Cet élément radioactif découvert au fond du Pacifique pourrait améliorer notre connaissance de la chronologie terrestre
13 février 2025
13 février 2025
Des scientifiques ont découvert, par hasard, un nouveau marqueur de temps dans la chronologie terrestre. En voulant dater des sédiments trouvés dans le Pacifique, ils se sont rendu compte qu’un isotope radioactif rare du béryllium était présent en très grande quantité.
Le fond des océans renferme encore bien des mystères. Une équipe de recherche australo-allemande a fait une découverte intrigante en analysant les fonds marins dans le Pacifique. Cela pourrait aller jusqu’à faire évoluer notre manière de dater les sédiments, et donc nous permettre de mieux comprendre l’histoire de notre planète et les événements qu’elle a traversés.
Pour comprendre cette découverte, il faut se pencher sur les techniques de datation des sédiments, des os, du bois ou de toute autre matière qui auraient résisté pendant des milliers d’années, sur ou sous terre. « Pour les échantillons de matière de moins de 50 000 ans, les scientifiques se tournent vers la datation au carbone 14. Cette méthode, qui a largement fait ses preuves depuis les années 1940, a ses limites. Pour analyser des échantillons plus anciens, il faut utiliser d’autres isotopes [nucléides d’un même élément chimique, comme le carbone, qui partagent le même nombre de protons mais un nombre différent de neutrons, ndlr], comme le béryllium 10 », explique Dr. Dominik Koll, l’un des physiciens et auteurs de l’étude à Eurekalert!
Le béryllium 10 (10Be) est un isotope rare, que l’on ne trouve pas partout dans la nature. Cet isotope radioactif est produit lorsque des rayons cosmiques entrent en collision avec de l’oxygène et du nitrogène dans l’atmosphère terrestre. Il redescend ensuite sur Terre avec la pluie et se dépose dans le fond des océans. Grâce à sa longévité, il permet aux scientifiques de dater de la matière de moins de 10 millions d’années.
Dans le cadre de leur étude, publiée dans la revue Nature Communications, les physiciens ont récupéré des sédiments marins à près de 7 kilomètres de profondeur dans le Pacifique En utilisant la méthode très précise de spectrométrie de masse par accélérateur (SMA), ils ont ensuite pu purifier les échantillons et découvrir leur taux de 10Be. Les résultats ont surpris les chercheurs.
« On a trouvé deux fois plus de 10Be que ce à quoi on s’attendait pour la période qui correspond à la Terre il y a 10 millions d’années. Il s’agit d’une anomalie jusqu’alors inédite », révèle Dr. Dominik Koll. Après avoir refait les mesures pour s’assurer que l’anomalie n’était pas due à une erreur humaine, les scientifiques ont dû se rendre à l’évidence : il y a 10 ou 12 millions d’années, un événement majeur a eu lieu sur Terre et cela explique la concentration de 10Be à cet endroit du Pacifique. Deux hypothèses se dessinent.
L’anomalie observée pourrait s’expliquer par des changements majeurs dans les courants marins autour de l’Antarctique à cette époque. « Cela aurait pu entraîner une distribution inégale du 10Be sur Terre à cette période », explique le Dr Dominik Koll. L’autre hypothèse est encore plus fascinante. L’explosion d’une étoile proche de la Terre a pu survenir à ce moment-là et entraîner des rayons cosmiques accrus et donc une production étonnante de béryllium. Pour savoir si cette hypothèse est la bonne, il faudra faire d’autres relevés et mesures à d’autres endroits de la planète. Quoi qu’il en soit, l’anomalie de concentration de 10Be va permettre de trouver des marqueurs de temps communs entre plusieurs sédiments.