Aquaculture : Est-ce la panne?

 

L’annonce, il y a quelques semaines, de la diversification des projets d’aquaculture en Tunisie et leur extension à de nouvelles espèces, notamment la crevette royale, a eu un très large écho chez les milieux intéressés à l’intérieur et à l’étranger.

Mais voilà qu’il y a quelques jours,  la directrice de la pêche maritime au gouvernorat de Monastir, plaque tournante de l’aquaculture tunisienne, Aicha Achiba, a annoncé l’arrêt de l’octroi d’autorisations à de nouveaux projets d’aquaculture dans la région en attendant les résultats d’une enquête concernant  l’impact de l’activité aquacole sur l’environnement marin et réciproquement l’impact de l’environnement sur les projets d’aquaculture.

Elle a précisé que trois promoteurs ont présenté des demandes d’autorisation pour la réalisation de projets d’élevage de la dorade et du loup à Monastir tandis que trois autres promoteurs ont présenté des demandes d’autorisation pour le lancement de projets d’élevage de coquillages et de mollusques dit « conchyliculture, également à Monastir. L’élevage des poissons  est appelé « pisciculture », tandis que l’aquaculture englobe l’élevage des différentes espèces marines.

On cultive aussi les algues sous le nom de « algoculture », ainsi que les perles d’ornement.

Les six demandes d’autorisation mentionnées n’ont pas donc reçu de suite, pour des considérations environnementales qui, faut-il l’avouer, sont très plausibles, étant donné l’importance majeure acquise, de nos jours, par la dimension environnementale devenue une barrière commerciale au niveau des échanges mondiaux.

 

Opportunités

 

Dans ce contexte, l’Organisme multilatéral dit Plan Bleu de sauvegarde de la mer méditerranée a été sollicité à faire une étude sur l’aquaculture en Méditerranée et à présenter des recommandations et une feuille de route à ce sujet, ce qu’il a fait. Son site a annoncé qu’après avoir présenté cette feuille de route aux pays du Nord de la méditerranée, il l’a présentée, cette année, au pays du Sud notamment la Tunisie et le Maroc.

Cet organisme admet, toutefois,  « que l’aquaculture joue un rôle majeur dans la région méditerranéenne en matière de croissance économique, de sécurité alimentaire et de réduction de la dépendance à l’égard des stocks sauvages de poissons surexploités ».

Ainsi, près de 40% de la production de l’aquaculture à Monastir sont exportés annuellement, soit 6500 tonnes (six mille 500 tonnes) en 2022, sur une production totale estimée à 17 mille 500 tonnes, représentant 60% de la production nationale d’aquaculture en Tunisie..

La région compte actuellement 14 entreprises d’aquaculture, contre une seule station en 2008. Il est estimé que l’évolution est de nature à appréhender effectivement une surexploitation industrielle du site.

Il s’agit donc d’évaluer la capacité réelle de la région dans ce domaine, car, la surexploitation est présentée depuis longtemps comme un des principaux facteurs du recul de la production nationale de poissons en général, passée actuellement à environ 130 mille tonnes par an dont près du quart a été assuré par la région de Monastir en 2021. La situation a donc décidé les autorités, depuis longtemps, à instituer des pauses annuelles et à renforcer le contrôle des opérations de pêche maritime.

Le golfe de Gabès, au Sud, a été le premier à souffrir de la surexploitation en matière de pêche maritime, au point que des avantages divers ont été lancés en vue d’encourager la pêche dans les zones maritimes du Nord de la Tunisie.

En raison de ses opportunités, l’activité aquacole s’est développée, aussi, dans d’autres régions tunisiennes mais pas autant qu’à Monastir. Un fonds d’investissement de l’aquaculture avec la participation de la Caisse des  dépôts et consignations a été lancé en 2017 pour une durée de 10 ans, tandis que les crédits bancaires pour l’aquaculture ont été encadrés en 2019 par une circulaire de la BCT, où, hélas, ne figuraient que la dorade et le loup.

 

Substitut efficace

 

D’ailleurs, les responsables projetaient une extension vers l’aménagement des écloseries et la production d’alevins et d’intrants.

Outre Monastir, le gouvernorat de Médenine, au Sud de Gabès, dans les eaux de Djerba et Zarsis,  a incité plusieurs promoteurs à y lancer des projets d’aquaculture. On y comptait plus de six entreprises, il y a une année, mais quelques-unes avaient été contraintes de fermer.

Or, selon les analystes, la contribution à la réalisation de la sécurité alimentaire, reconnue par le Plan Bleu de sauvegarde de la méditerranée à l’aquaculture dans le respect des exigences environnementales, doit intéresser au plus haut point la Tunisie où, suite au recul de la production de la pêche maritime traditionnelle, la surexploitation des stocks sauvages et les pauses régulières, les prix des poissons d’eau de mer  ont augmenté de façon vertigineuse, rendant  très difficile l’accès de la grande partie des citoyens à cette espèce de chair.

Certains analystes ont même établi un rapport entre l’augmentation des prix des poissons et la hausse des prix des viandes bovines et ovines dites viandes rouges, proposées actuellement à 35 dinars le kg, et aussi la viande de volailles.

Ce dimanche 8 janvier, le rouget de roche était vendu à 52 dinars dans les marchés de Tunis, tandis que le loup de mer est proposé à plus de 40 dinars le kg. Les crevettes royales atteignent plus de 100 dinars le kg. Même les sardines ont vu leur prix grimper jusqu’à 5 et 6 dinars.

Par contre, les prix de la dorade et du loup élevés en aquaculture se situent autour de 16 dinars le kg.

L’aquaculture en Tunisie comme partout ailleurs dans le monde  a joué, donc, un rôle de substitut efficace à la pêche maritime, à l’instar du rôle joué par l’élevage industriel des volailles ou aviculture envers les viandes rouges.

Les rapports et études signalent que la production de l’aquaculture assure, aujourd’hui, la moitié de la consommation mondiale de poissons. Ce taux est valable également pour le cas particulier de la région méditerranéenne.

La Turquie, la Grèce, l’Italie et l’Espagne restent successivement les grands pourvoyeurs de la région méditerranéenne en poissons élevés.

Les experts ont insisté sur la nécessité d’évaluer comme il se doit Le potentiel tunisien en aquaculture, d’autant que l’aquaculture tunisienne est concentrée sur la production du loup et de la dorade de sorte que son extension à d’autres espèces d’un plus grand intérêt commercial comme les crevettes royales, est propre à accroitre son attractivité et son rôle économique et social.

Source: African Manager