À cause des canicules, la température de la mer augmente : « la Méditerranée est 3 à 4°C plus chaude »
15 juillet 2022
15 juillet 2022
Le réchauffement climatique concerne l’atmosphère… Mais également la température des mers et des océans : leur température augmente au même titre que la température atmosphérique, et les conséquences de ce réchauffement sont considérables.
Yann Amice, météorologiste, fait le point sur cette tendance et s’inquiète de ce qui pourrait se passer à la fin de l’été dans le sud de la France.
Actu : Actuellement, les températures dans la mer Méditerranée seraient de « 3 à 4 °C » plus chaudes que « la normale » ?
Yann Amice : En ce début d’été, nous ne pouvons que le constater, oui. La mer Méditerranée début juillet était déjà à 26 °C par endroits.
L’influence du mois de juin, et une première canicule, avant une seconde ces jours-ci, va confirmer ce réchauffement de la température de la mer, comme lors de la canicule de 2003. Le constat sera un peu moins flagrant en Manche qu’en Atlantique ou en Méditerranée.
Il n’y a finalement que des zones très locales comme en Gironde, où des vents de terre font remonter de l’eau froide à la côte (ce que l’on appelle un « upwelling »), qui sont épargnées.
En août, c’est possible d’atteindre 30 °C.
Quelles sont les conséquences de ces températures particulièrement élevées de la mer, notamment au niveau des animaux qui la peuplent. Avons-nous des éléments concrets sur les effets de ce réchauffement ?
Y. A. : Nous manquons encore de travaux, mais en échangeant localement en Bretagne, il semblerait que les poissons d’eau froide gagnent sur des latitudes plus au Nord que d’habitude en Atlantique.
Par exemple, au Guilvinec (Finistère), les pêcheurs glissent un peu plus au Nord pour certaines espèces. Ces professionnels de la mer vivent ce changement de contexte au quotidien et ils perçoivent rapidement ce que nous pouvons le plus souvent mesurer bien après avec des campagnes scientifiques.
En Méditerranée, des scientifiques ont évalué à plusieurs centaines les espèces étrangères de poissons qui y ont élu domicile ces dernières années, ce qui peut avoir des conséquences sur l’équilibre des fonds marins, car certains poissons ont des habitudes alimentaires différentes qui peuvent bouleverser la chaîne alimentaire locale. Des inquiétudes concernant la survie des récifs coralliens sont aussi largement partagées par les scientifiques…
Faut-il craindre que cette situation provoque des phénomènes météorologiques extrêmes, comme des épisodes cévenols (des épisodes de précipitations violents qui conduisent souvent de graves inondations, NDLR) ?
Y. A. : Plus l’eau est chaude, plus l’air au-dessus peut contenir de la vapeur, donc de la matière « précipitable ». Il est clair que cette hausse de température constitue un combustible supplémentaire pour ces pluies cévenoles à la fin de l’été… Le GIEC, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, a bien souligné que les océans jouaient un rôle considérable dans l’atténuation du changement climatique en absorbant 90 % de l’augmentation de la quantité d’énergie reçue dans le système climatique.
Or, les couches océaniques superficielles (moins de 700 mètres de profondeur) se sont réchauffées, donc des cumuls de pluie plus importants dans le futur sont à craindre. Même si une seule année ne constitue pas le futur référentiel, mais cela donne une idée sans doute…
Il en est de même pour les risques de « medicane », contraction de mediterranean hurricane (« ouragan méditerranéen »), un système dépressionnaire qui emprunte des caractéristiques aux tempêtes classiques des moyennes latitudes et revêt une apparence assez similaire aux cyclones tropicaux, mais en Méditerranée cette fois…
Les crues torrentielles se concentrent majoritairement sur le pourtour méditerranéen. Elles sont la conséquence d’épisodes pluvieux très intenses et de courte durée dépassant généralement 100 mm à 200 mm en 24 heures.
Ces épisodes « méditerranéens » ou « cévenols » sont générés par des dépressions venues de Méditerranée qui se heurtent aux reliefs des Cévennes ou des Alpes du Sud déclenchant de violents orages accompagnés la plupart du temps de précipitations diluviennes (ex : Draguignan 2010, Cannes 2015, Vallée de la Vésubie 2020…).
À ces épisodes, caractéristiques du domaine méditerranéen, s’ajoute l’ensemble des épisodes liés à des orages intenses « ou encore au passage rapide de dépressions atmosphériques qui localement peuvent générer de forts cumuls de précipitations sur des secteurs à faibles reliefs et entraîner des phénomènes d’inondation par ruissellement », explique Yann Amice qui a travaillé sur ce sujet pour RiskWeatherTech spécialiste en modélisation climatique.
Pour caractériser l’évolution future des épisodes de précipitations intenses, les données de cumul journalier de précipitations issues de neuf simulations climatiques régionales Euro-Cordex ont été analysées. L’évolution en fréquence des évènements de précipitations intenses, les probabilités annuelles de dépassement de différents seuils de cumuls de précipitations journalières correspondant à différentes périodes de retour pour la période de référence ont été calculées pour les deux périodes (la période de référence 1970-2005 et l’horizon 2050 | 2030-2070).
Et cette analyse montre clairement que les événements de précipitations extrêmes vont augmenter.
Vous avez été météorologiste océanographe dans la Marine nationale, formé à l’école de météorologie de Toulouse, vous proposez aujourd’hui vos prévisions météos à des entreprises et aussi à des marins… Depuis quand (et comment ?) mesure-t-on, sur les côtes françaises, les températures de l’eau ?
Y. A. : Aujourd’hui, j’interviens notamment au sein de SportRIZER, une plateforme digitale d’activités sportives. Le sport – que ce soit la voile ou encore le surf, mais aussi le vélo – est un gros consommateur d’informations sur la météo, j’ai notamment accompagné Michel Desjoyaux sur sa première route du Rhum en 2002. Je suis aussi associé à RiskWeatherTech un cabinet spécialisé sur la vulnérabilité au changement climatique.
Les données de températures de surface de la mer sont disponibles depuis la fin des années 60, via les satellites météorologiques. Mais nous disposons aussi de données à des bouées et des relevés des bateaux en navigation.