L’océan africain : Les corridors d’intégration

Promouvoir l’économie océanique africaine figurait à l’agenda de la Conférence des Nations-Unies sur l’océan, qui s’est tenue en France du 9 au 13 juin. Cet événement a mis l’accent sur les opportunités offertes par les ressources océaniques et le renforcement de la résilience des communautés côtières.

Avec plus de 30 000 kilomètres de littoral et 38 Etats côtiers, l’Afrique se positionne comme une puissance maritime. Son avenir est intrinsèquement lié à ses eaux. Malheureusement, cette richesse bleue est trop souvent sous-évaluée et surexploitée. C’est avec ces mots forts que le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a inauguré le sommet « L’Afrique pour l’océan ». Organisé le 9 juin, en marge de la Conférence des Nations-Unies sur l’océan 2025 (UNOC-3), tenue à Nice, cet événement visait à stimuler les opportunités offertes par les ressources marines, à promouvoir l’économie bleue africaine et à encourager la résilience des communautés côtières.

La nécessité d’exploiter les ressources océaniques de manière durable a été un thème central de cette troisième édition. Cette conférence a offert une occasion unique d’amplifier la visibilité et les efforts collaboratifs en faveur de l’océan, source apparemment inépuisable de subsistance, de potentiel et d’émerveillement. Elle a également marqué un moment d’unité mondiale, célébrant l’océan comme la plus grande merveille de notre planète.

Un acteur-clé

Au cours des discussions, l’Afrique s’est affirmée comme un acteur clé de l’action pour les océans. Le continent est bordé par plusieurs étendues d’eau : la mer Méditerranée au nord, le Canal de Suez et la mer Rouge au nord-est, l’océan Indien à l’est et au sud-est et l’océan Atlantique à l’ouest. Ces eaux abritent une biodiversité spectaculaire, avec une multitude d’espèces prospérant dans les courants chauds et froids qui baignent le continent, faisant de l’Afrique une véritable puissance maritime.

Environ 150 millions de personnes vivent sur les côtes africaines. L’économie océanique permet à ces millions d’individus de tirer parti de cette richesse naturelle. Les principaux secteurs de cette économie sont la pêche maritime, le tourisme côtier et l’exploitation durable des espèces marines. Chaque élément de l’océan, de sa biodiversité à sa composition chimique, soutient l’humanité de multiples façons — de la production d’oxygène et de nourriture aux médicaments, en passant par la séquestration du carbone et la protection des côtes.

L’Union Africaine (UA) prévoit que cette économie représentera au moins 400 milliards de dollars d’ici 2030 et créera plus de 55 millions d’emplois. C’est dans cette perspective que l’UA a mis en place une Division de l’économie bleue, visant à optimiser les secteurs existants et à en développer de nouveaux. La Banque africaine de développement estime que le secteur de la pêche génère 24 milliards de dollars par an et emploie 12 millions de personnes.

La Convention de Nairobi, entrée en vigueur en 1996, fait partie du Programme des mers régionales du Programme des Nations-Unies pour l’Environnement (PNUE). Ce cadre régional de protection des écosystèmes marins implique dix Etats riverains : l’Afrique du Sud, les Comores, la France, le Kenya, Madagascar, Maurice, le Mozambique, les Seychelles, la Somalie et la Tanzanie. Selon ses estimations, le tourisme côtier et marin en Afrique du Sud à lui seul devrait générer 1,4 milliard de dollars et créer 116 000 emplois d’ici 2026.

Refonte du rôle maritime de l’Afrique

« L’économie bleue n’est pas un luxe écologique, mais une nécessité stratégique », a souligné le roi du Maroc, Mohammed VI, lors du sommet. Il a présenté la vision du Maroc, qui appelle à une refonte stratégique du rôle maritime de l’Afrique, articulée autour de trois piliers : la croissance bleue, le renforcement de la coopération Sud-Sud et de l’intégration régionale autour des espaces océaniques, ainsi que l’efficacité maritime à travers les synergies atlantiques.

« Si l’économie océanique africaine continue de croître, elle pourrait contribuer à sortir des millions de personnes de la pauvreté grâce à la production d’une vaste gamme de produits et services marins. Elle ouvre l’océan aux entrepreneurs, aux innovateurs, aux investisseurs, ainsi qu’aux petites et moyennes entreprises en Afrique et au-delà », estime Francis Vorhies, codirecteur de l’African Wildlife Economy Institute. Il ajoute : « Grâce à une bonne gouvernance, un accès inclusif, la responsabilité et la transparence, une économie océanique moderne peut préserver les merveilles de l’océan pour les générations à venir ».

Des défis à relever

Les défis auxquels les océans sont confrontés ont été largement abordés lors de la conférence. Celle-ci a conclu à la nécessité de politiques globales et d’une gestion intégrée pour garantir des écosystèmes sains et productifs, tout en assurant une utilisation durable à long terme des ressources marines et côtières.

Parmi les enjeux figurent l’aggravation des effets du changement climatique, la pollution plastique, la pêche industrielle illicite, non déclarée et non réglementée, les effets dévastateurs du surtourisme et la propagation des espèces envahissantes.

« L’insécurité maritime menace la paix. La pollution empoisonne les côtes et les écosystèmes. Et la crise climatique — dont l’Afrique n’est pourtant pas responsable — ravage ses rivages. Nous devons mettre fin aux injustices historiques. Ces injustices se traduisent aussi dans l’océan : les investissements ont trop souvent contourné l’Afrique, alors même que ses ressources marines étaient exploitées par d’autres », a déclaré Guterres.

Face à ces menaces, les participants à la conférence ont souligné l’urgence d’un nouvel élan et de financements concrets pour tenir les engagements pris. Les océans africains doivent devenir de véritables corridors d’intégration, reliant pays côtiers et pays enclavés au service d’une croissance partagée. Cela implique des investissements stratégiques dans les infrastructures maritimes et portuaires : des ports interconnectés, résilients face au changement climatique, et capables de répondre aux besoins d’un commerce en expansion.

« De Dakar à Djibouti, du Cap à Casablanca, l’Afrique prouve qu’on peut conjuguer prospérité et préservation. Le monde a besoin de l’Afrique pour relever les défis de l’océan. Et l’océan a besoin d’une Afrique qui trace sa voie et navigue résolument vers l’avenir », a conclu Guterres.

Source : french.ahram