D’où vient le poisson consommé en Côte d’Ivoire ?
20 juin 2025
20 juin 2025
Sur les plages de la ville de Grand-Bassam, dans le sud de la Côte d’Ivoire, de nombreuses pirogues sont à l’arrêt et des filets de pêche à l’abandon. Les quelques rares pêcheurs encore en activité sur la lagune, reviennent, plusieurs heures après, sur la rive, avec des filets presque vides.
« Par le passé, on faisait de bonnes pêches mais depuis un moment avec les saletés qui sont dans la lagune et puis les saletés des agriculteurs, des usines et des industries font que la pêche n’est plus bonne », constate Benoit Roméo N’Guessan, un pêcheur.
Un autre pêcheur, Samuel, raconte : « Quand la pêche est bonne on peut avoir entre 25 et 30 kilos de poissons. Mais comme aujourd’hui, la pêche n’a pas été bonne, on a eu environ 5 kilos de poissons. »
La pêche en Côte d’Ivoire est affectée par plusieurs facteurs, notamment la pêche illégale, la surpêche, la pollution et la destruction des habitats, comme les mangroves. Ces problèmes entraînent une diminution des stocks de poisson.
Le manque de poissons dans les cours d’eau ivoiriens contraint les restaurateurs à s’orienter vers le poisson surgelé et importé de Chine, du Sénégal ou du Maroc. Résultat : le poisson revient cher au consommateur final.
Monique, une restauratrice témoigne : « Nous faisons du poisson d’eau douce et nous vendons aussi du poisson importé. Comme le poisson APF (attiéké poisson fumé) qui est là. Mais dans les sauces, généralement c’est le poisson d’eau douce, si on en trouve. Quand on n’en trouve pas, on se contente de ce qu’on trouve. Souvent quand les gens viennent, ils trouvent que nous sommes à Bassam et le poisson est cher. Mais c’est parce qu’on n’en trouve vraiment pas. C’est vraiment difficile. Aujourd’hui même quand tu vas jusqu’à Assinie, les femmes de là-bas sont obligées de braiser du surgelé. »
L’aquaculture devient donc un levier stratégique pour répondre aux besoins croissants de la population.
Une fois par mois, un groupe de jeunes organise une formation à la pisciculture avec en moyenne une vingtaine de participants. Et cette formation se fait en deux temps. La première partie, la phase théorique dans un hôtel à Grand-Bassam.
La seconde partie est une phase pratique. Elle se déroule dans la ferme-école en pisciculture de Nazaire Coulibaly située à une dizaine de kilomètres de Grand-Bassam.
Celui-ci fait remarquer « qu’on a beaucoup d’importation et le poisson n’est pas de très bonne qualité ».
« Je me rappelle que lorsque j’étais tout petit, on avait du poisson si facilement. Mais maintenant on se rend compte qu’on plus des poissons “en carton”. Aujourd’hui, on a la possibilité de produire du poisson frais de meilleure qualité. Et on peut commencer cet élevage là à partir de 350.000 francs CFA. Et on peut le faire partout. Comment ? Il faut juste se faire former. »
Ici dans cette ferme d’une soixantaine d’étangs, chaque bassin contient une variété de poissons. Ce qui émerveille les apprenants du jour et qui les motive à s’investir dans le secteur.
« En tout cas, c’est une très belle formation, j’ai beaucoup appris. L’objectif visé en venant à cette formation, c’est déjà en tant que cheffe d’entreprise et en tant qu’entrepreneure, je voudrais essayer aussi demain d’avoir une très belle ferme comme celle-ci », indique Larissa Meledje, apprenante piscicole.
Les importations massives de poissons coûtent plus de 107 milliards de francs CFA chaque année. Un paradoxe, pour un pays riche en cours d’eau.
Pour inverser la tendance, les initiatives comme celles de Nazaire Coulibaly se multiplient sur l’ensemble du territoire pour un élevage intensif. Il y a cinq ans, Nazaire Coulibaly, informaticien et consultant à la BAD a commencé à se consacrer à la pisciculture. Aujourd’hui il produit 102 tonnes de poisson par an.
« Selon les chiffres fournis par le ministère, le MIRA, le ministère de tutelle, on est autour de 85% d’importation contre 14% pour la pêche locale et seulement 1% pour la pisciculture. Donc, on veut essayer d’inverser la tendance sur les prochaines années pour qu’on puisse augmenter le poisson produit localement. »
Pour combler le déficit, l’Etat ivoirien mise sur l’investissement privé. D’ici à 2030, les autorités espèrent porter la production aquacole à 68 000 tonnes. Une ambition soutenue par une chaîne de valeur estimée à 825 milliards de francs CFA.