Comment les villes littorales font face à la montée du niveau de la mer ?

Le gouvernement a publié début mai les noms des 126 communes françaises considérées comme prioritaires face à l’érosion côtière. Quelles sont les stratégies que ces villes du bord de mer ont adopté pour lutter contre la montée des eaux ?

Début mai, le gouvernement a publié les noms des 126 communes françaises qui devront s’adapter en priorité à l’érosion du littoral aggravée par le réchauffement climatique et la pression humaine. La majorité de ces villes littorales sont situées sur les côtes atlantique et de la Manche (notamment 41 en Bretagne, 16 en Normandie, 31 en Nouvelle-Aquitaine). Elles devront réaliser des cartes du risque de recul du littoral à 30 ans et 100 ans. Ces cartes serviront de base à de nouvelles règles d’aménagement du territoire, allant jusqu’à des interdictions de construire.

Le Giec, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat avait déjà estimé de son côté dans un récent rapport que les eaux pourraient monter de plus de 1 mètre à l’échelle du globe d’ici à 2100. Des villes comme New York, Rio sont menacées. C’est le cas aussi en France, notamment en Bretagne, Normandie et Nouvelle-Aquitaine. Près de 280 millions de personnes dans le monde pourraient être obligées de se déplacer à cause de la montée des mers et océans. Quel que soit le rythme des émissions de gaz à effet de serre, un milliard de personnes pourraient vivre d’ici à 2050 dans des zones côtières à risque, alors que la hausse du niveau de la mer renforce l’impact des tempêtes et des submersions marines. 

Aujourd’hui, environ 900 millions de personnes vivent à moins de 10 m au-dessus du niveau la mer.  

Des drains sous la plage pour limiter l’érosion 

Pour protéger les habitants, plusieurs communes littorales françaises ont installé un système de drainage qui consiste à poser des drains sous la plage, parallèles au trait de côte et reliés à une station de pompage. “Le drainage assèche l’estran et freine l’érosion de la plage” détaille Christelle Breton d’Ecoplage, une société basée à Ste Luce sur Loire près de Nantes, spécialisée dans la gestion des plages, la lutte contre l’érosion du littoral et la valorisation de l’eau de mer.  On peut aussi “récupérer l’eau de mer parfaitement filtrée issue du drainage pour produire de l’énergie. C’est le principe de la thalassothermie” (utilisation de la puissance calorifique de la mer) “pour produire de la chaleur et/ou du froid et alimenter ainsi les infrastructures situées sur le littoral” explique Christelle Breton chargée d’études chez Ecoplage. 

Le système a par exemple été enfoui sur 1 km sous la plage de La Baule. En plus de lutter contre l’érosion, l’eau récupérée permet d’alimenter les bassins du centre aquatique « Aquabaule » en eau de mer hautement filtrée, et alimente aussi la pompe à chaleur de ce même centre pour climatiser les bassins et les bâtiments.  “La France est devenue un laboratoire pour mettre en place ces systèmes de drainage sur les trois façades maritimes” poursuit Christelle Breton. 

À l’origine, ce système innovant de drainage de l’eau de mer a été inventé en 1982 par les Danois qui voulaient alimenter un aquarium scientifique en eau de mer sans perturber la faune marine.  

Les Sables d’Olonne (Vendée) est la première commune littorale française à avoir installé ces drains en 1999. La Baule (Loire-Atlantique), Sète (L’Hérault), Quend (Somme), Merlimont (Pas-de-Calais), Saint-Raphaël et  Sainte-Maxime (Var) en sont également équipées.   

Des caméras pour lutter contre les risques de submersion  

Autre outil à la disposition des communes, la surveillance vidéo. La ville d’Etretat en Seine-Maritime a fait appel à la start-up Waves’n See basée à Toulouse. Avec ses caméras fixes installées en hauteur le plus proche possible de la plage, la société est capable sur une année, “de mesurer le recul, l’avancée du trait de côte, le transport de sédiments. On peut ainsi communiquer aux collectivités locales des données sur l’état d’une plage et les risques associés aux submersions marines et à l’érosion” explique Yves Soufflet de Waves’n See.  

