Le secteur halieutique au niveau national n’échappe pas au défi des changements climatiques dont les impacts se déchaînent déjà au niveau mondial. Les conséquences du phénomène globalisé sur la santé et productivité des écosystèmes marins sont souvent aussi sérieuses et désastreuses que celles auxquelles font face d’autres secteurs vitaux comme l’eau et l’agriculture. Dans une publication parue en octobre dernier, intitulée « La pêche et l’aquaculture à l’épreuve du changement climatique : défis et perspectives », la Plateforme Océan & Climat (POC) reprend l’alerte du GIEC qui souligne que « le réchauffement, l’acidification de l’océan et la poursuite des politiques actuelles de gestion des pêches placent 60% des pêches mondiales face à un très haut risque ». La plateforme, qui détient le statut d’observateur au sein des conventions onusiennes sur le climat (CCNUCC) et la biodiversité (CDB), pointe de ce fait l’urgence d’amorcer une « transition des pratiques de pêches et d’aquaculture vers un modèle vertueux ».
Double menace
Le constat est d’autant plus préoccupant que la menace qui pèse sur le secteur halieutique est double puisqu’aux effets du changement climatique, s’ajoute la dégradation directement liée à la surexploitation et aux activités humaines non-durables. « L’utilisation d’engins de pêche peu sélectifs et destructeurs pour les fonds marins, la dégradation des écosystèmes côtiers, l’introduction de polluants, de pathogènes et d’espèces invasives via l’aquaculture restent encore trop souvent liées aux pratiques actuelles de ces secteurs », alertent les auteurs du rapport. Les conséquences ne concernent pas seulement les espèces de poissons, mais également leurs habitats, et via les réseaux trophiques l’ensemble du vivant en mer comme sur terre. « Depuis les dernières décennies, l’abondance globale des espèces a ainsi largement diminué. En parallèle, la distribution des populations de poissons change radicalement et leur taille diminue, tandis que la biodiversité s’érode », poursuit la même source.
Situation paradoxale
Les auteurs du rapport expliquent ainsi que la pêche, tant au niveau local qu’international, se retrouve dans une situation paradoxale : « Face à la diminution des ressources côtières, elle intensifie ses efforts techniques et étend ses activités vers la haute mer et les grandes profondeurs, cherchant à capturer des stocks qui ne cessent de s’amenuiser ». D’autre part, si l’aquaculture connaît une forte croissance au niveau mondial depuis les années 1990, « elle n’est pas épargnée par les chocs climatiques fréquents ». En définitive, ce sont également les sociétés humaines, leurs économies et leurs modes de vie qui sont bouleversés par cette double menace. « La pêche et l’aquaculture ont déjà connu d’importants chocs économiques liés à des événements climatiques extrêmes. D’après le GIEC, les pertes de revenus de la pêche pourraient atteindre 15 milliards de dollars d’ici 2050 par rapport à 2000, si les émissions de gaz à effet de serre continuent de croître », souligne la publication.
Le Maroc en première ligne
Dans une étude comparative globale (Allison et al., 2009) le Maroc est classé au 11ème rang des pays (133 concernés par l’étude) les plus vulnérables aux changements climatiques dans le secteur de la pêche. Cette vulnérabilité au changement climatique du secteur de la pêche marocain « dépend à la fois de l’exposition au risque, de la sensibilité et de la capacité d’adaptation ». Au-delà de tout alarmisme et au vu de l’importance du secteur halieutique national, le Royaume se retrouve actuellement face à un virage serré à négocier pour garantir la résilience et la productivité de ses écosystèmes marins. Avec l’ambition de développer une économie bleue prometteuse et durable, les efforts à conjuguer et à multiplier durant les prochaines années seront aussi vitaux que déterminants. Si les engagements nationaux et les stratégies sectorielles concernées s’orientent déjà vers l’objectif de valorisation durable des ressources halieutiques, la « vitesse de croisière » n’a toujours pas été atteinte pour arriver, à temps, à bon port.