À toute vapeur, les navires cuirassés à l’assaut des mers
24 novembre 2023
24 novembre 2023
Des réformes napoléoniennes à la Jeune École de la Troisième République, la Marine connaît une véritable révolution au 19e siècle. Les voiliers de l’Ancien Régime cèdent leur place aux navires cuirassés et l’histoire navale rejoint celle de la révolution industrielle…
Un cuirassé est, comme une évidence, un navire revêtu d’une cuirasse, c’est-à-dire protégé par un blindage. Pour la Marine française, leurs noms font rêver : Gloire, Normandie, Invincible, Magenta, Solférino, Océan, Marengo, ou encore Suffren, des noms qui résument notre histoire et qui donnent envie de prendre la mer.
Lorsqu’il accède au pouvoir, Napoléon hérite d’une marine affaiblie par les combats de Prairial en juin 1794 et la tentative ratée de débarquement en Irlande et à Aboukir en 1798. L’Empereur et ses ministres engagent rapidement une série de réformes qui, si elles s’appuient sur les innovations révolutionnaires en matière navale, proposent aussi une série de nouvelles mesures. « Dès 1799, Bonaparte a un cahier des charges assez précis. Il faut faire le plus vite possible avec le moins d’argent possible. Son ministre de la Marine, Pierre-Alexandre-Laurent Forfait, n’est pas un officier de marine, mais un ingénieur. Il réorganise la marine en l’espace de deux ans et initie un programme de reconstruction navale avec de pauvres moyens », explique Sophie Muffat. En quelques années, l’Empire voit la création des préfectures maritimes, d’un service de santé de la Marine, ainsi que la construction de nouveaux ports. Napoléon souhaite militariser la Marine sur le modèle de l’armée de terre, afin de la rendre immédiatement opérationnelle contre l’ennemi anglais. Cependant, l’incontestable supériorité de la Royal Navy est cruellement rappelée aux armées françaises le 21 octobre 1805, lors de la cuisante défaite de Trafalgar.
Après ce désastre militaire, l’innovation technique française au plan naval est fortement ralentie et la Marine s’emploie surtout à élargir toujours davantage l’empire colonial français. Les années 1840 sont notamment celles des missions de cartographie dans le Pacifique, de l’expédition en Antarctique de Dumont d’Urville, de celle du Petit-Thouars qui annexe Tahiti et les Îles Marquises, et de Febvrier-Despointes en Nouvelle-Calédonie. Durant cette période, quelques innovations techniques améliorent pourtant les conditions de navigation. « Les vaisseaux qui apparaissent dans les années 1840 ont déjà beaucoup de fer à bord. On a remplacé notamment les cordages par des chaînes. On a aussi amélioré l’eau. Tout un système améliore la vie et l’hygiène à bord”, raconte Michèle Battesti. “On pense davantage à la nostalgie des marins, à leurs maladies mentales et on essaye de les rendre heureux à bord. »
Il faut attendre le Second Empire pour que la Marine française connaisse de grands bouleversements techniques et entre de plain-pied dans la révolution industrielle. La France est pionnière dans le développement de la propulsion à vapeur, qui s’apprête à révolutionner le monde naval. Les premières hélices font leur apparition, tandis que le métal se substitue bientôt au bois : c’est le début de l’ère des cuirassés. En 1859, le lancement de la Gloire fait l’effet d’une véritable révolution. Imaginé par l’ingénieur naval Henri Dupuy de Lôme, il s’agit en effet du premier navire blindé à vapeur capable de croiser et de combattre en haute mer. Son lancement engendre une folle course à l’innovation en Europe, mais aussi aux États-Unis et en Russie. Les navires cuirassés ne tardent pas à se standardiser. S’ils sont parfois remis en cause durant la Troisième République, notamment par les théoriciens de la Jeune École qui préconisent le recours à une multitude de petites unités plutôt qu’à des cuirassés jugés trop coûteux, ils s’imposent pourtant comme les navires militaires de cette fin de siècle.