Canicule marine : la Méditerranée bouillonne à des températures records !
9 août 2024
9 août 2024
Depuis plusieurs jours, les températures de la Méditerranée atteignent des niveaux exceptionnellement élevés, avoisinant les 30°C. Cette situation soulève des questions sur les raisons de cette augmentation et ses impacts sur l’environnement marin et le climat. Explications de Cyril Wuest, météorologue à La Chaîne Météo – METEO CONSULT, sur ce phénomène.
Figaro Nautisme : Depuis plusieurs jours, les températures de la Méditerranée sont anormalement élevées. Comment cela s’explique-t-il ?
Cyril Wuest : Depuis début juin, une chaleur intense a frappé l’ensemble du bassin méditerranéen, avec des vagues de chaleur particulièrement fortes en Grèce et dans le sud de l’Italie. Ces températures élevées et persistantes ont entraîné un réchauffement significatif de la mer, qui a commencé à accumuler de la chaleur. La persistance de la chaleur a causé une anomalie thermique de 3 à 5 degrés au-dessus des normales saisonnières.
F.N. : Est-ce la première fois que l’on observe de telles anomalies de température ?
C.W. : L’année dernière, nous avons enregistré des températures de l’eau avoisinant les 29°C dans le golfe de Gênes. Aujourd’hui, nous atteignons des records de 30°C près de Nice et Monaco, avec une anomalie de 4 à 5°C au-dessus de la normale. Le golfe du Lion est moins affecté en raison du mistral qui rafraîchit la surface de l’eau en repoussant les eaux chaudes vers le large.
F.N. : Toute la Méditerranée est concernée ou y-a-t-il des zones spécifiques ?
C.W. : Oui, il y a des zones spécifiques, mais avec des variations. Par exemple, actuellement la mer Adriatique présente une anomalie de 2 à 3°C. Globalement, l’ensemble du bassin méditerranéen est plus chaud que la normale.
F.N. : Existe-t-il un lien entre fortes chaleurs terrestres et température de l’eau ?
C.W. : Absolument. La chaleur de l’air réchauffe progressivement l’eau. Si les températures de l’air atteignent 35°C ou plus pendant plusieurs jours sans vent, l’eau se réchauffe davantage. En l’absence de mouvement de l’eau, ce réchauffement est encore plus prononcé, menant aux anomalies de température record observées aujourd’hui.
F.N. : Quelles sont les conséquences pour la vie sous-marine et le climat ?
C.W. : Les impacts sont nombreux. Les coraux, bien que peu présents en Méditerranée, souffrent de blanchiment à cause des hausses de température, affectant la biodiversité marine. Les poissons, préférant les eaux froides, se déplacent vers des zones plus profondes, rendant la pêche plus difficile. En ce qui concerne le climat, les océans, qui absorbent 20 à 30% du CO2 produit par l’activité humaine, risquent de ne plus pouvoir capturer ce gaz efficacement, conduisant à une acidification des océans. Cela pourrait entraîner un cercle vicieux de réchauffement climatique et d’événements météorologiques extrêmes, comme des orages plus intenses et des inondations.
F.N. : La Méditerranée est-elle la seule mer concernée par ce phénomène ?
C.W. : Non, la mer Baltique connaît également des anomalies de température, bien que moins marquées que celles de la Méditerranée. En revanche, l’Atlantique et la Manche enregistrent des températures normales.
F.N. : Cela va-t-il encore durer jusqu’à la fin de l’été ? Au-delà ?
C.W. : Même si les températures de l’air commencent à baisser après le 15 août, la mer mettra plus de temps à se refroidir en raison de son inertie. Le phénomène pourrait donc persister plusieurs semaines.
F.N. : Qu’est-ce qui pourrait aider à réduire la température de la mer ?
C.W. : Plus de brassage de l’eau, de vent, et des dépressions pluvieuses pourraient aider à refroidir la mer. Les orages cévenols, par exemple, pourraient déverser des pluies torrentielles et ainsi diminuer la température de l’eau.