L’Océan : un thermostat qui s’emballe

 
Ça chauffe pour l’océan ! Chaque année on assiste à une envolée des records de chaleur, constatée une fois de plus dans le dernier rapport de l’observatoire européen de la Terre Copernicus1, publié en septembre2025.

Il révèle une accélération du réchauffement de l’océan avec des températures moyenne de surface qui ont culminé à 21°C au printemps 2024, un seuil jamais atteint jusqu’alors. Les années 2023 et 2024 ont été marquées par des vagues de canicules marines d’une intensité et d’une persistance inédite, dépassant de 0,25°C les précédents records de température de surface recensés en 2015 et 2016. Certaines zones de l’Atlantique ont connu plus de 300 jours de canicule marine en 2023. Point chaud en Méditerranée également où les températures relevées au mois de juin 2025 s’avèrent les plus chaudes jamais enregistrées (23,86°C). Une nouvelle étude dévoile également qu’en 2024, le réchauffement a gagné les eaux plus profondes jusqu’à 2000 mètres. Grâce à son implication dans Mercator International, l’Ifremer contribue activement à enrichir les données de l’observatoire Copernicus (Copernicus Marine Services) pour mieux comprendre l’ampleur du phénomène.

Ce réchauffement a des répercussions en chaîne sur l’ensemble de l’écosystème et sur la capacité de l’océan à réguler le climat. L’océan pourrait en effet être défini comme le « thermostat » de la Terre. Il capte la chaleur du soleil, la stocke et la redistribue grâce à la circulation océanique, de l’équateur vers les pôles, ce faisant, il contribue à tempérer les climats extrêmes. Outre ce rôle de thermostat, l’océan constitue aussi un puits de carbone particulièrement performant, plus efficace même qu’une forêt. Il a la propriété de diluer le CO2 rejeté dans l’atmosphère pour le piéger en profondeur et ainsi limiter l’effet de serre. Ce carbone est aussi nécessaire au phytoplancton, premier maillon de la chaîne alimentaire océanique, pour produire du dioxygène grâce à la lumière du soleil.

Malheureusement cette machinerie climatique complexe s’emballe aujourd’hui, car l’océan perd peu à peu sa capacité à absorber le CO2 et à jouer son rôle de modérateur climatique. Le GIEC indique que le niveau de CO2 dans l’atmosphère est le plus haut depuis deux millions d’années avec 419 ppm (partie par million) en 2024 (source NOAA). Résultat : l’océan s’acidifie, son pH baisse, et son pouvoir d’absorption du carbone s’affaiblit, surtout dans les eaux chaudes. En 2100, les prévisions annoncent un océan 4 fois plus acide qu’à l’époque pré-industrielle. Certains éléments comme le carbonate indispensable à la fabrication des coquilles et squelettes calcaires de nombreux organismes marins se font plus rares et pourraient devenir à l’avenir insuffisants. Un océan plus chaud, c’est aussi un océan qui se dilate et occupe un plus grand volume d’eau, un phénomène encore majoré par la fonte des glaces. Une concomitance de causes qui se traduit par une élévation générale du niveau de la mer avec une augmentation de 22,8 cm entre 1901 et 2024 et une tendance qui se poursuit au rythme de 3,7 mm par an. Toutes ces modifications à l’œuvre dans l’océan généreront aussi leur cortège de turbulences sous forme d’événements climatiques extrêmes de plus en plus intenses et fréquents : tempêtes, cyclones, crues et inondations, canicules marines figureront en bonne place sur la liste.

L’impact du réchauffement climatique s’invite nécessairement dans le quotidien des chercheurs en sciences océaniques de l’Ifremer comme un sujet transversal à toutes les disciplines.

Source : Ifremer