Au nord de l’Europe, l’écosystème marin n’aura bientôt plus grand-chose à voir avec celui que nous connaissons
10 juillet 2024
10 juillet 2024
Le changement climatique va bouleverser les communautés de poissons de la mer du Nord et de celle de Barents, d’après une nouvelle étude. Le déplacement de certaines aires de répartition ne compensera pas le déclin parmi les espèces aujourd’hui les plus abondantes.
Les pêcheurs du nord de l’Europe ont du souci à se faire. Si de nouveaux poissons venus d’eaux tempérées atterriront peut-être dans leurs filets, au moins deux espèces commercialement importantes – le capelan (Mallotus villosus) et la morue polaire (Boreogadus saida) – risquent en revanche de disparaître, faute de refuge climatique.
Telle est la conclusion d’une étude publiée dans la revue Nature Communications (5 juillet 2024) par des chercheurs de l’université du Nord à Bodø en Norvège, de l’université de Newcastle en Angleterre et de l’Institut des sciences marines à Barcelone, basée sur l’analyse de quelque 16 345 pêches scientifiques au chalut réalisées entre 2004 et 2022.
Pour plus d’une centaine d’espèces de poissons de l’Atlantique Nord-Est et de l’Arctique (mer du Nord et mer de Barents), ces auteurs ont en effet mis en œuvre des techniques de modélisation avancées afin de prévoir les changements en termes de distribution et de biomasse, selon trois scénarios climatiques à l’horizon 2050 et 2100.
D’après leurs résultats, les espèces des eaux chaudes devraient étendre leur aire de répartition vers le nord, tandis que celles des eaux froides, elles, se rétracteront. Le bilan, toutefois, ne sera pas à l’équilibre. Ainsi, malgré un nombre total d’espèces qui sera probablement plus élevé qu’aujourd’hui, les effectifs des poissons actuellement les plus abondants risquent cependant de diminuer.
Jusqu’à présent, les projections de la répartition future des poissons n’incluaient pas l’abondance relative ou la biomasse, ou alors modélisaient les espèces indépendamment les unes des autres. D’autres études se concentraient uniquement sur quelques espèces communes, souvent celles présentant un intérêt pour la pêche et/ou pour lesquelles davantage de données étaient disponibles.
Or, la redistribution des espèces pourrait non seulement entraîner des conflits transfrontaliers lorsqu’il s’agit de poissons commercialement importants, mais également remettre en cause les efforts de conservation – à la fois en déplaçant les populations des aires marines protégées et en perturbant les interactions (prédateurs-proies, par exemple) au sein des réseaux alimentaires.
« Il est très important que les prochaines stratégies de gestion de la pêche et la planification des aires marines protégées tiennent compte des changements de dynamique et de distribution de la biomasse des espèces », souligne Fabrice Stephenson, de l’université de Newcastle (communiqué). D’autant plus que l’Arctique se réchauffe environ quatre fois plus vite que le reste de la planète…