Dimanche à Bordeaux, Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur chargé des océans et des pôles, a évoqué les enjeux de la justice climatique pour le Climat Libé Tour.
Est-ce que les COP sont les meilleures instances pour porter la voix des pays du Sud ?
C’est impressionnant une COP, parce que les pays y sont égaux. Vous entendez des expressions de peuples autochtones. Il y a des gens qui sont venus dans la tenue traditionnelle de leur pays. Le costume cravate occidental n’est pas majoritaire. Le ton est donné par l’économie et donc par les grands pays occidentaux capitalistes. Mais au niveau géopolitique, la tendance est donnée par ces petits Etats du Sud. Le système des Nations unies est extrêmement égalitaire et ce sont eux qui font bouger les choses, notamment sur les questions climatiques. Il faut se rendre compte que tous les ans, les représentants de tous les peuples du monde se retrouvent pour parler du climat. Il n’y a pas ça pour l’économie. Ce sont des compromis, mais ça avance…
Les pays du Nord peuvent-ils réussir à convaincre d’aller vers la décroissance ?
Sur cette question de la décroissance, je suis très réservé. C’est une voie raisonnable, mais je ne crois pas que les femmes et les hommes aient envie d’être moins riches, de voyager moins, de consommer moins, d’avoir tous un vélo à la place d’une voiture. Ce n’est pas réaliste d’imaginer que la décroissance puisse être un modèle à l’échelle mondiale. Je pense que c’est juste une utopie.
Que doit-on mettre en place en place pour atteindre la justice climatique ?
D’abord, il faut que les pays du Nord respectent les plans de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Je pense qu’il faut «name and shame», nommer et désigner, faire honte. C’est important ! S’ils s’engagent à des choses, ils doivent les tenir. Après, dans la relation de voisinage, il doit y avoir des mécanismes de solidarité. Par exemple, les grands pays d’Asie ont une responsabilité vis-à-vis de leurs voisins. Pas uniquement en hébergeant des réfugiés en cas de catastrophe climatique, mais aussi en les aidant à construire, à relever le niveau de telle ou telle infrastructure, à construire des digues, etc. On doit coopérer entre voisins.
Il peut y avoir d’autres idées de financement, comme une taxe sur le transport maritime. 90 % du commerce mondial passe par les océans. Certains transporteurs ne payent pas de péage. Pour les aider à se décarboner, il pourrait y avoir une taxe sur les pollueurs. Si un pays sait que ses porte-conteneurs lui coûtent 400 millions d’euros chaque mois, il réfléchira.
Au final, avez-vous confiance en l’avenir de la planète ?
La solution n’est pas pour demain. Il faudrait un Robert Badinter de l’environnement, quelqu’un habité par ses convictions. C’est peut-être ce qui manque aux politiques, il faut des gens humanistes. J’ai la chance d’avoir une fonction pour porter ces sujets. Ensemble, construisons ce monde.
Source: Libération