Canicule : les conséquences en cascade d’une mer Méditerranée en surchauffe

La Méditerranée est anormalement chaude, au point de subir depuis plusieurs semaines une canicule océanique. Multiplication d’espèces invasives, menace sur la biodiversité ou encore impacts sur la météo : les conséquences d’une mer plus chaude sont nombreuses.

Pour échapper à la chaleur étouffante, rien ne sert de se jeter dans la mer Méditerranée. La grande bleue aussi subit une vague de chaleur exceptionnelle : 30 degrés ont été relevés à la surface de la mer au large de la Corse fin juillet, un évènement extrêmement rare, tandis que les températures étaient 4 à 6 degrés au-dessus de la normale entre l’Italie et les îles Baléares, rapporte Météo-France.

La situation est telle que les scientifiques parlent de « canicule marine », lorsque la température de la mer est anormalement chaude avec un impact sur les écosystèmes marins. Commencée fin mai, cette vague de chaleur a d’abord touché une zone située entre l’Italie et le nord de la Corse, avant de s’étendre à d’autres zones de la mer. Début août, la canicule marine se poursuit autour de la Corse et de la Sardaigne et près des Baléares.

« Tropicalisation » de la Méditerranée

Un ensemble de conditions favorables a conduit à la surchauffe de la grande bleue. L’absence de nuages pendant plusieurs jours d’affilée, les températures élevées mais aussi « l’absence de vent qui permet à la surface de la mer de rester isolée des eaux profondes, plus froides » ont conduit à la surchauffe des eaux, explique Samuel Somot, chercheur au CNRM. Et « dans l’océan, les canicules durent plus longtemps que sur Terre », explique le chercheur. Selon Météo-France, dans le climat actuel, les canicules marines en Méditerranée durent en moyenne 20 jours et couvrent environ 40 % de la surface de la mer à leur pic.

Cette surchauffe menace en premier lieu les écosystèmes marins , également confrontés à d’autres menaces comme la surpêche. Dans un rapport de juin 2021 , l’ONG environnementale WWF évoque une « tropicalisation » des eaux les plus chaudes de la mer Méditerranée, un « désastre » pour la mer. Des espèces invasives tropicales arrivent depuis le canal de Suez et s’installent dans des eaux autrefois trop froides pour eux. Le poisson-lapin, par exemple, dévore la flore sous-marine, et donc l’habitat naturel d’autres espèces. D’autres, comme le poisson-lion, dévorent des larves de poissons méditerranéens, de quoi « créer un gros choc sur les écosystèmes », prévient Samuel Somot.

Impacts sur le tourisme et la pêche

La chaleur de la mer Méditerranée entraîne une « réorganisation de la biodiversité » selon Samuel Somot. Les conséquences portent non seulement sur les écosystèmes, mais aussi sur le tourisme et la pêche, note le WWF dans son rapport. La prolifération de méduses dans une mer plus chaude gêne les pêcheurs, qui « passent des heures à s’en débarrasser au lieu de pêcher du poisson », décrit l’ONG. Leur présence sur les plages méditerranéennes peut aussi repousser les touristes et porter un coup à l’économie locale.

Les précédentes canicules marines, comme celle de 2003, ont par ailleurs entraîné des « événements de mortalité massive » de la flore marine , rappelle le chercheur du CNRM. « Tous les écosystèmes de type coraux ou herbiers de posidonies souffrent énormément de la chaleur quand les vagues de chaleur durent longtemps ». Or, cette flore constitue un habitat vital pour d’autres espèces marines et est essentielle pour le climat, certaines plantes fonctionnant comme des puits de carbone naturels.

Davantage de pluies intenses

Une surchauffe de la Méditerranée peut aussi se répercuter sur la météo. Plus l’eau de la mer est chaude, plus elle s’évapore et plus il y a d’eau disponible dans l’atmosphère. Ce phénomène peut donc favoriser les pluies intenses, comme les épisodes méditerranéens qui se produisent généralement en automne et peuvent provoquer des inondations.

Toutefois, « il pleut très peu en Méditerranée en été. Donc avoir une canicule marine début août ne veut pas dire grand-chose pour les événements de cet automne », tempère Samuel Somot. « La mer peut encore se refroidir cet été avec le mistral. Pour l’instant, il n’y a pas de lien entre les fortes pluies et la canicule marine », poursuit le chercheur, d’autant que d’autres éléments participent au déclenchement de ces épisodes météorologiques.

Mais si la surchauffe de la mer se poursuit à la fin de l’été, elle pourrait influencer les événements météorologiques de l’automne dans la région. Et ce, dans un contexte de réchauffement climatique où les canicules océaniques sont plus longues, plus étendues et plus intenses, selon Météo-France.

Source: Les Echos