COP16 de la Biodiversité à Cali : Bonnes nouvelles pour l’Océan, mais blocages sur le financement et la gestion des ressources génétiques

 

Après 8 ans de négociations, la seizième Conférence des Nations-unies sur la diversité biologique (COP16) ayant lieu à Cali, Colombie, a adopté un texte majeur sur les modalités de mise en œuvre des Aires Marines Protégées (AMPs) pour les prochaines années.

Après l’adoption du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal qui établit l’objectif de 30% d’Aires Marines Protégées en 2030, il manquait toutefois une décision formelle sur les objectifs et les chemins concrets pour y arriver, avec quels critères et quels outils. Avec l’arrivée de la venue plus d’une centaine de ministres de l’environnement à Cali cette semaine, les négociateurs ont enfin pu aboutir à une proposition de texte qui permettra de réformer l’outil existant pour la création des AMPs, appelé EBSAs (Ecologically or Biologically Significant Marine Areas).

Pourquoi est-il essentiel de réviser les outils de création d’Aires Marines Protégées ?

Cette réforme des critères EBSAs est essentielle car cet outil a été créé il y a presque vingt ans, à une époque où la science ne disposait pas des technologies et des connaissances aujourd’hui disponibles, comme la génomique, l’imagerie digitale ou encore la bioinformatique et l’intelligence artificielle. Autour de la table de négociations, plusieurs pays profitaient de cette situation pour décrédibiliser le processus de création des AMPs avec l’argument que les outils existants n’étaient pas bons, pas assez consensuels ou pas assez performants.

Quelles seront les prochaines étapes ?

La Fondation Tara Océan se réjouit de cette décision, et participera activement au processus de mise en place des EBSAs 2.0, en tant que membre observateur de la Convention sur la Diversité Biologique. De la même manière qu’elle l’a fait dans le cadre du Traité sur la biodiversité en haute mer (BBNJ), la communauté scientifique partenaire de la Fondation Tara Océan et plus largement celle autour du récent Manifeste du Plancton – proposera la prise en compte du plancton et du microbiome océanique dans les futurs outils. Concrètement, cette participation se fera autour d’ateliers de travail et avec la proposition de création d’un groupe permanent pour la mise en place de l’article 8 de la Convention qui gère les aires protégées.

L’inclusion de protocoles et outils de gestion incluant l’écosystème qui représente environ 80% de la vie marine sera certes complexe mais essentielle. Elle permettra une vision plus intégrée et holistique de l’Océan, qui ne se limite pas aux poissons et aux grands mammifères, qui sont historiquement au cœur des stratégies de conservation proposées au sein de la Convention.

Construire avec les pays du sud

À partir de 2025, plusieurs sessions de travail seront proposées par le secrétariat de la Convention, en concertation avec les pays de tous les continents.  Le premier atelier sera d’ailleurs réalisé à Dakar, en février 2025, ce qui permettra à la Fondation Tara Océan de faire le pont avec le projet Plankt’ECOdont une partie des activités est réalisée au Sénégal. Cette prise en compte des voix des pays du sud est essentielle, car certains pays reprochaient à la CDB une définition des critères pilotés uniquement par des Etats, experts et ONGs basés dans les pays du nord. Un processus scientifiquement robuste, mais aussi transparent et inclusif d’un point de vue politique sera certainement une des clés pour atteindre l’objectif de protection d’au moins 30% de l’Océan.

Incertitudes sur la gestion des Ressources Génétiques Marines numériques

À côté de la bonne nouvelle sur les AMPs, le flou persiste sur le mécanisme de gestion des ressources génétiques digitalisées, appelé DSI ( Digital Sequenced Informations). Les pays du sud insistent sur la création d’un mécanisme obligatoire de partage des bénéfices issus de l’exploitation de ces séquences génétiques numérisées, alors que les pays du nord proposent un mécanisme volontaire et plus souple. Plusieurs questions techniques sur le montant et les modalités de ce partage monétaire restent sans consensus ce vendredi, dernier jour de négociation, situation qui nous amènera probablement à la COP17 pour les décisions finales sur les modalités de mise en œuvre de ce mécanisme de gestion et de partage de bénéfices.

Déceptions sur le financement, malgré une grande quantité d’acteurs de la finance mobilisés.

Concernant le financement de la biodiversité, malgré des centaines de side events proposant des nouvelles idées de financement, le compte n’y est pas ce vendredi à quelques heures de la fin de la COP. Les pays du sud, avec le groupe Afrique en tête, réclament des contributions monétaires concrètes des Etats pour le fonds biodiversité, idéalement de 200 milliards par an. d’un autre côté, une bonne majorité des Etats avance des propositions de finance verte basées sur des crédits carbone et des crédits biodiversité, qui ne font pas encore consensus parmi les négociateurs. Visiblement, des décisions ambitieuses et des propositions fermes sur le financement de la biodiversité devront patienter jusqu’à la prochaine COP17.

Source : Fondation Tara Océan