganisatrices de la COP15. Ce texte ambitieux (PDF)(Nouvelle fenêtre) liste quatre grandes missions pour 2050 et surtout 23 objectifs à réaliser à l’horizon 2030.
Il entend notamment protéger 30% des terres et des mers sur le globe, restaurer 30% des écosystèmes dégradés, réduire de moitié l’usage des pesticides ou encore gérer les espèces sauvages de manière durable et au bénéfice des populations. Autres enjeux : améliorer l’accès aux espaces verts dans les villes, mobiliser 200 milliards de dollars par an pour la nature. La liste complète est disponible sur le site de la convention(Nouvelle fenêtre).
Si le KMGBF et ses 23 cibles déterminent le « quoi » des ambitions de la communauté internationale en matière de biodiversité, les SPANBs, eux, répondent à la question du « comment ». Cet acronyme barbare correspond aux « stratégies et plans d’action nationaux pour la diversité biologique » qui doivent être préparés par chacun des 196 pays signataires. A l’ouverture de la COP16, la convention pour la diversité biologique n’avait reçu qu’une trentaine de SPANBs mis à jour et alignés avec les ambitions fixées en 2022 (ici en vert(Nouvelle fenêtre)), mais s’attendait à en recevoir d’autres pendant le sommet.
Consciente de la difficulté pour de nombreux pays à élaborer en si peu de temps une stratégie détaillée, la CBD les a encouragés à transmettre, en attendant, des « objectifs nationaux ». Ces documents font le point sur les objectifs que se fixe chaque gouvernement, à défaut de préciser comment il compte y arriver concrètement. Ce premier pas vise à engager un maximum d’Etats, alors que, comme l’accord de Paris pour le climat, le cadre mondial de Kunming-Montréal n’est pas juridiquement contraignant.
Afin de mettre en œuvre les SPANBs, le traité signé à Montréal appelle les parties, dans sa cible 19, à mobiliser « au moins 200 milliards de dollars par an d’ici à 2030 », toutes sources confondues, au sein d’un nouveau fonds. Le Global Biodiversity Framework Fund (GBFF), créé à cet effet, a reçu des premières contributions, du Canada, de l’Allemagne, ou encore du Royaume-Uni.
Toutefois, plus d’un an après sa création, les pays du Nord et du Sud ne parviennent pas à s’entendre sur une question clé : qui doit gérer la cagnotte ? Pour l’instant, le Fonds pour l’environnement mondial, sorte de bras financier de la CDB, administre le GBFF. Or les pays du Sud, qui seront logiquement les principaux bénéficiaires de ce nouveau fonds, estiment que cet organe n’est pas capable d’assurer correctement cette mission et craignent de voir encore les financements leur passer sous le nez. Ils demandent donc la création d’un nouvel organisme indépendant, contre l’avis des pays du Nord.
Les Etats de l’hémisphère Sud, et notamment les pays tropicaux, abritent la majeure partie des espèces. Ils sont aussi ceux qui disposent du moins de moyens pour investir dans la protection des écosystèmes, dont les ressources profitent largement aux pays développés. Pour y remédier, le texte de Montréal-Kunming appelle les gouvernements à encourager les comportements vertueux chez les acteurs économiques, via la suppression, d’ici 2030, de 500 millions de dollars de subventions allouées aux secteurs qui nuisent le plus à l’environnement, provoquant déforestation, surpêche, braconnage, pollution, etc.
Selon un rapport publié en septembre par l’organisation Earth Track(Nouvelle fenêtre), les subventions préjudiciables à l’environnement s’élèvent en 2024 à au moins 2 600 milliards de dollars (l’équivalent de 2,5% du PIB mondial). « Cela représente environ 800 milliards de dollars de plus qu’il y a deux ans, soit environ 570 milliards de dollars de plus, hors inflation », pointait le document.
La biodiversité est partout, même dans les cosmétiques et les médicaments que nous consommons tous les jours. Reconnaissant que les entreprises des pays développés prélevaient pour l’essentiel ces ressources biologiques dans des pays en développement, le protocole de Nagoya a établi en 2012 un cadre permettant aux deux parties de signer un contrat. L’objectif est de permettre aux pays fournisseurs de bénéficier, eux aussi, des fruits de leurs richesses naturelles. Mais avec la numérisation de ces informations génétiques, le système a largement échoué, expliquait en 2023 l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), dans un post de blog(Nouvelle fenêtre).
Ces milliards de séquences génétiques numérisées, aussi appelées DSI (Digital sequence information, information de séquençage numérique ou ISN en français), feront donc encore l’objet de nombreuses discussions, les pays y voyant un moyen supplémentaire de lever des financements. Un accord pourrait être trouvé à Cali pour établir « un mécanisme mondial de partage » des bénéfices de l’usage des DSI. Mais les questions restent nombreuses : quelles entreprises contribueront ? Le feront-elles volontairement ou obligatoirement ? Comment sera réparti l’argent ?
L’accord de Kunming-Montréal encourage les Etats à « promouvoir (…) le paiement des services écosystémiques, les obligations vertes, les crédits et compensations en matière de biodiversité ». Il souhaite ainsi récompenser ceux qui prennent soin des écosystèmes, comme les agriculteurs qui s’engagent dans une gestion durable, à travers un système dit de « crédits biodiversité » (ou « crédits nature »), inspiré des « crédits carbone ». Le Comité consultatif international sur les crédits de biodiversité, porté par la France et le Royaume-Uni, espère ainsi créer des bourses nationales dans des pays pionniers.