La surveillance continue d’une plage permet d’anticiper les phénomènes dangereux, les courants. Elle indique aussi quand faire un rechargement de sable efficace.  “À Port-la-Nouvelle en Occitanie, on a deux systèmes installés de chaque côté du port. On arrive vraiment à voir tout ce qui se passe, y compris durant les événements extrêmes. Ce type de technologie apporte énormément de connaissances. Ca permet de voir les endroits de la plage qui sont les plus touchés” explique Yves Soufflet.  

D’autres villes du sud de la France comme Cannes (Alpes-Maritimes), Palavas-les-flots (Hérault) sont aussi équipées de ces caméras.  

Partenariat avec Météo France en Bretagne

Le patron de Waves’n See travaille aussi avec Météo France. Les prévisionnistes “veulent avoir des connaissances plus précises sur le risque de submersion marine. Ils savent qu’au niveau local, pour l’instant, il y a très peu de données” détaille Yves Soufflet. “On travaille notamment avec eux en Bretagne pour les aider à affiner leurs prévisions en local. Deux plages proches l’une de l’autre peuvent ne pas avoir tout à fait les mêmes comportements. On va installer deux systèmes sur le littoral nord et sur le littoral sud de la Bretagne”.  

Des digues pour limiter les assauts répétés des vagues

Les territoires insulaires sont très exposés aux risques de submersion. C’est le cas de l’île de Sein. Ce rocher qui sort de l’eau est l’un des nombreux territoires menacés par la montée des eaux. Ça n’est pas pour rien si ici, le réseau électrique est enterré et qu’il n’y a pas de géraniums aux fenêtres. L’île est très basse. Ici l’altitude moyenne est de 1,5 m avec un point culminant à neuf mètres. Plusieurs endroits de l’île de moins de trois kilomètres de long sur 25 à 800 mètres de large sont situés sous le niveau de la mer. C’est dire si les Sénans sont directement confrontés aux assauts des vagues. 

Les habitants de l’île se souviennent notamment de la tempête de mars 2008. Un souvenir bien ancré dans les mémoires. L’eau était montée jusqu’à l’église (située au point le plus haut de l’île, environ 9 mètres d’altitude). En février 2014, l’eau s’est engouffrée dans la gare maritime de l’île.  

Des vagues dans la gare maritime de l'ïle de Sein lors de la tempête le 3 février 2014
Des vagues dans la gare maritime de l’ïle de Sein lors de la tempête le 3 février 2014 – Maxppp

Pour faire face aux assauts répétés des vagues, l’île est entourée de digues. Mais ça ne suffit pas à empêcher l’eau d’envahir le “caillou” comme disent les Sénants.  
En France, on compte 8 000 km de digues.

Une simple photo pour surveiller l’érosion marine 

Les promeneurs qui se rendent sur le littoral ou sur les îles peuvent aussi contribuer à surveiller l’érosion côtière grâce au dispositif CoastSnap.  C’est ce qui se passe dans le Morbihan et dans le Pays Basque notamment.  Le principe est simple : il suffit de placer son smartphone sur un support fixe placé sur le littoral, de prendre une photo de la plage en suivant les indications et de la transmettre, en précisant la date et l’heure de la photo. Le cliché est ensuite analysé puis comparé aux autres photos grâce à différents algorithmes de calcul développés par le Laboratoire Géosciences Océan de l’Université Bretagne Sud. Grâce à leurs photos, les promeneurs permettent de mesurer les déplacements quotidiens du sable et de l’eau. 

Le dispositif CoastSnap sur le littoral de Nouvelle Aquitaine
Le dispositif CoastSnap sur le littoral de Nouvelle Aquitaine © AFP – GAIZKA IROZ

Ce système, originaire d’Australie est déjà implanté en Angleterre, Espagne, Portugal, aux Pays-Bas, au Brésil, aux Etats-Unis au Mozambique… La plage des Grands Sables sur l’île de Groix est équipée de ce système depuis février dernier.   

Sur la Presqu’île de Gâvres, à l’entrée de la rade de Lorient, des bénévoles, sentinelles du littoral, se relaient toutes les deux semaines pour réaliser des relevés sur les plages. Toutes les informations collectées sont envoyées aux scientifiques pour être analysées.

Source: France bleu