Comment Laâyoune s’est imposée comme tête de pont africaine de l’économie bleue mondiale avant le Forum de Macao du 22 octobre
8 août 2025
8 août 2025
Porte méridionale du Maroc tournée vers l’Atlantique, Laâyoune s’est imposée comme l’un des épicentres stratégiques du développement maritime africain à l’occasion du 12ᵉ Forum international sur l’énergie propre et la technologie bleue marine, organisé dans la métropole côtière de Lisbonne fin juillet.
La région saharienne, dotée d’un littoral riche en ressources halieutiques, en biodiversité marine et en potentiel portuaire, a été présentée comme un site régional d’expérimentations multisectorielles, alliant transition énergétique, valorisation du biocapital marin et innovation algorithmique. Le Maroc y développe un écosystème intégré articulé autour de la Zone d’accélération industrielle de Laâyoune, du port atlantique en cours d’édification, et d’initiatives de recherche-développement portées par les universités et centres d’études régionaux. L’événement, conjointement organisé par le Forum international de l’énergie propre (Macao), le Forum océanique portugais et l’Agence d’investissement d’Oeiras, a réuni plus de 200 participants, parmi lesquels figuraient des représentants gouvernementaux, des chefs d’entreprise, des experts universitaires et des membres d’organisations internationales venus de plus d’une dizaine de pays, dont la Chine, le Portugal, les Pays-Bas, la France et le Maroc.
Une convergence d’acteurs africains autour de Laâyoune
Dans ce contexte, le directeur du Centre régional d’investissement (CRI) de Laâyoune-Sakia El Hamra, Mohammed Jifer, a souligné depuis Lisbonne que «l’Afrique détient l’un des potentiels maritimes les plus vastes du monde, mais son développement se heurte à des goulets d’étranglement structurels en matière d’infrastructures, de capital humain et de transfert de technologie». Insistant sur la vocation transcontinentale de Laâyoune, il a ajouté : «Notre région constitue un trait d’union stratégique entre l’Afrique de l’Ouest, l’Europe et les Amériques, au service d’un projet maritime partagé et respectueux des équilibres environnementaux».
L’expertise marocaine en matière de cartographie des fonds marins, de lutte contre la pêche illégale, d’économie circulaire et d’aménagement intégré des littoraux a été saluée par de nombreux intervenants africains. Des partenariats ont notamment été esquissés avec les archipels d’Afrique subsaharienne, désireux d’adapter à leur échelle les modèles de gouvernance portuaire et de coopération scientifique mis en œuvre à Laâyoune.
L’axe Maroc–Portugal à l’avant-garde de l’innovation bleue
Le Forum, tenu à l’invitation du gouvernement portugais et de la municipalité d’Oeiras, a réuni décideurs, scientifiques, diplomates et investisseurs autour du thème «Coopérations et investissements dans l’économie bleue mondiale : intelligence artificielle, énergie propre et biocapital marin». Le choix du Portugal ne relève pas du hasard : ce pays partage avec le Maroc une façade atlantique d’innovation et a multiplié, ces dernières années, les alliances bilatérales avec Rabat dans les domaines de la recherche océanographique, de la sécurité maritime et de la valorisation énergétique des vagues.
Le forum a ainsi été l’occasion de mettre en lumière les synergies triangulaires entre Lisbonne, Laâyoune et plusieurs capitales africaines, appelées à construire ensemble une architecture bleue décentralisée, résiliente et solidaire.
Défis technologiques et investissements à long terme
Les discussions ont particulièrement insisté sur l’intégration des technologies de l’intelligence artificielle dans la surveillance des zones marines protégées, la modélisation prédictive des stocks halieutiques, et l’automatisation des infrastructures portuaires. M. Jifer a précisé que «Laâyoune développe des protocoles conjoints avec plusieurs partenaires européens afin d’implémenter des outils d’IA éthiques, sobres en énergie, et compatibles avec les réalités écologiques du Sahara Atlantique».
Outre les aspects techniques, les contraintes de financement, de régulation et de diplomatie scientifique ont été largement évoquées. Plusieurs institutions financières africaines ont souligné l’importance d’un cadre incitatif stable et régionalement harmonisé, condition sine qua non pour canaliser les investissements vers des zones périphériques souvent délaissées, comme les côtes atlantiques du Sahel.
Vers une stratégie maritime continentale pilotée depuis le Sud
La participation marocaine au Forum de Lisbonne s’inscrit dans une ambition plus vaste : faire émerger une gouvernance africaine autonome des espaces maritimes, appuyée sur des pôles de référence tels que Laâyoune, Abidjan, Maputo ou Libreville. Dans cette perspective, les autorités marocaines plaident pour une coordination institutionnelle plus fine entre les agences maritimes continentales, les commissions économiques régionales et les grandes universités africaines.
«Nous croyons à une Afrique océanique, qui ne soit plus réduite à un arrière-pays géostratégique, mais affirmée comme une entité maritime majeure, capable de négocier ses propres règles avec les puissances du Nord», a conclu M. Jifer, appelant à une réforme en profondeur de la gouvernance internationale des mers.