Le dock flottant Titan entièrement retapé en Afrique du Sud
11 juillet 2025
11 juillet 2025
Toujours en phase de travaux de réfection à Cape Town, le futur dock flottant du Grand Port Maritime est désormais attendu à La Réunion à la fin de l’année. Cet outil de réparation pour gros bateaux, dimensionné pour accueillir l’Astrolabe, a été acheté d’occasion en piteux état et pourrait coûter au total 24,8 millions d’euros.
Il arbore fièrement le drapeau de l’Union européenne, financement Feder oblige, et le logo de Port Réunion, son futur port d’attache. Ces prochaines semaines, deux techniciens du Grand Port Maritime doivent tester ballasts, pompes et autres vannes avant de prendre livraison de ce gros bébé de 120 mètres de long, actuellement en réparation dans un chantier naval du Cap en Afrique du Sud.
Le dock flottant Titan, c’est de lui dont il s’agit, s’apparente à une sorte de barge submersible permettant d’accueillir à son bord des navires à réparer. Le Titan fait parler de lui depuis plusieurs années : l’outil est censé offrir des services encore indisponibles dans l’île, favoriser le développement d’une filière et lutter contre la dispersion des navires locaux vers d’autres chantiers de la zone.
L’embarcation n’étant dotée d’aucun moteur, le dock flottant devra être remorqué de Cape Town jusqu’à La Réunion, une fois subie son inspection d’après travaux. Le Grand Port Maritime indique avoir déjà sélectionné plusieurs transporteurs via un appel d’offres, chacun d’entre eux ayant désormais pour mission de dénicher la meilleure solution pour acheminer le Titan.
« On devrait notifier le marché de transport en septembre et le voir arriver en fin d’année, si tout se passe bien. C’est ce qu’on espère, mais cela reste du conditionnel : il n’y aura pas de possibilité de s’arrêter en route, il faudra donc avoir de bonnes prévisions météorologiques. Avec la solution classique de remorquage, le transport reste très soumis aux aléas climatiques, et même le port de Fort-Dauphin ne permettrait pas de se mettre à l’abri de fortes houles », expose Gilles Ham-Chou-Chong, directeur général adjoint du Grand Port.
Une autre solution, celle privilégiée, consisterait à faire appel à un semi-submersible, similaire à celui ayant servi à transporter la célèbre barge Zourit dans le cadre du chantier du viaduc en mer de la NRL. Mais la flotte actuelle de ces semi-submersibles serait actuellement occupée en Chine. Port Réunion ne peut guère compter que sur une éventuelle livraison effectuée dans la zone par un de ces semi-submersibles qui, plutôt que de repartir à vide, pourrait accepter l’acheminement du Titan à La Réunion.
Si l’arrivée du dock flottant a été annoncée, puis retardée, à plusieurs reprises, notamment parce que sa mise aux normes (l’équipement d’occasion comptait pas moins de 26 non-conformités relevées lors de son achat !) au chantier naval de Cape Town a traîné en longueur, il ne semble plus y avoir de réelle urgence.
En effet, avant d’accueillir le Titan, le Grand Port devra préalablement procéder à l’aménagement du quai 9 de Port Ouest, en face duquel le dock flottant sera positionné. Les travaux sont envisagés à partir du mois de septembre, pour se poursuivre jusqu’en février.
Faute de bassin de radoub, Port Réunion n’est pas en mesure de proposer des réparations en cale sèche pour les gros bateaux. Avec le dock Titan, il sera désormais possible de lever les 4.000 tonnes de l’Astrolabe, le brise-glaces des TAAF, par exemple. C’est la raison pour laquelle l’idée du dock flottant, imaginée en 2017 puis soutenue deux ans plus tard par Emmanuel Macron, s’est imposée : Port Réunion, avec ses 550 navires en escale à l’année (chiffre 2024), ne pouvait demeurer sans chantier naval.
Alors que la concession du dock flottant avait été accordée en 2021 à Dock Réunion, un groupement de 17 entreprises de la place portuaire, le Grand Port Maritime n’a pas prolongé le marché et a repris la main sur l’exploitation de l’outil, en arguant que l’investissement financier consent par l’État était tellement élevé qu’il ne pourait être amorti via un contrat de concession.
Dans un rapport édifiant sur dix années de gestion du Grand Port Maritime de La Réunion, la Chambre régionale des comptes (CRC) relate comment le Grand Port en est arrivé à dépenser 24,8 millions d’euros (en comptant les travaux d’aménagement du Quai 9) pour l’achat d’un piteux dock flottant d’occasion à West Atlantic Shipyard (WAS), une société basée au Nigeria et opérée par le chantier naval français Piriou.
C’est du reste au Chantier Naval de l’océan Indien (CNOI), une autre structure de Piriou implantée à Port-Louis (Maurice), que les frégates de la base navale du Port opèrent leurs arrêts techniques. Récupérer les marchés d’entretien de la flotte hauturière, civile et militaire basée à La Réunion constitue l’un des principaux préalables à la viabilité économique du dock flottant.
« Le schéma, tel qu’il est dessiné, c’est vrai qu’on a plus droit à l’erreur. L’équilibre est très fragile, il faut que tout le monde joue le jeu. Mais on y croit parce que tout le monde, y compris les politiques, est conscient que c’est un enjeu de filière, avec des débouchés pour les jeunes », fait valoir Gilles Ham-Chou-Chong.