Adaptation au changement climatique : en plus d’être insuffisants, les efforts ralentissent, avertit l’ONU

 
 
Un nouveau rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement, publié ce jeudi 2 novembre, estime qu’il faudrait 10 à 18 fois plus d’investissements pour adapter nos sociétés aux impacts grandissants du changement climatique.

L’illustration d’ouverture donne le ton, plus que jamais pressant : une jeune fille de dos fait face à une maison en feu. Sur fond rouge, des mots qui claquent. Nous sommes «sous-préparés». L’adaptation au changement climatique n’est ni assez planifiée ni assez financée, ce qui laisse le monde «exposé» aux catastrophes à venir. C’est en ces termes que débute le nouveau rapport annuel du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) sur l’adaptation.

Si l’humanité doit accélérer ses efforts pour contenir la hausse du thermomètre mondial (ce qu’on appelle l’atténuation), il est aussi urgent de se prémunir des conséquences inévitables du changement climatique à moyen terme. Car le réchauffement climatique depuis l’ère préindustrielle atteint déjà +1,2°C, devrait franchir la barre des +1,5°C à la fin de la décennie et est en bonne route pour atteindre +2,4°C à +2,8°C à l’horizon 2100. Or chaque dixième de degré supplémentaire fait augmenter la fréquence et l’intensité des événements extrêmes. Les dégâts humains et matériels sont déjà palpables et de plus en plus importants. Le PNUE prend pour exemple la sécheresse sans fin en Afrique de l’Est, les récentes inondations en Chine et en Europe ou encore les mégafeux au Canada.

 

Un déficit qui se creuse

 

«Ces impacts croissants nous disent deux choses : le monde doit de toute urgence réduire les émissions de gaz à effet de serre et accroître les efforts d’adaptation pour protéger les populations vulnérables. Ni l’un ni l’autre ne se produit», regrette Inger Andersen, la directrice exécutive du PNUE.

Le rapport pointe le fait que «malgré les signes clairs d’une accélération des risques et des impacts climatiques à l’échelle mondiale, le déficit de financement de l’adaptation se creuse». Il avertit que «le progrès global sur l’adaptation est en train de ralentir» alors qu’une «urgente accélération» serait nécessaire. En 2021, seulement 21 milliards de dollars de financements publics internationaux sont allés aux pays en développement. Une chute de 15 % par rapport à 2020, alors que lors de la COP26 à Glasgow, les pays développés s’étaient engagés à doubler les fonds destinés à l’adaptation des pays en développement pour atteindre 40 milliards annuels d’ici 2025. La tendance actuelle n’en prend pas la voie. Une mauvaise nouvelle qui risque encore d’alimenter la défiance lors de la COP28 à venir, pendant laquelle les pays riches sont invités à définir l’enveloppe de leur soutien financier sur le long terme, au-delà de 2025.

Même si cet objectif actuel était atteint, cela resterait largement insuffisant compte tenu des besoins, note le rapport : pour les satisfaire, il faudrait débourser 10 à 18 fois plus qu’aujourd’hui. Selon des estimations revues à la hausse, 215 à 387 milliards de dollars sont nécessaires tous les ans. Le manque se chiffre donc à 194 milliards à 366 milliards de dollars par an jusqu’en 2030. Un écart abyssal.

 

«Répercussions considérables»

 

Pourtant, acteurs publics et privés ont tout intérêt à sortir le chéquier, souligne le rapport. Le document rappelle que chaque milliard investi dans l’adaptation contre les inondations côtières entraîne une réduction des dommages économiques de 14 milliards de dollars et que 16 milliards de dollars investis chaque année dans l’agriculture permettraient d’éviter à environ 78 millions de personnes de mourir de faim ou de souffrir de faim chronique en raison des impacts climatiques.

Las, le PNUE calcule qu’un pays sur six n’est toujours pas doté d’un plan national d’adaptation. Concevoir des infrastructures et bâtiments plus résistants aux fortes chaleurs, déplacer des habitations à risque sur les côtes, mettre en place des cultures plus résistantes, végétaliser pour apporter de la fraîcheur et retenir l’eau, revoir nos systèmes de santé et d’assurance, restaurer les mangroves pour protéger des assauts de l’océan sont autant de mesures à planifier dès maintenant pour construire des sociétés plus résilientes aux bouleversements climatiques qui nous attendent.

«Cette incapacité à s’adapter de manière adéquate aggrave la crise climatique et a des répercussions considérables en termes de pertes et de dommages [c’est-à-dire de dommages irréversibles déjà causés par les impacts ravageurs des tempêtes, sécheresses et canicules, ndlr], en particulier pour les plus vulnérables», gronde l’autorité de l’ONU. Car moins nous mettons en place des mesures de protection, plus la facture des «pertes et dommages», grossira pour les populations en première ligne.

Ce rapport appuie ainsi sur un autre des points sensibles à l’ordre du jour de la prochaine COP28, qui se tiendra à Dubaï (Emirats arabes unis) à partir de fin novembre. Lors de la COP27, après d’âpres négociations, la communauté internationale a ouvert la voie à la création d’un fonds spécial «pertes et dommages» pour aider les pays vulnérables à réparer les dégâts subis lors de catastrophes climatiques. Les pays les plus riches, voire certains en développement comme la Chine, devront mettre au pot. Mais les modalités de fonctionnement et le montant à provisionner restent à préciser. Le PNUE invite à trouver des mécanismes «innovants» pour «atteindre l’ampleur nécessaire des investissements». Pour l’heure, deux tiers des coûts sont dus aux pertes en vies humaines, le reste en pertes de biens matériels, selon une étude publiée en octobre.

Inger Andersen insiste : «J’exhorte les décideurs politiques à tenir compte de ce rapport et à faire de la COP28 le moment où le monde s’engage pleinement à protéger les pays à faible revenu et les groupes défavorisés des impacts climatiques néfastes.»

Source: Libération