Mille ans sous la mer : une amphore intacte raconte l’économie oubliée de la Méditerranée
18 juillet 2025
18 juillet 2025
Sous les eaux tranquilles de la Méditerranée, une amphore fermée depuis le IXᵉ siècle refait surface. Entre olives, vin et routes maritimes oubliées, elle réveille un pan méconnu du commerce antique.
L’histoire commence en 2024, au large de Kaş, dans le sud de la Turquie. L’équipe du Dr Hakan Öniz, archéologue à l’université Akdeniz, explore les fonds marins grâce à des robots télécommandés. À 45 mètres de profondeur, elle identifie une épave déjà connue des plongeurs mais encore jamais fouillée.
Parmi les objets remontés, une amphore se distingue immédiatement. Elle reste parfaitement scellée, comme si personne ne l’avait touchée depuis plus de mille ans. Les chercheurs la placent dans un conteneur humide, la transportent avec soin jusqu’au laboratoire et entament une procédure d’ouverture aussi délicate que minutieuse. À l’intérieur, une matière épaisse intrigue : peut-être de l’huile figée, des noyaux d’olives, du vin séché… ou même du garum.
Les premières analyses confirment la présence de matière organique conservée par les conditions sous-marines exceptionnelles. Et chaque échantillon prélevé alimente les hypothèses, relançant les débats sur ce que les marins transportaient vraiment à cette époque.
Les chercheurs identifient rapidement l’origine du navire grâce à la forme des amphores. Tout pointe vers Gaza, une région alors réputée pour sa production d’olives et d’huile. Le bateau aurait pris la mer chargé de jarres alimentaires, probablement en direction de Byzance ou de l’Italie. Mais une tempête l’aurait stoppé net, l’envoyant par le fond avec toute sa cargaison.
À l’époque, l’olive ne servait pas seulement à nourrir : elle illuminait les lampes, parfumait les corps, guérissait certaines plaies et accompagnait les rites religieux. Mieux encore, immergée en eau de mer, elle se conservait sans altération pendant des mois. La mer agissait donc comme un moyen de transport, mais aussi comme une méthode de conservation naturelle.
Et le vin ? Bien que peu consommé à Gaza, il faisait partie des marchandises exportées, peut-être pour les pèlerins ou les marchés byzantins. Cette diversité commerciale montre à quel point le bassin méditerranéen formait déjà un réseau économique sophistiqué, basé sur des denrées simples mais vitales.
L’amphore scellée, aujourd’hui ouverte, ne livre pas encore tous ses secrets. Les scientifiques multiplient les analyses, croisent les données, comparent les échantillons. Pour eux, chaque indice compte. Et pour nous, cette attente renforce le mystère.
Ce qui m’émerveille, c’est cette idée qu’un objet, silencieux depuis plus de mille ans, puisse encore transformer notre compréhension du monde antique. Une amphore n’est pas juste un récipient : c’est une mémoire. Une trace d’un monde qui commerçait, négociait, se nourrissait… et parfois, sombrait.