A la COP26, le monde doit honorer l’accord de Paris
26 mars 2021
26 mars 2021
Constatant que les engagements pris en 2015 lors de la COP21 sont très loin de répondre aux objectifs, Laurent Fabius, Alok Sharma et Laurence Tubiana appellent à poursuivre l’action commune pour orienter le monde vers une reprise verte.
A Glasgow, le monde doit honorer les engagements définis par l’accord de Paris pour l’avenir de notre planète. A son adoption en 2015, l’accord de Paris a fait naître un espoir pour notre planète : il marquait le moment où les dirigeants mondiaux ont véritablement décidé de lutter contre le changement climatique et de contenir ses pires conséquences. Cet accord historique a tracé une voie permettant de limiter le réchauffement du globe à nettement moins de 2 °C de plus que les niveaux pré-industriels, avec l’espoir de ne pas dépasser 1,5 °C d’augmentation.
Cela, bien entendu, n’a pas instantanément résolu le problème, et la crise climatique continue de s’aggraver. Les banquises disparaissent, le courant du Gulf Stream est à son plus bas niveau depuis un millénaire, inondations et sécheresses menacent vies et moyens de subsistance aux quatre coins de la planète.
A la fin février, les Nations unies ont adressé au monde un signal d’alarme. On doit écouter ce signal. Qualifié d’« alerte rouge » pour notre planète, le récent rapport de l’ONU sur l’évaluation des objectifs de réduction des émissions mondiales d’ici à 2030 souligne que les engagements climatiques collectifs, qui ont été pris jusqu’à présent, sont très loin de pouvoir répondre aux objectifs convenus à Paris en 2015.
Cela devra impérativement changer lorsque les pays du monde se retrouveront cet automne à Glasgow. Nous devons, à cette occasion, obtenir des engagements fermes à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cela implique des actes forts – à la fois des décisions cohérentes à court terme, des objectifs renforcés à l’horizon 2030, intégrés à des stratégies à long terme ouvrant des orientations claires pour la neutralité carbone d’ici à 2050.
Mobiliser les esprits
Nous avons besoin d’un nouveau paquet de soutien aux pays en développement, comme le prévoit clairement l’accord de Paris. Le chemin vers cet objectif commence la semaine prochaine avec la Conférence ministérielle sur le climat et le développement, organisée par le Royaume-Uni, et se poursuit avec les réunions du FMI, du G7 et du G20.
Il faut donc se féliciter de la décision prise, la semaine dernière, par les ministres des finances du G7, qui sont convenus de créer des fonds de réserve d’urgence pour les pays en développement confrontés aux conséquences économiques de la pandémie de Covid-19. Mais cela doit être le début d’une action plus large visant à offrir un allégement de la dette et un soutien financier plus importants et de meilleure qualité à ceux qui en ont le plus besoin.
L’engagement de ne laisser personne de côté est au cœur de l’accord de Paris. Six ans plus tard, ce mantra est toujours d’actualité : il incombe à toutes les grandes économies de se mobiliser et d’aider les personnes dans le besoin. Il est impératif que les pays contributeurs honorent leur engagement collectif à consacrer au moins 100 milliards de dollars par an à aider les pays les plus menacés par les conséquences du réchauffement climatique. Le sommet ministériel international Climat et Développement, prévu fin mars, s’attachera à mobiliser les esprits autour de cet objectif.
Cela signifie également envoyer un signal fort que l’ère des combustibles fossiles arrive à son terme. Dans cet esprit, le Royaume-Uni et la Banque européenne d’investissement se sont engagés à refuser leur soutien financier à tout projet impliquant des combustibles fossiles.
Début mars, la Powering Past Coal Alliance (PPCA), qui entend accélérer la fermeture des centrales au charbon, a accueilli l’adhésion de la Hongrie, de l’Uruguay et de la ville de Tokyo, portant à 123 le nombre
de ses membres. De telles alliances sont essentielles : ce n’est qu’en œuvrant ensemble que nous pourrons maintenir à notre portée l’objectif de 1,5 °C maximum d’augmentation des températures. Cette collaboration doit envoyer un signal à d’autres pays, car il faut que tous les pays du G20 intensifient leurs efforts.
Ne laisser personne de côté
Le secteur privé et le secteur financier ont également un rôle majeur à jouer. La façon dont nous reconstruirons nos économies après la pandémie aura un profond impact sur notre planète. Des initiatives comme la campagne des Nations unies « Objectif zéro (Race to Zero) », qui incite les entreprises à s’engager à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 et à présenter des mesures crédibles répondant aux objectifs de l’accord de Paris, remplissent un rôle essentiel en mobilisant les entreprises autour d’une reprise bas carbone et résiliente.
En transmettant le relais de la COP21 à la COP26, nous avons travaillé dur, avec beaucoup d’autres, pour préserver un esprit de collaboration et d’inclusion. Le secret qui a rendu possible l’accord de Paris était la confiance que nous sommes parvenus alors à construire. Les pays – riches comme pauvres – savaient que l’accord de Paris les protégerait et leur fournirait un soutien financier.
Le sommet de Glasgow aura le même objectif, en veillant à ne laisser personne de côté et en mettant en œuvre l’esprit et les engagements de Paris 2015. C’est dans cette perspective que la présidence de la COP26 s’est inscrite en engageant des discussions avec des pays qui subissent déjà de plein fouet les effets du changement climatique, et au travers de projets comme l’« Adaptation Action Coalition », qui apporte un soutien concret aux communautés les plus durement touchées.
Cette action commune doit se poursuivre et s’élargir. La pandémie de Covid-19 nous montre plus que jamais qu’agir seul ne mène nulle part. Elle nous démontre également que l’humanité est capable de réagir rapidement en cas de danger pressant. En tant qu’ancien président et président désigné, et principale négociatrice, de conférences cruciales de l’ONU sur le climat, nous avons pu constater de près à quel point la crise climatique est pressante et essentielle.
La lutte contre le réchauffement climatique n’est pas une question secondaire, elle doit être au cœur de nos politiques. Ensemble, il faut continuer à utiliser tout le poids de nos réseaux diplomatiques, ainsi que les prochains sommets du G7 et du G20, pour faire en sorte que le monde s’oriente vers une reprise verte.
Si nous voulons véritablement donner un coup d’accélérateur à notre action et contenir le réchauffement climatique, il faut que chacun prenne part à la lutte. Gouvernements, territoires, décideurs, entreprises et société civile travaillant de concert avec les citoyens. Ne perdons pas une minute de plus. Faisons de 2021 l’année où nous aurons franchi un cap décisif dans la lutte contre la pandémie de Covid-19, le changement climatique et la crise écologique.
Source : Le Monde