Biodiversité : comment l’île de Zakynthos tente de concilier préservation des tortues et tourisme

 

Faire coexister tourisme et vie sauvage ne tourne pas souvent à l’avantage des animaux. L’île de Zakynthos, en Grèce, abrite l’un des principaux lieux de ponte des tortues marines en Méditerranée. Problème : la période d’éclosion des œufs coïncide avec le pic de fréquentation de l’été.

Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.


Dans les eaux claires de Zakynthos (Grèce), c’est un ballet aquatique hypnotisant qui se joue chaque été. Les tortues Caouanne(Nouvelle fenêtre) affluent ici par milliers pour se reproduire. Un spectacle qui fait aujourd’hui la renommée de la petite île grecque. À bord de son bateau pour touristes, le capitaine Thanos le sait mieux que personne :« Tout le monde ici veut voir des tortues de mer », confirme-t-il.

Ce guide pratique le spotting, comprenez le repérage et l’observation de tortues marines. Une rencontre furtive, mais très appréciée par un petit groupe de Britanniques qui a déboursé 35 euros par personne pour profiter de l’expérience. « C’est incroyable. En plus, c’est mon animal préféré », se réjouit une touriste.

Mais la chasse à la photo souvenir tourne rapidement à la course-poursuite. Jusqu’à cinq bateaux tentent de s’approcher au plus près d’une seule tortue. La pratique est pourtant très encadrée, car l’espèce est protégée. En théorie, chaque navire ne peut approcher les animaux que pendant dix minutes et la baignade est interdite. Le capitaine comprend et accepte ces règles, mais ce ne serait pas le cas de tout le monde selon lui. « Ici, il y a beaucoup, beaucoup de bateaux. Certains agissent selon leurs règles, pas des professionnels comme nous, mais plutôt des touristes sans capitaine à bord », confie Thanos Vitoulkas.

 

Plus d’un million de touristes par an

 

Des bateaux trop nombreux, qui menacent les tortues avec leurs hélices et dérangent ces animaux à une période cruciale. Car l’été, les tortues Caouanne arrivent de toute la Méditerranée pour pondre sur les plages de Zakynthos. Un phénomène unique qui attire toujours plus de touristes : plus d’un million par an pour 40 000 habitants seulement. Alors, dans les rues, impossible d’y échapper. La tortue s’affiche partout, et surtout, se vend sous toutes les formes.

Pour préserver son précieux emblème, depuis plusieurs années, Zakynthos multiplie les mesures de protection. Sur six de ses plages, touristes et animaux doivent désormais cohabiter avec chacun leur espace réservé. « Là, vous avez une ligne qui permet de marquer justement la partie de nidification et la partie, disons, de loisir avec les gens qui se baignent en même temps. On doit arriver à faire en sorte que l’un n’ait pas d’impact sur l’autre », explique Laurent Sourbes, directeur du Parc national marin de Zakynthos.

 

Une association veille sur les tortues depuis 40 ans

 

De l’autre côté du fil, des dizaines de nids de tortues sont protégés par des cages en bois. Les femelles viennent ici chaque nuit pour pondre. Alors, le parc maritime ne s’arrête pas là. Dès que le soleil se couche, les touristes sont priés de quitter les lieux. Les plages, désertes jusqu’au petit matin, laissent le champ libre aux pontes et aux éclosions. Mais à l’aube, le travail de protection reprend déjà. Les équipes de l’association Archelon sont sur la plage. En suivant les traces sur le sable, elles repèrent, balisent et comptent les nouveaux nids. Une action menée depuis 40 ans qui a permis de sauver la tortue Caouanne, pour l’instant.

« Si l’on arrête notre travail de protection, les nids pourraient être piétinés ou inondés. On déplace ceux trop près de la mer pour qu’ils ne soient pas détruits par les vagues. Sans tout ça, la population de tortues pourrait facilement s’effondrer à nouveau », souligne Thanos Michailidis, responsable de projet Association Archelon.

Si l’espèce n’est plus menacée, elle est toujours considérée comme vulnérable. Pour maintenir ce fragile équilibre, Zakynthos, l’île aux tortues, devra donc continuer de veiller encore de nombreux étés.

Source : franceinfo